Mais c’était surtout vers le nord-est que l’épidémie étendait ses ravages. Cette partie de notre département est traversée du nord au sud par l’importante forêt de la Braconne. A l’ouest de cette forêt et sur sa limite, se trouvent les communes de Mornac, de Champniers, de Brie, de Jauldes, de Coulgens; à l’est et près de la même forêt sont placées les communes d’Agris, de Rivières, de Saint-Projet, de La Rochefoucauld. Cette profonde et épaisse couche de végétation étendue sur une surface de 4,500 hectares ne put servir de barrière contre l’envahissement du choléra. La maladie gagna presque en même temps les communes placées sur les parties opposées de la forêt. D’une part, Brie, Jauldes, Coulgens; de l’autre, Rivière, Saint-Projet, Agris, La Rochefoucauld furent frappés par l’épidémie à de très courts intervalles. Les communes de Bunzac, de Marillac, et plus au nord celle de Suaux, éprouvèrent presque simultanément l’influence épidémique. Dans toutes ces localités, la cholérine, soit sudorale soit intestinale, précéda de quelques jours l’apparition du choléra à caractère violent. Dans la commune de Jauldes, la maladie débuta le 16 juillet. Ce fut le village de Glanges qui fut le premier attaqué. Ce village, qui contient 13 feux, est situé dans un enfoncement de la forêt de la Braconne. Tous ses habitants sont riches et bien logés, et cependant il fut la localité la plus vivement éprouvée : il eut seize décès cholériques. La première victime a été l’adjoint de la commune. Le village de Cherves, contenant 35 feux, situé à l’ouest du bourg de Jauldes sur un terrain sec et élevé, et distant de 2 kilomètres de la forêt de la Braconne, ne fut frappé par la maladie qu’après sa cessation au village de Glanges. Vingt habitants de Cherves succombèrent au fléau. Le bourg eut à souffrir de l’épidémie, mais dans des proportions moins considérables. Quelques cas isolés se manifestèrent également dans quelques villages voisins. Des 1,282 habitants qui composent la commune de Jauldes, quatre-vingt-cinq moururent du choléra. Là, la cholérine sudorale prit une très grande extension et fut l’occasion de la mort de quelques personnes qui cherchèrent par la réfrigération à supprimer la sueur. Plusieurs cas foudroyants de choléra, de cinq à six heures de durée totale, furent observés dans cette localité. Les crampes, la diarrhée et les vomissements par fusées, la soif excessive, l’amaigrissement rapide, l’algidité, la cyanose se manifestèrent chez ceux qui succombèrent à l’affection cholérique. La commune de Coulgens, adjacente à celle de Jauldes, se trouve habitée par une population généralement pauvre, tandis que cette dernière est peuplée d’habitants vivant dans l’aisance ; et cependant la commune de Coulgens n’a présenté que dix-huit décès cholériques. Ce ne fut qu’après la décroissance de l’épidémie au village de Glanges situé à l’ouest, que Coulgens fut atteint. Puis l’épidémie cessa de s’y manifester pour se porter à l’est, au village de Cherves, où elle exerça ses ravages. Dans la commune de Coulgens, où la maladie a présenté le même appareil symptomatique qu’à Jauldes, sa durée a été courte. Elle ne s’est manifestée que du 5 au 25 août.

Source : De l’épidémie de choléra qui a régné dans le département de la Charente, pendant l’année 1855.