Angoulême est dans l’apanage de M. le comte d’Artois. Déplorable usage que font de leur autorité les gens d’affaires de ce prince. Grand malheur pour les provinces d échoir ainsi à des princes. Ils n’en sont ni les protecteurs, ni les bienfaiteurs, et leurs employés en sont les petits tyrans. Chicanes, vexations, recherches, mauvaises difficultés de toute espèce, voilà pour les peuples. Quant aux princes, ils y sont pillés par ces employés de la manière la plus scandaleuse. A Angoulême, dans le château, qui étoit une petite forteresse, ils ont, sans la participation du ministre de la guerre, détruit deux bastions, et cela pour une spéculation de vente de terrain, et pour construire une maison qui a coûté à M. le comte d’Artois beaucoup plus qu’elle ne lui a rendu; sans doute Angoulême peut se passer de château, et le château surtout pourroit se passer de bastions; mais il y a cent autres forts dans le royaume, plus inutiles encore, et qui étoient surtout plus mauvais et plus délabrés. Le ministre hésite d’adopter, sur cela, le plan général que je lui propose. Il paroît ne pas oser toucher à aucun fort. M. Elie de Beaumont, avocat de Paris, intendant des finances de M. le comte d’Artois, prononce sur le sort du château d’Angoulême, et le fait démolir à grands frais pour son prince, sans le consentement du gouvernement, et sans aucun objet de profit réel; et le roi ne continue pas moins d’yentretenir un état – major. M. le marquis de Chauveron est à-la-fois comte, roi d’Angoulême et commandant de la province; il n’a jamais été que major de cavalerie; encore un abus : c’est par la protection de M. le duc d’Orléans, chez lequel il joue la comédie, qu’il a obtenu cette place. C’étoit autrefois celle d’un officier-général; on lui a composé un traitement de 10 à 12 mille francs, on lui a donné 11 mille francs de gratification pour un logement qu’il s’est fait arranger dans le château. En petit, en grand, en masse et dans les détails, dans la capitale, comme dans les provinces, au centre comme dans les extrémités, quels que soient les départemens, on ne peut faire un pas sans trouver un abus ou une faute. Ce seroit un gros recueil à former; mais malheureusement, il seroit plus piquant qu’utile ; ce seroit la satire du Gouvernement, le scandale des étrangers, et le désespoir de tout bon citoyen.

Source : Voyages de Guibert, dans diverses parties de la France et en Suisse.