La paroisse Saint-Martin de Jauldes, outre le bourg, comprenait vingt-trois hameaux, dont voici les noms : 1° Le Bois de Jauldes; — 2° Le Grand-Cherves; — 3° Le Petit-Cherves; — 4° Cussac ; — 5° Fayolle ; — 6° Glanges ; — 7° La Grenouillère ; — 8° La Jonchère ; — 9° L’Age; — 10° Margnac ; — 11° La Mercerie; — 12° Chez-Morand; — 13° La Mornière; — 14° La Motte; — 15° Nouailles ; — 16° Portal; — 17° Puy-Guichard ; — 18° Chez-Quillet; — 19° Chez-Renard; — 20° Les Rivauds ; — 2° Torsac; — 22° Treillis; — 23° Magnac de Jauldes.
Le bois de Jauldes.
Ce charmant petit hameau a été de tout temps richement encadré dans les plus beaux arbres de la Braconne. Il y a notamment à son entrée, du côté de la forêt, une clairière immense au milieu de laquelle paraissaient vivre en souverains de ces lieux des chênes séculaires. Malheureusement, la hache administrative a fait disparaître progressivement ces verdoyants témoins des temps passés. Il en reste peu de nos jours, et leur aspect a Tair plutôt triste que glorieux de leur ancienne origine. C’était sous l’ombrage épais du feuillage de tous ces géants décimés et sur les verts tapis qui s’étendaient à leurs pieds, que les habitants de toute la paroisse, accompagaés chaque année de leurs parents, de leurs voisins et de leurs amis, allaient joyeux célébrer la frairie de Jauldes, le jour de la Pentecôte. Ces usages ont disparu comme les vieux arbres, et, comme les anciens habitants, sont devenus victimes des révolutions ou des siècles. Je regarde comme un devoir de signaler au lecteur une famille vénérée qui habita longtemps ce hameau. L’exil et le martyre en même temps que sa parenté avec notre apôtre imposent désormais son nom à nos pieux souvenirs. C’est la famille de Crozant.
Concernant cette lignée, le premier nom que l’on rencontre dans les registres de la paroisse est celui d’un Léonard de Crozant, né vers 1652, mort en 1782 à soixante ans environ. Il laissa un fils, Maximin, qui épousa une demoiselle Jeanne de Lavergne. De ce mariage naquirent deux enfants : François et Anne. Anne devint l’épouse de Jean de La Brosse, frère de notre héros, et François fut le père de l’époux d’Anne-Marguerite Normand de La Tranchade, veuve de Crozant, guillotinée à Paris le 9 mesidor an II (28 juin 1794). La tradition rapportait que deux demoiselles de Crozant, de ce pays, après avoir fait pendant toute leur vie l’édification du peuple par leur charité, furent dénoncées comme conspiratrices en 1793. Arrêtées aussitôt par les ordres du district de La Rochefoucauld, elles furent conduites dans le château de cette ville et l’on n’entendit plus parler d’elles.
Grâce à des recherches minutieuses, j’ai pu reconstituer cette légende. Il est probable que la première victime de ce nom fut Anne de Crozant, veuve de Jean de La Brosse. Les anciens du hameau m’ont affirmé que leurs ancêtres l’avaient vue partir pour la prison. Qu’est-elle devenue? On pense que, vu son grand âge (elle avait soixante-dix-huit ans), elle périt de suite de douleur et d’effroi dans le cachot où elle fut reléguée. Quant à la seconde, son histoire est en détail dans Les Victimes de la Terreur. J’extrais de cet ouvrage ce qui regarde le hameau du Bois, et j’y ajoute certains renseignements qui ne concordent pas absolument avec ceux de l’auteur.
Madame de Crozant de La Brosse était veuve et sans famille. Par respect pour sa mémoire, le domaine du Bois avec le logis fut acheté par un de ses neveux, Louis de La Brosse. Le nom du propriétaire saisi est Jean-François de Crozant, émigré, l’aîné des deux petits-fîls du frère d’Anne de Crozant.
