Dans l’ancienne et primitive circonscription du diocèse d’Angoulême, alors fort restreinte, Pranzac était la seule paroisse rurale, si nous nous en rapportons au pouillé de 1597, dans laquelle il y eût un chapitre. Ces chanoines formaient-ils seulement un chapitre collégial, ayant ses dignitaires, ses insignes et ses prérogatives, ou bien n’étaient-ils que de simples chapelains chargés du service de la paroisse ? Jusqu’à présent, aucune lumière n’a été faite sur ce sujet. Le souvenir des chanoines de Pranzac ne nous est resté que grâce aux quelques lignes de l’auteur de la Statistique monumentale de la Charente, quand il nous dit « que les chanoines de cette paroisse envoyérent leur député aux assemblées du clergé pour l’élection de la députation aux Etats généraux en 1789 ». Aujourd’hui, nous pouvons émettre une idée plus nette sur l’existence et le rôle de ce chapitre durant une période de plus de deux siècles.
En l’an 1520, Jean Renouard, seigneur de Pranzac, mû par un sentiment de haute piété à l’égard de ses parents tant vivants que trépassés, désireux lui-même d’assurer le salut de son âme et sur le point de quitter la terre, institue de son plein gré quatre stipendies dans l’église de Pranzac. Que faut-il entendre par cette donation ?
L’acte de fondation, que nous donnons pour la première fois dans toute sa teneur, nous indiquera les clauses diverses de ces bénéfices. Avec le consentement de l’évêque d’Angoulême, ces stipendies doivent être desservies en l’église paroissiale de Pranzac par quatre prêtres; ceux-ci seront tenus chaque jour et à perpétuité d’y célébrer une messe « en notte avec vigiles de morts en haut répons et oraisons accoutumées pour le salut de l’âme du donateur, ses parents et amis, vifs et décédés; ils feront annoncer lad. messe en sonnant la cloche quinze coups à loisir et après en bransle; à l’issue de chaque messe, un Libera en haut; le jour de la Fête-Dieu, ils diront matines, primes, tierces, sexte, none, vespres et complies, etc.; en faisant led. office, ils seront revêtus chacun d’un surplis, et pour chaque deffaut que chacun d’eux fera aux susd. obligations, seront tenus mettre douze deniers tournois en un tronc qui sera mis par eux dans lad. église; en retour, le seigneur de Pranzac donne et lègue à perpétuité les dixmes et droits que lui et ses prédécesseurs ont accoutumé jouir, prendre et percevoir audit lieu ».
Il ressort de ce document que ces quatre stipendies n’ont pas été instituées pour le service de la paroisse de Pranzac, aussi les prêtres ou gens d’église qui doivent jouir de ces bénéfices ne peuvent-ils être regardés comme prêtres auxiliaires. Ils ne sont point non plus affectés au service spécial d’une chapelle, ils ne peuvent donc pas être considérés comme chapelains; et si, dans le texte de cette donation, ils ne sont pas, il est vrai, qualifiés de chanoines, ne sont-ils pas néanmoins assujettis à une règle commune ? Ne doivent-ils pas, en dehors des cérémonies de la paroisse, chanter ensemble les prières liturgiques à des heures déterminées et suivant certaines prescriptions ? Ne sont-ils pas obligés, à une époque fixe de l’année, de réciter en habit de chœur le saint office tout entier ? En un mot, ne sont-ils pas tenus d’accomplir les fonctions annexées à leurs titres plus particulièrement dans cette église de Pranzac, à laquelle, selon le désir du pieux donateur, les quatre stipendies devaient être unies à perpétuité ?
Ainsi, que manque-t-il donc à toutes ces raisons pour que ces futurs bénéficiers soient assimilés aux ecclésiastiques attachés à une église collégiale et qu’ils puissent comme eux s’intituler chanoines ? Est-ce l’érection canonique de la fondation ?
Elle fut formulée l’année suivante, le 4 avril 1521, par Antoine d’Estaing, évêque d’Angoulême.
L’autorité religieuse vient de parler; elle a consacré par son approbation le legs du seigneur de Pranzac; désormais, les quatre stipendies formeront un chapitre collégial et les titulaires seront qualifiés de chanoines. Qui ne connaît l’adage : « Tres faciunt capitulum » ? Le désir exprimé par le fondateur de voir une stipendie unie à perpétuité à l’église de Saint-Cybard de Pranzac est réalisé, et l’évêque d’Angoulême, en nommant au bénéfice-cure de cette paroisse, conférera en même temps le bénéfice d’une stipendie. De son côté, le curé de la paroisse, en vertu de son titre curial, jouit aussi du droit de nommer à la seconde chanoinie; il devient par là le doyen du chapitre, dénomination qu’il conservera dans certains actes jusqu’à l’abolition des bénéfices; il en est aussi le seul et unique dignitaire. Quant aux deux autres stipendies, c’est au seigneur de Pranzac qu’il appartient d’y pourvoir. Ainsi, les chanoines stipendiés voient leur institution confirmée, à la condition toutefois qu’ils rendront à l’évêque d’Angoulême et à ses successeurs l’hommage qui leur est dû, comme les seigneurs dudit lieu l’ont toujours fait.
