I) Les premiers temps :

Jauldes est le septième canton du district de La Rochefoucauld (Charente). Ce canton a existé de 1790 au Consulat (le 18 brumaire). Il comprenait neuf communes : Agris, Anais, Aussac, Brie, Coulgens, Nanclars, La Rochette, Tourriers et Jauldes.

Le 14 juillet 1789 reste une date clef. Pour la première fois, le peuple est apparu plus fort que les Rois. Dès la fin de 1788, l’effervescence avait grandi à Paris, Le 14 juillet au matin, la foule, désireuse d’avoir des armes, alla en chercher à l’hôtel des Invalides, puis à la forteresse de La Bastille. Suite à ces faits, les premiers départs pour l’immigration vont s’effectuer. Le 1er août 1789, toutes les frontières furent fermées ou surveillées de très près. Les passeports ne s’obtinrent qu’au marché noir, Le prix monta jusqu’à dix mille livres (plus de 300 francs).

Dans notre canton, dès le mois de mai, des pillages de grain sont signalés. Au mois de juillet 1789, commencent des aftentats personnels. La situation va bientôt être aggravée par la carence des pouvoirs publics. Les nobles et les prêtres attaqués, ne pouvant plus espérer les secours de la Maréchaussée, se verront livrés sans défense à la populace en furie. Le départ de ces jeunes nobles, ou supposés nobles, n’allait point sans déchirement. Ils laissaient leurs terres, leurs maisons, leurs familles pour prendre le chemin de l’exil. Un parcours semé d’embûches.

Les victimes

1) Quelques personnes exilées

Marc Pierre René Bareau, Marquis de Girac et Seigneur de Fayolle, émigra en 1791 avec une partie de sa famille. Il se rendit au cantonnement de Cardou, le 21 mai 1792. Il rentra dans la compagnie des officiers du Régiment de Normandie comme aide de camp. Il fait les campagnes de Hollande de 1794 à 1795. Il rejoint l’Angleterre où il séjourne jusqu’en 1799. Rayé de la liste des émigrés par arrêté des consuls, le 15 avril 1802, il rentre alors en France. Néammoins, ses biens, dont le château de Fayolle, sont vendus au profit de la République. Le château contenait le nombre de 272 journeaux et 190 carreaux. A la menne du pied de Guienne, divisé en dix-huit lots estimés à la somme principale de 49.250 livres par le citoyen Lesenne, géomètre du district Révolutionnaire de La Rochefoucauld, demeurant au village de Magnac en paroisse Jauldes. Le quartidé de la troisième décade de Nivose de la deuxième année républicaine. (Archives Départementales de la Charente. Série Cartes et Plans n° 8.)

Jean-François Crozan, chevalier alias François, fils de Maximilien Crozan, Seigneur de Rivière et de Marguerite Normand de La Tranchade, Il n’a que dix-huit ans quand il émigre, en 1791. Il se retrouve dans l’armée le 20 octobre, au cantonnement d’Andérrarde. Il enfre dans une compagnie d’infanterie (pas la 7e), commandée par des officiers de divers régiments. Le tout commandé par le Comte de Ronault, il part pour Coblenz, le 5 décemre 1791. A Munster-Mayenfeld, il rejoint les gentilshommes d’Angoumois, de Saintonge et d’Aunis. En janvier 1792, nommé officier, il rentre dans le Régiment de Normandie, où il fait la campagne dans l’armée des princes.

2) Quelques personmes executées:

Logis du Bois de Jauldes

Anne de Crozant, née en 1715, mariée à Jean de Labrosse. Veuve de celui-ci, décédé en 1744, elle fut arrêtée pour « conspiration avec l’ennemi » et « correspondance clandestine avec des prêtres exilés. » Dénoncée au District révolutionnaire de La Rochefoucauld par un de ses domestiques, qui avait découvert une correspondance avec son fils émigré. On la conduisit dans les sous-sols du château de La Rochefoucauld qui servaient de prison et de « salle d’attente » avant de partir à Paris pour être guillotinée. Déjà âgée, elle ne put résister aux mauvais traitements (froid, humidité, faim) et y décéda.

Sa belle-soeur, Anne Marguerite Normand de La Tranchade, veuve de Pierre François de Crozant avant la Révolution. Elle eut deux fils : l’aîné, Jean François de Crozant, émigré dès le début de la Révolution. Tls furent saisis en tant que propriétaires ainsi que son frère du logis et dépendance du Bois de Jauldes. Elle fut arrêtée et conduite au château, elle aussi. Le dossier de Mme Marguerite Normand de La Tranchade, conservé aux archives nationales, permet de suivre la longue marche vers l’échafaud, où seuleument dans les différents arrêts on pouvait se reposer un peu dans un très court sommeil. Pour repartir au relais suivant.