Le fils de Louis de Labrosse qui ne signe alors que Louis Labrosse, Pierre dit Bellefond, se bâtit pour lui seul un hameau : l’Aiguille de Jauldes, qui n’est pas mentionné dans la nomenclature que nous avons faite parce que notre intention était surtout de parler des hameaux qui existaient au temps de notre missionnaire. Cette demeure, qui se compose d’une maison d’habitation, une des plus belles delà commune, et de vastes dépendances est gentiment située à 200 mètres du bourg, sur la route de Jauldes à Angoulême. M. Bellefond (c’est ainsi qu.’on appelait M. Pierre de La Brosse) y a laissé, comme dans toute la contrée, du reste, le souvenir d’une charité qui ne se lassait pour personne. Tous les jours, on entend répéter encore, par des personnes reconnaissantes ou sympathiques, qu’il a sauvé par ses soins assidus du jour et de la nuit, là, un père, ici, une mère, ailleurs un fils, quelqu’un partout, plusieurs personnes dans chaque partie de la commune. Aussi ses funérailles furent-elles l’occasion de la manifestation d’un deuil général et son nom reste-t-il dans le pays avec le souvenir toujours vivant de son dévouement et de son grand cœur. J’ai eu la douleur d’être devancé par la mort auprès de son fils unique, M. Gustave Labrosse, ancien notaire à Cognac, le donateur du vitrail de Saint-Martin ; mais la pieuse épouse qu’il a laissée et ses deux filles, qui rappellent, dans la paroisse, les souvenirs de vertus des demoiselles de Crozant, auront, par leurs mérites anticipés, disposé le cœur du bon Dieu en faveur du père et de l’époux.
Le Grand-Cherves et le Petit-Cherves de Jauldes.
Le Grand-Cherves de Jauldes et le Petit-Cherves ne formaient autrefois, habituellement, qu’un seul hameau; il est même très rare, avant 1830, de trouver un acte sous le nom particulier de Tun d’eux. Ces hameaux doivent l’importance qu’ils ont prise, surtout depuis un demi-siècle, à la prospérité des vignes et au commerce qu’elle favorisait. C’est de ce temps d’abondance que datent les coquettes habitations aperçues le long des routes d’Angoulême et de la Braconne, ainsi que dans l’intérieur des hameaux. Il existe encore dans le Grand-Cherves une maison dont les fenêtres indiquent l’époque de la Renaissance ; c’était peut-être la demeure des de Zherces, une des plus importantes et des plus anciennes familles connues.
Cussac.
Cussac, autrefois Cussat, a toujours été un petit hameau. Il fut habité par une sœur du P. de La Brosse, Anne de La Brosse, qui épousa Briand, sieur du Courret. Elle y mourut en 1769, à l’âge de cinquante ans. Le sieur Briand, déjà beau-frère de notre apôtre, épousa en secondes noces Anne Duboiscuvier, cousine du bon Père. Elle mourut à Cussac en 1789, à l’âge de quarante-neuf ans, et son mari en avait soixante-quinze quand il la suivit dans la tombe, la même année. Ce hameau est à cent mètres de la route de Chasseneuil à Saint-Cybardeaux et à 1,500 mètres du bourg de Jauldes.
Fayolle.
Ce hameau appartenait tout entier à la plus riche famille du pays. Le beau château qui s’y trouvait et qui ne fait plus voir depuis longtemps que des ruines, a gardé pour lui seul tous les souvenirs de Fayolle. Les anciens parlent encore avec un certain enthousiasme de l’aspect imposant de ses tourelles et de ses tours comme les décrivaient leurs pères, de ses portes bardées de fer et soulevées par des chaînes puissantes, des fossés profonds, des arbres gigantesques qui l’entouraient, de ses prairies immenses, des larges avenues bordées d’arbres de toute essence, qui conduisaient, l’une à l’immense étang qui subsiste encore, l’autre à l’église de la paroisse. Il ne reste de cette magnifique construction que des pans de murs et des ronces, mais ces débris sont encore importants. On peut les apercevoir de presque tous les points de la commune. Les visiteurs, qui ont la hardiesse de gravir ces restes que la Révolution et la rapacité n’ont pu descendre encore de leur base, ont devant eux la magnifique vallée qui s’étend jusqu’aux portes d’Anais et de Tourriers et à leur gauche la ville d’Angoulême où l’on peut distinguer et les arbres de Beaulieu et les flèches les plus élevées