M.de Bernage, intendant à Limoges, au contrôleur général des finances (Michel Chamillart)
Le 2 juillet 1701
Il y a quelque temps qu’ayant donné avis au Roi de la mauvaise conduite des nouveaux convertis de la ville de la Rochefoucauld et désigné le sieur Pasquet et le sieur Villemandy, son gendre, comme ceux qui avoient le plus de part à leur opiniâtreté, S. M. m’envoya ses ordres pour faire mettre le premier dans la prison que je choisirois et pour exiler le dernier à Limoges. L’exécution de ces ordres a eu un si heureux succès, qu’en peu de temps, le sieur Pasquet s’étant converti dans le château d’Angoulême, et le sieur de Villemandy à Limoges, ils furent renvoyés chez eux, où leur exemple a procuré un très grand nombre de conversions, et j’ai tout lieu d’espérer encore un meilleur effet de leur persévérance. Comme je crois qu’on ne peut rien faire de plus utile pour le progrès de la religion que de donner des marques de satisfaction à ceux qui tiennent une pareille conduite, et que c’est un des points de nos instructions, j’ai offert au sieur Pasquet et à sa fille les services qui dépendroient de moi pour leur procurer quelque grâce de S. M. Il m’a paru souhaiter avec passion d’être anobli, ne demandant point cet avantage purement gratis, mais qu’il plût à S. M. de remettre en sa faveur une partie considérable de la finance qu’il a fixée pour les lettres de noblesse, dont il en reste encore quelques-unes à vendre dans cette généralité. Je vous supplie de me marquer s’il y a lieu d’espérer cette grâce, qui me paroit d’autant plus aisée à lui accorder, que, d’un côté, S. M. n’aura rien à débourser, et que, d’un autre, le sieur Pasquet n’en est pas indigne. Il est de bonne famille, proche parent de M. de Gourville, dont le mérite porte recommandation. Il a été longtemps intendant de M. le duc de la Rochefoucauld pour les affaires des terres qu’il a dans ce pays; il s’en est acquitté à sa satisfaction, et n’a cessé d’avoir cet emploi qu’à cause de la religion. Il a été conseiller de feu Monsieur le Prince et en a conservé les privilèges, comme tous les autres officiers de ce prince, par un arrêt du Conseil donné en leur faveur; aussi il jouit actuellement de l’exemption des tailles, et le lieu ne sera point foulé par le rejet de son taux. Il a enfin toujours vécu très honorablement et en fort honnête homme, à sa religion près. Il est certain que cette marque de distinction en sa faveur feroit un effet excellent pour le progrès de la religion catholique.
On réduisit de moitié, c’est-à-dire à 3,000 #, la finance due pour cet anoblissement. (Lettres des 9 août et 28 novembre.)
Source : Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les intendants des provinces, de 1699 à 1708.