Les Charentes peuvent au point de vue de la chasse, être considérées comme une annexe du Poitou. Nous avons cité le Comte de St-Légier chassant à Chizé ; nous trouvons non loin de lui M. de Corderoy du Tiers, à Confolens, qui chasse le loup avcc un bon équipage de vingt-cinq bâtards.

MM. Edgard et Henri de Lassé, habitant aux environs de Ruffec réunissent leur meute de bâtards à celle de M. Nebout, veneur poitevin pour chasser loups et renards. Ils découplent ensemble de vingt à trente chiens.

En nous avançant dans la direction du Limousin, voici la Vénerie Charentaise, dans la belle forêt de la Braconne. C’est un vaste massif de 4500 hectares, entre Angoulême et La Rochefoucauld, composé de futaies et de taillis de chêne, assez bien percé, mais accidenté et dont les chemins, établis sur le rocher, sont très-durs. On y remarque un phénomène naturel des plus curieux : par suite de bouleversements géologiques, la roche calcaire du sous-sol présente des excavations de profondeur inconnue, telles que la Grande Fosse, la Fosse Mobile, auxquelles s’attachent naturellement les plus terrifiantes légendes.

C’est dans des fissures de ce genre que se perdent les deux rivières dites infernales, le Bandiat et le Tardoire qui arrosent une partie de la forêt. Elles reparaissent en bouillonnant à 12 kilomètres à l’Ouest et donnent naissance à la Touvre qui a immédiatement 80 mètres de large et porte bateau.

La Braconne a été peuplée de cerfs pris à Compiègne en 1868 ; les animaux sont de belle race, très vigoureux, souvent terribles â l’hallali. La chasse a été affermée par la Vénerie Charentaise, dont le président est M. Joseph de Villemandy de la Mesnière, lieutenant de louveterie.

Les trois équipages associés, composés uniformément de bâtards vendéens, sont :

1° Celui de M. Victor Roux de Reilhac, au château du Châtelard — 20 chiens ; 2° Celui de MM. J. de Villemandy, de la Mesnière, au château du Gazon et Charles Dubouché, au Château-Rocher — 25 chiens ; 3° Celui du vicomte Guillaume de Dampierre, lieutenant de louveterie, au château de Nieuil — 20 chiens.

Le premier de ces équipages est déjà fort ancien: les deux autres datent de 1883. M. Victor de Roux de Reilhac, qui vient de mourir à la fin de la saison, était un veneur consommé et de longue expérience ; à près de 80 ans, il ne manquait jamais une prise, donnant à tous l’exemple de l’ardeur, de l’entrain, de la bonne humeur, faisant revivre ainsi les traditions de l’ancienne vénerie française.

Le jeune président de la Société est d’une intrépidité à toute épreuve ; sans cesse à la queue des chiens, même dans les passages les plus difficiles.

En veut-on un exemples entre bien d’autres ?

Après s’être fait battre dans diverses enceintes, le cerf avait pris son parti sur la forêt de Boixe, l’avait traversée dans toute sa longueur ; puis prenant l’eau à Rehoisy, traversant la Charente, franchissant les murs du parc de Verteuil, il était venu se mettre encore à l’eau à Ruffec ; après ce délacher de plus de cinquante kilomètres, il ne restait en chasse que cinq chiens qui noyèrent l’animal ; M. de Villemandy ne les avait pas abandonnés un instant et l’hallali était pour lui un vrai triomphe.

Parmi les veneurs suivant le plus fidèlement les chasses, il faut citer MM. Yrieix de James, du Jonchay, de Laurière, de Matet, de Montarby, Rizat, de Verneilh et plusieurs officiers des garnisons voisines MM. de Vésian, le gentleman-rider bien connu, de Loisy, René de Villemandy.

La Vénerie Charentaise prend de quinze à vingt cerfs en Braconne, avec des durées de chasse de trois à quatre heures. Pendant les premiers mois de la saison, elle chasse aussi le loup non seulement en Braconne mais dans les forêts voisines de Bel-Air, des Quatre-Vents et de la Boixe : en moyenne elle prend quinze louvards.

Tenue : habit rouge avec parements grenat. Le bouton est d’or et porte un sanglier à l’hallali au dessus duquel se lit sur une banderolle la devise : Hallali-Charente.

Source : La vénerie moderne, de Léon de Jaquier.