des édifices de la ville. Le soir, le coup d’œil est féerique, quand la cité s’éclaire des milliers de feux de ses gaz. Fayolle était un arrière-fief dépendant de la baronnie de La Rochefoucauld. Il appartint dans le principe aux Tizon d’Argence, qui ont donné leur nom à une rue d’Angoulême. Il fut légué par eux à Foulques de Lubersac, qui le laissa en héritage à son fils, un capitaine de Fayolle qui mourut au siège de Metz en 1552. En 1662, un François Duvignaud, sieur de Vaucaise, et son frère, Fayolle Duvignaud, possèdent le château de Fayolle. Ils avaient épousé les deux sœurs de Guitard : Fayolle, l’aîné, avait épousé Marie, et François épousa Louise, en 1668. En 1672, Vaucaise a un fils Henry, qui a pour parrain un de Feydeau, sieur de La Rochebertier, et pour marraine Marie de Curzay, de Jauldes. En 1673, de Feydeau épouse Marie de Curzay, et, parmi leurs témoins, figurent C. de France, Dassier, de Nesmon, etc.. Un autre capitaine de Fayolle mourut à Mantoue en 1702. On trouvera à la fin du volume copie d’une pièce qui l’atteste. En 1714, Henry Duvignaud, seigneur de Fayolle et Sigogne, épouse une demoiselle Elisabeth-Charlotte de Montbron. De ce mariage naquirent deux enfants : 1° Marie-Louise, le 17 janvier 1715, et 2° François, le 26 janvier 1717. A cette époque, vivait à Fayolle une famille alliée aux de La Brosse : Samuel Briand, sieur de Montplaisir, marié avec Anne Duboiscuvier. Briand y meurt en 1722, et sa veuve s’y remarie en 1724 avec un marchand d’Anais, Vouillat, parent des Duboiscuvier. En 1733, un d’Andignac est bailliste de Fayolle. Entin un acte daté du 20 avril 1789 indique, comme dernier propriétaire du château et de ses dépendances, Marc-René Bareau de Girac, chevalier et seigneur de Fayolle. On raconte tous les jours que ce de Girac émigra, que son château fut dévasté et incendié et que les terres furent vendues comme biens de la nation, l’an II de la République.
Glanges.
Ce hameau est en pleine Braconne. La route qui le traverse depuis quelques années et qui va aboutir au château de La Rochefoucauld, lui a donné un aspect moins sauvage. On y trouve des restes de voie romaine. La tradition rapporte, et l’histoire du pays semble lui donner raison, que les Huguenots, en 1568, établirent à Glanges leur quartier général, pendant quelque temps, et que de là ils portèrent répouvante et la dévastation dans toute notre contrée, ils avaient une armée formidable évaluée à cent mille hommes et ils marchaient sous les ordres de François III de La Rochefoucauld, comte de Rouey, qui périt dans les massacres de la Saint-Barthélémy en 1576, sous la conduite de Henri de Navarre, qui devint Henri IV, et sous celle du prince de Condé, qui périt à Bassac. Au XVIe siècle, il y avait à l’entrée de ce hameau, près du chemin de Jauldes à la Braconne, une maison importante habitée par une puissante famille, les de Corgnol. Ce qui reste de cette demeure sert de maison de chasse à mon cher condisciple de Richemont, Ernest Robert, de Ruelle. Elle s’appelait, cette habitation, le Vallon-de- Glanges; en 1681, y mourut nonagénaire Isaac de Corgnol, qui fut inhumé dans le chœur de notre église. Il avait eu, avant de mourir, la consolation de marier sa fille Marguerite avec Florent de Raymond, sieur du Peyrat, originaire de Saint-Angeau, et d’assister au baptême d’une petite-fille en compagnie de toute la noblesse des environs : les de Raymond, les de Mascureau, les le Querroy, les de Crozant, les de La Grèze, les de Torsac de Jauldes, les Callière, etc. Je pensais à cette réunion princière, un matin que je visitais là mon ami, en remarquant dans l’ancien vestibule, à la place des vêtements supplémentaires des hôtes d’autrefois, soixante peaux de lièvres suspendues en rang pour attester les succès du chasseur. Ainsi s’en vont la gloire et les hommes. Les deux familles les plus anciennes et les plus importantes après les de Corgnol étaient les Bourabier et les Rondeau. Le camp de la Braconne, qui avoisine ce hameau et qui s’étend de plus en plus de ce côté, donne à penser aux habitants qu’ils sont appelés à abandonner quelque jour leurs maisons et leurs terres.