Avant que l’acceptation du legs fût agréée par l’autorité compétente, le donataire, Jean Renouard, était mort; son fils, Pierre Renouard, nouveau seigneur de Pranzac, hésita probablement quelque peu à acquitter les engagements paternels, puisqu’il fut sommé par les parties intéressées de se prononcer à cet égard. Quoi qu’il en soit, il consentit par-devant témoins à exécuter les clauses de cette donation (1521).
C’est donc sous le régime de cette organisation que le chapitre de cette paroisse subsistera durant une période de près de trois siècles. Néanmoins, d’après une déclaration fournie par ces chanoines le 8 septembre 1640, il semble résulter que quelque modification fut apportée au règlement primitif de la fondation. Ces derniers reconnaissent « qu’ils sont au nombre de quatre, qu’ils ont été fondés et établis en titre de chanoines et stipendiés en l’année 1520 par Jehan Renouard, écuyer, sieur de Pranzac, et depuis ont été augmentés par dame Gabrielle de Mareuil ». Faut-il, d’après cela, admettre que le nombre des bénéficiers se soit accru, grâce à des générosités de cette noble bienfaitrice ? Nous ne le croyons point.
Vers la fin du XVIIIe siècle, Gratien Roux, le père de ce Jacques Roux qui conduisit Louis XVI à l’échafaud et dont nous aurons à nous occuper plus loin, écrivant à l’un de ses neveux au sujet des stipendies de Pranzac, « assure que les seigneurs dudit lieu sont fondateurs de quatre stipendies dans l’église de cette paroisse, dont l’une appartient à M. le curé de Pranzac. Comme doyen, il a droit de nommer à une autre….. Le seigneur de Pranzac s’est réservé le droit de nommer les deux autres chanoinies ou stipendies….. ».
Ainsi, à cette époque, les nominations se font encore de la même manière qu’aux premiers jours de la donation; il n’y a donc pas eu de changement dans le nombre des titulaires; dès lors, l’augmentation dont il est parlé plus haut doit s’entendre plutôt de certains revenus ajoutés aux anciens par la dame de Mareuil.
D’ailleurs, un autre document en date du 25 mai 1792, relatant en entier les pieuses libéralités de la dame de Mareuil, vient corroborer notre assertion : c’est la transcription d’un legs qu’elle fit en 1590 au chapitre de cette église.
Mais ces chanoines furent-ils toujours bien fidèles à observer la résidence ? N’étaient-ils pas, comme il arrivait pour d’autres chapitres, promus à cette dignité sans qu’ils pussent en remplir toutes les obligations ?
Généralement, jusque vers la moitié du XVIIIe siècle, ces dignitaires résidaient pour la plupart dans le bourg de Pranzac ou dans les paroisses limitrophes; des actes notariés en font foi. Chaque jour, revêtus d’un simple surplis, devant leurs stalles modestes et sans relief, que l’on voyait encore en 1860 et qui ont été vendues depuis, ils satisfaisaient à leurs devoirs. Si parfois il survenait que de jeunes clercs fussent nommés à ces bénéfices sans pouvoir en remplir les charges, ils devaient, en vertu de l’acte de fondation, pourvoir à leur remplacement moyennant une rétribution. Et c’est de la sorte que l’oeuvre pie du seigneur de Pranzac se maintint jusqu’à la Révolution.
Il nous reste à faire le dénombrement des chanoines de cette paroisse; nous n’avons pu l’établir d’après des documents certains, par exemple les minutes des notaires, les registres dudit lieu et des paroisses circonvoisines, que sur un intervalle de deux siècles. Durant ce temps, il en est peu de ces dignitaires, suivant nos recherches, qui soient parvenus à tenir un rang distingué dans la hiérarchie ecclésiastique; quelques-uns seulement, vers la fin du XVIIIe siècle, ont acquis une renommée tristement bruyante; nous commencerons par ces derniers.
