« Aujourd’huy 14 juillet 1790, d’après le projet de Fédération pour la ville de Paris, qui doit avoir lieu au Champ de Mars, en présence du roi, de l’Assemblée nationale et des députés des gardes nationales de tous les départements du royaume, à l’heure de midi et même jour en mémoire de la prise de la Bastille, époque de la Liberté française : nous, maire, officiers municipaux et notables de la commune de Chasseneuil, et nous, commandant en chef, officiers et soldats de la garde nationale et autres habitants du dit Chasseneuil, dûment convoqués et réunis au bourg de Chasseneuil, en conséquence de l’invitation qui nous a été faite ainsi qu’à toutes les municipalités et gardes nationales du royaume, par l’adresse de l’Assemblée nationale aux Français, nous nous sommes rassemblés au dit bourg de Chasseneuil, à onze heures du matin, sur la place en face de l’église ; la garde nationale, commandée par Anne de la Romagère de Ronscecy, s’est mise en marche et, précédée de nous, le maire et officiers municipaux, est entrée dans l’église (la pluie ne nous ayant pas permis de nous rendre au pré appelé le Pré de l’Union, appartenant au sieur Fayon, porte-drapeau de la susdite troupe, dans lequel Monsieur le Commandant avait fait dresser un autel), où nous avons entendu la messe, célébrée par Monsieur Joussin, archiprêtre de la susdite paroisse ; après la célébration, Monsieur le Maire et le commandant ont fait chacun un discours qui a été vivement applaudi de tous les confédérés. Puis, Monsieur le maire ayant repris la parole a prononcé le serment fédératif, au coup de midi, dans la forme décidée par l’Assemblée nationale, et chacun s’est empressé de crier avec allégresse : « Je le jure ! » et des cris de : « Vive la Nation, la Loi et le Roi » se sont de même fait entendre. Ainsi fait, Monsieur l’archiprêtre et Lagravelle, curé de St-Vincent, ont chanté le Te Deum ; alors la troupe est sortie de l’église dans le même ordre qu’elle y était entrée, et s’est rangée en bataille sur la susdite place, où des cris de « Vive la Nation, la Loi et le Roi ! » se sont répétés et terminés par des embrassements de fraternité dont Monsieur le Commandant a donné, le premier, l’exemple. La cérémonie ainsi faite, la troupe a quitté les armes pour prendre la table, où l’on n’a cessé de porter à la santé de la Nation et du Roi, jusqu’au moment où Monsieur l’archiprêtre a signifié qu’il était temps de se rendre aux vêpres que lui et Monsieur le curé de St-Vincent allaient chanter. La troupe s’est aussitôt mise sous les arbres et rangée dans le même ordre de bataille que dessus; toujours précédée des officiers municipaux, elle s’est rendue dans l’église. Les vêpres étant finies, la troupe, toujours en ordre de bataille et précédée de Messieurs les officiers municipaux, l’archiprêtre et le curé de St-Vincent se sont rendus sur le grand chemin où il y avait un feu de joie de dressé, auquel Monsieur le maire, le Commandant et l’archiprêtre ont mis le feu, et son embrasement fut annoncé par une décharge de coups de fusils. Ensuite Monsieur l’archiprêtre et Lagravelle ont chanté le Te Deum, et à l’extinction du feu la troupe a fait une seconde décharge, et la cérémonie a été terminée par une danse générale dont Monsieur le commandant a fait l’ouverture, et qui a été continuée par les confédérés jusqu’à environ les neuf heures du soir; ainsi fait, chacun s’est aretiré chez lui, avec la meilleure union et fraternité possible. Fait et arrêté le même jour et an que dessus. »
(Société archéologique et historique de la Charente, 1966)