La Grenouillère.
Ce hameau a disparu sans laisser de traces.
La Jonchère.
Grâce à l’obligeance de M. le vicaire général Nanglard, j’ai appris que ce hameau s’appelait La Bunzachiera à la fin du XIIIe siècle. La Jonchère a toujours été un hameau de peu d’importance, si l’on ne tient compte que du nombre des habitants. De nos jours, il se réduit à trois ou quatre feux. Les familles qui s’y fireni remarquer furent celle des Prévot-Desvalins, et celle des Clément.
L’âge.
Il y eut dans ce hameau un prieuré, saint… de L’Age-Monjau, Sanctï…de Agïa-Monaccdi, dépendant de l’abbaye de Saint-Cybardd’Angoulême. Ce prieuré était une des plus anciennes possessions de l’abbaye. Il fut conventuel à l’origine et jusqu’au XIIe siècle. Une bulle du 17 septembre 1337, dont l’exécution est confiée à l’abbé de La Chaise-Dieu (Clermont) l’unit à La Chambrerie. En 1449, il est représenté comme ayant été ruiné par les guerres et la mortalité, et le chambrier en abandonne la jouissance, qui ne lui impose que des charges sans profil. L’abbé le confère cependant, le 21 août de la même année, à un Nicolas Aubert, régulier. Mais, peu après, celui-ci, y voyant trop de ruines à relever, l’abandonne à son tour. Ce bénéfice, ayant perdu sa chapelle et ses bâtiments, est transféré à Tourriers. L’Age, qu’on écrivait aussi Lâge et Laage, est près de Fayolle. Ce hameau était en quelque sorte absorbé par le château. Il l’a bien absorbé à son tour. C’est, en effet, après la Révolution que ses terres élargies et ses coteaux bien cultivés l’ont enrichi par le vin délicieux qu’ils se sont mis à produire, et que des constructions plus élégantes et plus vastes se sont élevées à côté des anciennes toutes basses et confondues les unes dans les autres. Les voyageurs qui le regardent de la route de Jauldes à Anais le prennent toujours pour un hameau très important. Les deux familles les plus anciennes sont les Piffre et les Jonquet.
Margnac.
Ce hameau est formé par un joli groupe de maisons qu’on rencontre en amphithéâtre, à 1,500 mètres du bourg de Jauldes, quand on suit la route d’Angoulême. La plus ancienne famille de Margnac est celle des Bois. La plus importante de nos jours est celle de notre aimable adjoint, M. Pierre Bois-Roulet.
La Mercerie.
La Mercerie, autrefois si bien habitée, est de nos jours un des hameaux les plus réduits de la commune de Jauldes. Quand, sur la route de Chasseneuil, on se trouve en face de L’Age, on peut apercevoir, à gauche d’un chemin qui conduit de Fayolle à Magnac, quelques pans de murailles envahis par les ronces et trois ou quatre maisons qui composent les deux feux actuels du hameau. C’est toute la Mercerie. Là, pourtant, fut autrefois une des plus grandes familles du pays, les Briand dont quatre frères : le sieur du Courret, le sieur de Monplaisir, le sieur des Essarts et le sieur des Vallons, étaient alliés aux autres familles importantes de la contrée : aux Duboiscuvier, aux de La Brosse, aux Gervais, et qui invitaient à leurs fêtes les châtelains de Fayolle, les de Corgnol de La Touche et les de Crozant du Bois-de-Jauldes.
Chez-Morand.
Ce hameau, qui est près du Bois de Jauldes en Braconne, est de date récente.
La Mornière.
La Mornière est un de nos hameaux les plus anciens. Je trouve en effet qu’au XIIe siècle un sieur de La Mornière (de La Mourineyra) vendit une propriété au sieur Audoin de Magnac. Traversé de nos jours par la route de Jauldes à Angoulême, ce hameau a perdu beaucoup de son importance d’autrefois. La famille ancienne la plus distinguée a été celle des Mayoux dont un fils épousa une demoiselle de La Lande. Cette famille, qui a donné plusieurs prêtres à l’église, parmi lesquels, trois curés à Agris, a fourni aussi la marraine de notre apôtre, Jeanne Mayoux, entrée au couvent de l’hospice de La Rochefoucauld où elle est conseillère en 1716, et où elle meurt le 9 mars 1753 à l’âge de soixante-cinq ans. Elle avait trente-six ans quand elle fut marraine de Jean-Baptiste.