Le parcours était immuable : La Rochefoucauld-St. Junien, Limoges-Argenton sur Creuse, Vierzon-Etampes, et… l’échafaud. Le voyage durait deux semaines, où l’on avait le temps de méditer sur son propre sort ou ceux des passagers du même charroi. Mme. De La Tranchade fut décapitée le 16 juillet 1794.

Les pillages

Le 28 juillet 1789, dans le Canton de Jauldes, des bruits circulent sur la venue de briqands, d’un nombre considérable. Ils se dirigeraient vers les villes d’Angoulême et de La Rochefoucauld. Le commandant provisoire de la milice de Jauldes ne possède pas d’armes lourdes (canons). Il partit donc avec ses hommes et parcourut les forêts circonvoisines. Puis les bois situés au Nord-Ouest de notre commune, en quête de débusquer ces fameux brigands. Au retour de notre brave milice, sur le rapport qu’elle fit, le calme fut rétabli dans l’esprit de tous les habitants du Bourg et des hameaux voisins. Ce n’était qu’un bruit sans fondement.

Organisation militaire

Le 1er mars 1790, un futur général de la Révolution est nommé par le district révolutionnaire de La Rochefoucauld commandant de la garde de Jauldes. Il s’agit de Pierre Fureau, dit Villemalet, citoyen de La Rochette. Il quitte l’armée du Roi Louis XVI en 1789 après avoir été seulement nommé caporal suite à neuf ans de service (!). Ne pouvant pas prétendre à une retraite, à défaut de ne pas avoir plusieurs titres de noblesse, il s’engage dans les premiers volontaires de la Révolution. L’année suivante, le 17 octobre 1791, il est nommé capitaine de la troisième compagnie du 1er bataillon de volontaires de la Charente. Dans ce dernier bataillon, figurent les noms des quarante volontaires de la garde nationale de la ville de La Rochefoucauld, les noms des 188 volontaires, originaires des soixante-quinze communes du district révolutionnaire.

Regroupés à Angoulême le 17 octobre 1791, ils quittent le département le 5 décembre. Ils suivent à pied l’itinéraire suivant, par étapes : Angoulême-Chabanais, St. Junien-Limoges, Ste. Maure-Tours, Amboise-Blois, Beaugency-Orléans, puis Dormans en Champagne. Ils arrivent en avril 1792 à Maubeuge où ils restent jusqu’en mai. De juin à août, ils tiennent garnison à Valenciennes, où ils sont adjoints au 29ème Régiment d’Infanterie, dans l’ordre de la Bataille de Dumouriez. Les deux citoyens Jean Chauvaud et Louis Petit de la commune de Jauldes, en firent parti.

III) La Révolution chez les habitants de Jauldes :

Vu le peu d’engagés volontaires, le District de La Rochefoucauld sous les ordres de l’Assemblée, durcit sa position en matière de recruterments. Le 2 mai 1793 face à la coalition des puissances étrangères et des Ennemis de la République, aux pertes supportées par la France, le Comité de salut public du District ordonne une levée d’hommes. Le Commandant Lechelle fut appelé par un arrêté départemental du 27 mai 1793 pour former un régiment de cavalerie à raison de neuf hommes pour Jauldes.

Les vivres commencèrent à manquer aux soldats. Le 9 juin 1793, sur la commune, il fut enjoint aux habitants de déclarer sous huit jours les farines et grains qu’ils possédaient. La commission passa dans chaque foyer. Il fut défendu expressément de détacher ou de ramasser aucune espèce de fruits tombés sous les arbres ou d’y laisser passer les bestiaux sous peine de quarante-huit heures de prison. Il fut également interdit à compter du 25 août 1793 d’aller acheter des animaux dans les pays contaminés par la maladie, sous peine de cent Francs d’amende.

Le 12 septembre 1793, ce fut le recensement général des fourrages, avoine, orge, paille et foin, Puis vint la réquisition des armes. En application du décret de la Convention Nationale du 29 septembre 1793, fixant le maximum des prix des denrées et marchandises de première nécessité, la municipalité fixa le maximum des salaires, gages, main-d’œuvre et journée de travail, qui fut consigné sur le registre, et lu par le procureur public devant l’Assemblée :

1°) Un laboureur à bœuf pour charroyer sans être nourri, ni ses bœufs, avait droit à cinq livres par jour.

2°) Le même bouvier pour labourer lorsqu’il ne sera pas nourri, ni ses bœufs, aura droit à quatre livres. Lorsqu’il sera nourri lui seul, trois livres.

3) Menuisier, Charpentier, tonnelier, Charron, Scieur de long, tailleur de pierres non nourris, une livre dix sols. Nourris : quinze sols.

4°) Maçon, recouvreur, piqueur sans être nourris : une livre quatre sols. Nourris : quinze sols. Tailleur d’habits : dix sols. Tailleuse d’habits : trois sols.

5°) Laboureur à bras sans être nourri : dix huit sols. Nourri : huit sols. Femme en journée nourrie : huit sols.