Jacques Roux, chanoine de Pranzac, naquit au bourg de cette paroisse le 21 août 1752; par la mort de son frère François, il devint l’aîné de douze enfants. Son père, Gratien, qui se trouve lieutenant d’infanterie en 1748, plus tard qualifié d’ancien officier au régiment de Hainaut, apparaît comme juge assesseur au marquisat de Pranzac (1780); il était lui aussi, croyonsnous, originaire de cette même paroisse, car nous voyons vers 1713 un Claude Roux, sieur des Ajounières, conseiller aux grandes Voiries, posséder la charge de juge de Pranzac et y résider. Sa mère, Marguerite de Montsalard, sortait de la paroisse de Bussière en Périgord. Quoique l’aîné, le jeune Jacques se sentit porté vers le service de l’autel; à peine âgé de quinze ans, il est clerc tonsuré, puis le comte des Cars, voulant donner une marque de bienveillance à sa famille et lui faciliter le cours de son éducation, le nomme chanoine de Pranzac (1767). Ses études terminées, il enseigne, en qualité d’auxiliaire des Lazaristes, la philosophie au séminaire d’Angoulême (1779); en même temps il prête son concours au curé de SaintMartial pour les fonctions du ministère de la paroisse. Nous le trouvons sûrement prêtre en 1780, car il dessert à différents intervalles l’église de Pranzac. Plus tard, par les soins de Pierre-Auguste Mignot, clerc tonsuré du diocèse d’Angoulême et prieur de La Chapelle-Saint-Robert, il est nommé à la cure de Varaignes en Périgord (1784).
Les événements politiques de 1789 surviennent; la tête surchauffée de Jacques Roux s’exalte; suivant l’impulsion de son caractère violent, il annonce, dans des prérégrinations à travers la Saintonge, les bienfaits futurs de cette aurore qui se lève si rayonnante de promesses; il célèbre cette régénération qui se prépare pour la société, il salue dans un enthousiasme délirant la chute de la Bastille; il agite si vivement les populations, il sème sur ses pas tant de germes de dissension, particulièrement à Saint-Thomas de Cosnac, que des troubles graves éclatent (1790).
Vicaire à Ambleville (mai 1790), les habitants font des démarches pour l’avoir comme curé; l’autorité religieuse refuse. Il quitte alors la province, après avoir été interdit de ses fonctions sacrées, et va s’établir à Paris (1791).
Louis Roux, frère du précédent, chanoine de Pranzac vers 1780. Les nouveaux principes de la Révolution l’exaltent lui aụssi; il prête les serments à la Constitution.
Voici la nomenclature de quelques membres de ce chapitre :
1520-1521-1522. Jean de Matthieu, prêtre et curé de Pranzac.
Guillaume Pacquet, prêtre.
Étienne de Glane, prêtre.
1521-1522. Jamet Texier, prêtre.
1554. Jean de Massiac se démet de la cure de Pranzac.
1590. Jean de Glane.
Barthélemy Mingault.
André Favereau.
1590-1622. Jean Monceyron, enseveli dans l’église de Pranzac, 10 mars 1622.
1612. Lambert, curé de Pranzac.
1619-1627-1630. Henry Moire, prêtre et curé. 1621-1675. Léonard Trilhon, prêtre, fut enseveli dans l’église le 28 décembre, âgé de quatre-vingt-huit ou quatre-vingt-dix ans.
1625-1645. Thomas Rondard, prêtre, résidait à Pranzac, dans sa maison, sise près du four banal (1637). – Il fut chargé par le seigneur de cette paroisse — 24 juin 1627 – « du droit de jaugeage, chaque année, au jour de la Saint-Jean-Baptiste, à Bunzac et à Pranzac », où il décéda.
1629-1667. Jean Babel, prêtre, bachelier en théologie, neveu du susdit Thomas Rondard, qualifié en 1645 curé de Notre-Dame de Massac, en Saintonge. — Le 24 août 1659, en présence de Mathurin Charpantier, sous-diacre et curé de Mouton, il prend possession de la cure de Saint-Michel de Fontenille et il y meurt en 1667.
1630. Gaspard de Rougnac, prêtre, résigne son bénéfice de chanoine.
1630-1633. Jean Janesthault, prêtre.
1633-1675. Philippe Tourette, sous-diacre du diocèse d’Angoulême, nommé chanoine le 5 mars 1633, prêtre le 23 mai de la même année, résigne son canonicat le 7 avril 1641, prend possession de la cure de Pranzac le 12 mars 1643 et est enseveli dans l’église de cette paroisse le 23 décembre 1675, âgé de soixante-dix-neuf ans. 1633-1641. Jacques Soubrane, prêtre.
1635. Jean de Nesmond, prêtre, curé de Pranzac.
1639. Claude Girard, prêtre, se démet de la cure de Pranzac.
1639-1643. Jacques Laisné, diacre, prend possession de la cure de Pranzac et donne sa démission en 1643.