La Motte.
La Motte, qu’on écrivait aussi La Mothe, était au commencement du xiif siècle un des hameaux les plus populeux de la paroisse. Les familles Bonvaslet, Fougerat et Lavenat y donnaient alors l’exemple des patriarches par le nombre de leurs enfants et par la bonne entente qui régnait entre toutes les personnes de chaque maison. Un Moreau et un Favreau épousèrent deux filles Bonvaslet en 1734 et en 1736. Au milieu de ces bonnes familles vivaient celle des Constantin et celle des de Bort. Ces derniers étaient parents des de La Brosse. Constantin, notaire royal, avait succédé, dans cette charge, à son père Jacques Constantin. Il épousa une demoiselle Boissier, fille du Sieur des Combes, dont il eut plusieurs enfants qui s’établirent dans la paroisse de Jauldes et dans les environs. Un Constantin de Villars a été maire de Jauldes et convoquait son conseil à La Motte, dans sa maison. Cette demeure et les terres qui en dépendent appartiennent aujourd’hui à M. Georgeon, le célèbre avocat d’Angoulême. La famille Fougerat survit encore dans celle de notre excellent maire M. François Bois-Boulet.
Nouailles.
Ce hameau, beaucoup plus rapproché d’Anais que de Jauldes, était, surtout à l’époque qui nous occupe, bien peuplé. Une demoiselle Marie de La Glaye de Nouailles fut enterrée dans l’église de Jauldes, devant l’autel de Saint-Eutrope « environ deux brasses dudict ». Elle avait épousé un Lair, dont la maison reste importante pendant de longues années, et se partage ensuite par des alliances entre les Basset et lesFradet. Des Basset sont parrains d’enfants de la famille de La Brosse et réciproquement, et un Fradet Pierre épouse une Marguerite de La Brosse, le 6 février 1769. Nouailles est un des hameaux de Jauldes qui présentent le mieux le mélange du contemporain et du passé. Il n’est pas rare d’y rencontrer des constructions modernes adossées à d’anciennes maisons qu’elles semblent soutenir ; image touchante de souvenirs bien conservés et d’une bonne entente entre les deux âges. Avec cela, Nouailles est encore un grand et beau hameau, qui se tourne de plus en plus vers la route de Chasseneuil. Ses pieds se baignent sans cesse dans les eaux murmurantes et limpides de sa fontaine précieuse, de son beau lavoir et de son fécondant ruisseau.
Portal.
Il est mieux de dire Portail. C’était un tout petit hameau dont il ne reste pas la moindre pierre. Il était près de L’Age, sur la route de La Clavière où l’on trouve toujours les champs du Portail. Ce hameau fut habité par la famille Jamain, dont le chef Nicolas mourut à quarante-cinq ans et dont la fille Marie épousa un Jean Blanchet, d’Anais, en 1702.
Puy-Guichard.
Puy-Guichard, qu’on trouve aussi écrit Puy-Quichard, était dans la direction de Jauldes à Fayolle, par le chemin du château. Il ne reste plus de ce nom qu’un bois, appelé par corruption Pïchard, et le chemin de Puy-Guichard mentionné sur le cadastre. Le premier propriétaire de ce hameau paraît être un de Guichard, dont une fille épousa un Constantin de La Jonchère. Le dernier est un Jean Mesnard, marié à une Paquet, dont la fille unique mourut le 5juin 1787.
Chez-Quillet.
Ce hameau de très petite importance était situé entre Chez-Renard et Treillis. Il a disparu sans laisser autre chose que les noms de deux familles qui l’habitaient : les du Theil et les Galloux.
Chez-Renard.
C’est un des hameaux qui est resté le plus longtemps stationnaire dans la simplicité de ses maisons d’autrefois. Il paraît prendre son essor et nous fait voir depuis quelque temps des constructions vastes et bien bâties. Les familles les plus anciennes sont les du Theil, les Galloux, les Billat et les David.
Les Rivauds.
