De l’histoire des protestants de Massignac il ne nous est parvenu que quelques rares épisodes qui appartiennent au premier tiers du XVIIe siècle.

Comme la Sudrye, Massignac était situé en Angoumois, mais jouissait du voisinage peu envié d’un prieuré ancien qui fut uni en 1604-1605 aux Jésuites de Limoges et forma dès lors un prieuré-cure à la nomination des révérends Pères. Le seigneur du lieu était alors Nicolas Chasteigner, baron des Etangs, d’une illustre famille dont une branche restée catholique, celle des La Roche-Posay, a donné plusieurs évèques au catholicisme. Une seconde branche, celle des seigneurs de Lindois, était calviniste et apparentée aux maisons de Pierrebuffière et de Rochefort. Messire Chasteigner de Lindois, quoique de naissance noble, ne dédaigna point de s’asseoir comme simple étudiant sur les bancs de l’Académie de Nimes. La troisième branche, celle qui va nous occuper ici, avait embrassé le calvinisme sur la fin du XVIe siècle, à l’instigation de dame Jaquette de Moussy déjà protestante, et avait favorisé ses progrès déjà anciens dans la contrée.

On conçoit que Nicolas Chasteigner ne fut point d’humeur à payer aux Jésuites les dîmes ecclésiastiques qu’ils lui réclamaient sur certains domaines de son fief, en vertu de l’article 25 de l’édit de Nantes. Il en résulta, à partir de 1607, des hostilités plus ou moins déguisées qui amenèrent un procès. Ce procès dura plus de quinze années et se termina une première fois par la condamnation du baron des Etangs, 1620. Repris quelques années plus tard par le baron, puis par ses héritiers, il se prolongea jusqu’en 1670 et peut-être même au-delà, car la sentence finale n’est point connue.

Un autre événement mit encore les adversaires aux prises. Dlle Jaquette de Moussy, mère de Nicolas Chasteigner, décéda en son château des Etangs, le 19 novembre 1617, assistée d’un ministre protestant. Le baron prétendit la faire inhumer dans l’église catholique où se trouvaient les tombeaux de ses ancêtres. Les Jésuites s’y opposèrent, mirent l’évêque de leur côté et refusèrent de livrer les clefs de l’édifice. Appuyé par quelques gentilshommes des environs, Nicolas Chasteigner fit forcer les portes de l’église et procéder à l’inhumation de sa mère au son de la cloche paroissiale. Le curé déclara l’église profanée et fit élever un mur autour du tombeau de la baronne. Mais les gens du baron des Etangs renversèrent ce mur et parurent un instant devoir garder le dernier mot. Les Jésuites s’adressèrent alors au parlement de Paris qui, par arrêt de 1620, ordonna d’exhumer le corps de la baronne en présence de son fils, et de le transporter hors de l’église et du cimetière de Massignac, ce qui fut exécuté.

Cette scène déplorable montre assez quels sentiments animaient les deux partis à l’égard l’un de l’autre. Elle met aussi en lumière quelques-unes des difficultés que les stipulations de l’édit de 1598 avaient laissées subsister. La prétention du baron de revendiquer la sépulture de ses ancêtres dans une église que ceux-ci avaient peut-être bâtie de leurs deniers, comme cela se voyait en maint endroit, est assez explicable. Celle du clergé à repousser de ses sanctuaires quiconque méconnaissait son autorité spirituelle ne l’est pas moins. Il y avait là une opposition de droits que l’édit était impuissant à concilier et qui devait amener fréquemment des conflits du genre de celui que nous venons de constater.

Quelques-unes de ces petites communautés calvinistes durent décéder vers 1645-1648, lorsque la jurisprudence se fut définitivement introduite de refuser l’exercice de leur culte aux églises de fief. Les troubles de la Fronde purent aussi hâter leur disparition.

Source : Histoire de la réforme dans la Marche & le Limousin, d’Alfred Leroux.