1645. Étienne Lameau, curé de Notre-Dame de Birac et chanoine de Blanzac en Angoumois, prend possession d’une stipendie vacante par le décès de feu Rondard.
1647. Pierre Mignault, prêtre.
1653–1664. Philippe, alias Pierre Bouchier, prêtre et curé de Saint-Paul, près Marthon.
1665-1675. Jean Audouin, prêtre, curé de Saint-Paul de Marthon, sous-promoteur du diocèse d’Angoulême en 1667, est nommé, le 20 septembre 1673, prieur-curé de Saint-Sornin, par permutation avec Jean Ythier, institué curé de Saint-Paul.
1668. Pierre Daguin, prêtre, curé de Bunzac, résigne entre les mains de N. S. P. le Pape (24 octobre) son bénéfice de chanoine en faveur de Léonard Trilhon, qui en est pourvu (novembre 1670).
1673-1675. Jacques Morpain, prêtre.
1684-1686. Louis Ythier, chanoine; en 1686, vicaire de Bourg-Charente.
1680-1702. Jean Poitevin, prêtre, pourvu par le Pape de la cure de Sainte-Eulalie de Champniers; il en prend possession le 12 avril 1680, meurt à Pranzac et est enseveli dans l’église de cette paroisse le 17 avril 1702, âgé de quarante-huit ans.
1675-1729. Antoine Tourette, prêtre, curé de Pranzac (9 novembre) après la démission du dernier possesseur, Philippe Tourette; il est enseveli dans le chœur de l’église le 17 janvier 1729, à l’âge de quatre-vingts ans.
1724-1740. Hélie-François Col de La Chapelle, prêtre, prend possession de la cure de Saint-Sauveur, près Marthon, le 12 mai 1729; en outre de son bénéfice de Pranzac, chanoine de La Rochefoucauld (1731); – en la même année, 21 septembre, il est nommé et prend possession de la cure de Saint-Remi de Fleurignac, par suite de la résignation pacifique faite par François de Langlard, prêtre, auquel il abandonne en échange så chanoinie de La Rochefoucauld.
Il fut nommé, 2 février 1729, par la paroisse « fabriqueur » pour ramasser les revenus de la fabrique de Pranzac, en la place de Pierre Chaigneau, notaire royal, qui fut destitué de sa charge à cause de sa mauvaise gestion.
1729-1751. Antoine Jeudy, prêtre du diocèse d’Angoulême, chanoine de Saint-Arthémy de Blanzac, demeurant à Châteauneuf, prend possession de la cure de Pranzac, vacante par le décès d’Antoine Tourette, dernier possesseur, le 14 juin 1729; il résigne son bénéfice le 30 avril 1751, en faveur de Jacques Marquet.
1732-1773. François Marginière, prêtre, docteur en théologie, curé du Maine-de-Boixe en 1738, de Saint-Sauveur, près Marthon, en 1739, prend possession de la cure de Saint-Martin de Marthon le 18 mai 1749, résigne ce bénéfice en faveur de Jean Albert, maître és arts, gradué de la Faculté de théologie de Bourges, 18 octobre 1760, et est enseveli dans l’église de Saint-Cybard de La Rochefoucauld le 25 octobre 1773.
1738. Sébastien Dallançon, prêtre du diocèse de Poitiers, chanoine de Pranzac, demeurant au bourg de Lonnes, résigne ce canonicat (décembre).
1751-1766. Jacques Marquet, prêtre du diocèse de Limoges, prend possession de la cure de Pranzac (8 septembre), du bénéfice-cure de Bunzac, par suite de la démission de Michel Duphénix, promu archiprêtre de Pérignac le 15 octobre 1759, et est enseveli dans l’église de Pranzac le 18 janvier 1766.
1754. Léonard Chaigneau de La Gravière, clerc tonsuré du diocèse d’Angoulême, étudiant en l’Université de Poitiers (12 juillet).
1767. Rullier.
1767. Jacques Roux, clerc tonsuré.
1767-1793. Léonard Tourette, prêtre, curé de Pranzac, précédemment curé de Beaulieu et Cloulas (1738-1763), assiste à Angoulême à la réunion du clergé (1789), prête serment à la nouvelle Constitution, demeure à Pranzac jusqu’à la fermeture des églises et meurt le 22 messidor an II.
[?]. Jacques-Magdeleine Roux, clerc tonsuré.
1780. Louis Roux, clerc tonsuré.
1780. Louis Decombe, clerc tonsuré.
1789. Les chanoines du chapitre de Pranzac se font représenter à l’assemblée du clergé par M. Sudraud.
Source : L’église et le chapitre collégial de Pranzac en Angoumois, de Paul Legrand.