Je n’ai trouvé ce nom que deux fois dans les anciens registres de la paroisse. Ce hameau ne comprenait en effet qu’une demeure sur le territoire de Jauldes. La plus grande partie appartenait à Anais. La situation est la même aujourd’hui.
Torsac.
Le nom de ce hameau est presque toujours écrit Torsat. Il s’étendait entre le Grand-Cherves et Magnac. Il ne reste plus rien des demeures qui le composaient et qui abritèrent dans le passé des familles remarquables. Quelques murailles, qu’on dit les ruines d’un château, de grandes plaines et de vieux chemins disent seuls encore son nom. Ce fut là que se maria un ancêtre de notre apôtre avec une Marthe de La Croix. Un Pierre de La Brosse y épousa aussi une Jane Séguin en 1702. Les de La Croix, les Tison et les Séguin sont les plus anciennes familles; puis viennent les Constantin, sieurs de Romefort, et les Sïbilet ou Cibïlet. Anne Constantin a pour marraine, en 1726, une Marguerite de Chalais. En 1733, a lieu le solennel mariage de Jean Bouniceau, de Saint-Amant-de-Boixe, et de Marie Frotier-Tison, de Torsac-de-Jauldes. Et puis, plus rien que quelques noms rares et sans importance en attendant le silence définitif, preuve évidente d’une complète dispersion des habitants de ce hameau dès le milieu du XVIIe siècle.
Treillis.
Vu du chemin de Jauldes à une certaine distance. Treillis présente l’aspect d’un village important et bien bâti. Il est resté un des hameaux les plus habités de la commune. Il a paru de tout temps un des plus aisés, en ce sens que l’ensemble des familles a montré plus de bien-être que la généralité des autres.
Au XIe siècle (1038-1043), d’après une charte que l’on trouvera à l’Appendice de ce volume, Guillaume Guichard et ftier, son frère, avec plusieurs membres de leur famille, donnent à Saint-Pierre-d’Angoulême des biens qu’ils ont à Tresliz et qui proviennent de leur aïeul, Eblon de Tresliz. Treillis est appelé Yïlla dans cette charte, et ce hameau dépendait alors de la Vicairie de Montignac-Charente. Après ces noms, les premiers qui se rencontrent dans les actes concernant Treillis sont ceux des de Villemandy, venus du bourg, des de Bort, venus de La Mothe, des Bonamy, des Mesnard, des Blanchard et des de Dieu. En 1 702, un Jean de Dieu, praticien de la paroisse de Saint-Jacques de L’Houmeau, épouse à Treillis une Françoise de Bort. Ce Jean de Dieu, devenu procureur fiscal de la juridiction de Jauldes et Fayolle, fut surpris par la mort, n’eut que le temps de recevoir l’Extrême-Onction et fut enterré dans l’église de Saint-Martin de Jauldes devant l’autel de la Sainte-Vierge (septembre 1725). Son beau-père, Jacques de Bort, l’y avait précédé en 1716. En 1727, un Pierre de La Brosse, d’Aussac, se marie, à Treillis, avec Marguerite Joubert, née en 1703, de Pierre Joubert et de Marguerite Beaudet. Ce mariage, qui fut très solennel, attira dans ce hameau plusieurs nobles familles. Les Joubert avaient leur sépulture dans l’église de Jauldes, du côté de l’autel de la Sainte-Vierge. Marguerite Beaudet et son époux Pierre Joubert y furent enterrés : la première en 1723 et le second en 1726. En 1728, il se fit à Treillis un autre mariage remarquable : Pierre Fureau, sieur des Fontenelles, qui habitait ce hameau avec son père venu de La Rochette, y amena comme épouse une demoiselle Magdeleine Frottier-Tison, de ïorsac-de-Jauldes. Puis ce sont les Sérier, les François, les Chambaud et les Basset qui continuent avec les autres descendants des familles précédentes l’histoire très intéressante de Treillis. De nos jours, cet endroit est encore plein de vie, d’une vie agricole surtout. La route de Saint-Amant-de-Boixe, qui le traverse, permet au vovasreur d’admirer sa belle fontaine avec sa source abondante et mystérieuse, ses lavoirs toujours occupés, son charmant petit ruisseau et les hauts peupliers qui en protègent les bords.
Magnac de Jauldes.
Magnac est le hameau remarquable entre tous, celui où naquit l’homme distingué qui donne de la gloire à tous les autres. Son nom brillera désormais avec celui de Jauldes à côté du nom du célèbre compatriote que les siècles mieux informés n’oublieront plus. Je voudrais le décrire avec des expressions de particulière piété. Il me semble que les sentiers qui y conduisent sont plus bénis, que ses fleurs sont plus belles, que sa verdure est plus douce, que ses eaux sont plus limpides, que son aspect est plus riant qu’ailleurs, parce que ses souvenirs sont plus sacrés. J’ai interrogé le plus possible le passé, relativement à ce hameau, il ne m’a rien fourni au-delà du XIIIe siècle, mais au déclin de cette centurie des âges, j’ai trouvé qu’une famille Audoin habitait Magnac. Deux autres familles importantes se sont greffées sur celle-là et ont donné dans la suite naissance à notre héros : les de La Brosse et les Duboiscuvier. Au moment où naquit Jean-Baptiste de La Brosse, le hameau tout entier appartenait à ces deux derniers noms et les autres habitants n’étaient que des serviteurs. Mais quelle fut précisément la maison où l’apôtre reçut le jour, il n’est pas possible de l’indiquer aujourd’hui, puisque le vaste logis des de La Brosse a été divisé et remplacé par deux habitations, depuis longtemps indépendantes l’une de l’autre. Il est presque sur cependant, et c’est l’avis des anciens de la famille, que ce fut dans la partie occupée de nos jours par les Garraud. Il reste en effet dans cette demeure une chambre qui date du temps de cette naissance. Tandis que dans la partie qui est aujourd’hui la propriété de M. Louis Lesenne, il n’y a qu’une salle voûtée, qui rappelle plutôt une ancienne servitude qu’une maison d’habitation. Le principal corps du logis des de La Brosse était donc dans les immeubles partagés aujourd’hui entre Théophile Garraud et Chopinard. Il n’y a pas de doute que ces immeubles viennent tous des de La Brosse. Le père de Théophile Garraud en a acheté la première moitié des héritiers de cette famille et l’autre moitié leur appartenait aussi. Les Lesenne sont eux-mêmes des héritiers par leur grand-père qui épousa une de La Brosse en 1793. Les Duboiscuvier habitaient la maison de M. Victorien Lesenne.
Magnac est un des hameaux les mieux situés de la paroisse. Le voyageur qui suit la route de Chasseneuil à Saint-Cybardeaux, après avoir laissé le bourg de Jauldes à deux kilomètres derrière lui, aperçoit, à sa gauche, ce petit nid, encore plein des plus anciens et des plus touchants souvenirs, largement établi sur un mamelon bordé de murailles et qui se perd en pentes douces dans de vastes et fraîches prairies. Les constructions les plus importantes sont aujourd’hui celles de xl. Claude Lesenne, (dit M. Numa), notre dévoué président du bureau de la Fabrique. M. Claude Lesenne est aussi un descendant des de La Brosse par sa grand’mère, au même titre que M. Victorien et M. Alexis Lesenne. Son fils, M. Maurice, ancien officier d’infanterie, a épousé, il y a quelques années, Mme Thérèse Lesenne, sa cousine. Les bénédictions du ciel sur cette union des mieux assorties et des plus heureuses se sont épanouies dans trois charmants enfants : Léonide, Ludovic et Henri. Si ces chers petits n’ont pas le nom de leur grand-oncle, ils seront à même d’acquérir assez de mérites pour devenir les dignes héritiers de sa gloire et de ses vertus.
Mes chers paroissiens, glorieux de leurs ancêtres, et mes lecteurs du Canada, si avides de tout ce qui rappelle le bon P. de La Brosse, ne me reprocheront pas la petite histoire de Jauldes qui fait l’objet de cette première partie. C’est du reste pour les intéresser les uns et les autres que je l’ai entreprise. Il m’a semblé aussi qu’en présentant, émaillée de ces grands noms du passé et de ces beaux souvenirs, cette paroisse devenue plus humble, je la rendrais aux yeux de tous, plus digne encore du grand personnage dont elle fut le berceau, au temps de sa gloire.
Source : Un grand apôtre du Canada, originaire de l’Angoumois, d’Alexandre Chambre.