Il n’est pas anodin de préciser que les journées de travail commençaient à cinq heures du matin pour finir à huit heures le soir.

***

Le 10 mai 1794, le citoyen Ravaud de St. Angeau, fut chargé par le Comité des réquisitions de venir prélever chez les habitants de Jauldes possédant des cochons, et d’en prendre 1/8. La majeure partie des cochons étant aux champs, il accepte après bien des tractations de remettre la levée au lendemain. La Cavalerie manquant de chevaux, on établit également une réquisition de ceux-ci.

Le 29 prairial de la seconde année républicaine, s’est présenté le citoyen Boissier Louis, maître de poste au pond de Churet (Anais), avec un extrait des registres du Directoire de La Rochefoucauld, portant commission du recensement des pailles et des foins, et chargeant la municipalité de Jauldes d’accompagner le dit Boissier dans l’exécution de sa mission. De plus, nul ne devra couper son seigle et son orge sans prévenir la municipalité, s’il ne veut pas être dénoncé au Comité Révolutionnaire et encourir une sanction.

Le district révolutionnaire supervise les notaires pour toutes les ventes de biens. C’est Pierre de Ray De Labrosse qui va effectuer la vente du Logis du Bois de Jauldes à Michel Roux, le 11 de Nivose de l’An II de la Révolution. Le 21 messidor de l’an II (9 juillet 1794), le citoyen Ravaud et le citoyen Commandant des réquisitions Charles Lechelle furent chargés de visiter les communes du canton de Jauldes pour réquisitionner toutes les vieilles fontes, les poteries de fer hors-d’usage, les plaques de cheminées, et d’autres objets en fer coulé.

La poudre manquait pour les armes des soldats. On désigna Cambois-Robinière, et Boissier-Descombes, pour recueillir du salpêtre dans les écuries et sur les vieux murs de notre commune. Vers le 16 juillet 1794, le Commandant Lechelle avait pour mission de recueillir les plantes propres à faire du salpêtre. Telles que : fougère, Genévrier, Genêt, Buisson, Bruyère et Yelle.

III) L’église de Jauldes sous la Révolution :

La constitution civile du clergé

Ce jour même du 4 août 1789, un paquet de verges fut accroché à la porte de l’église avec cette inscription : Avis aux dévotes aristocrates, ici, médecine purgative distribuée it gratis. L’église prit le nom de « Temple de la Raison ». Le 27 novembre 1790, l’Assemblée Nationale vote le projet contraignant tous les prêtres fonctionnaires publics à prêter serment de maintenir de tous leurs pouvoirs la Constitution, décrétée par l’Assemblée et acceptée par le Roi. En cas de refus du serment exigé, ils perdaient leur place. Et s’ils continuaient malgré tout d’exercer leurs fonctions, ils seraient poursuivis comme « rebelles ».

A cette époque, le curé Faverau, dernier archiprêtre, sous la crainte, prêta serment à la Constitution civile. Huit jours après, il se rétracte de tous ces mauvais serments, et préfère l’exil à la honte. Il est déporté en Espagne. Il disait dans sa correspondance clandestine avec les gens de Jauldes : « Le bouillon qu’on nous sert ne vaut pas votre eau de vaissesse ». Son exil prit fin après la Révolution et il put rentrer en France. Notre église a eu malheureusement deux intrus, comme dans la plupart des paroisses de France. Le premier, Etienne Ferrand, resta très peu de temps (jusqu’en mai-juin 1791). Il fit tous les serments demandés par la Révolution et quitta Jauldes pour la paroisse de St. Martial à Angoulême. Il y est établi le 12 Juin 1791.

Le second fut appelé par le pouvoir civil à l’exclusion du pouvoir religieux. Il se nommait « Sauvage ». Il était vicaire de Cellefoin, quand il prêta le premier serment. Le 18 septembre 1791, il avait refusé la cure de St. Sernin à laquelle on le conviait. La cure de Jauldes étant libre, celle-ci l’influença dans son choix. Il la demande et s’y installe le 1er avril 1792.

Il exerce le culte à Jauldes jusqu’en 1793. Il exerça encore ses fonctions ecclésiastiques sans rétracter ses erreurs. On le retrouve à Beaulieu en 1800.

Du 27 novembre au 20 février 1790, tous les paroissiens fortunés ou nobles de Jauldes qui avaient obtenu du conseil de fabrique des bancs à l’intérieur de l’église se les voient retirés dans l’esprit de l’abolition des privilèges. On procéda à l’inventaire de tout ce qui dans l’église était à l’usage du culte. L’argenterie fut enlevée et déposée au Directoire du District. La cloche fut elle-même enlevée pour récupérer le bronze, afin de fondre des canons. Les gens de Jauldes, ne reprendront une des deux cloches de Brie qu’à la fin de la Révolution. La corde de cette cloche ne fut pas épargnée. Elle fut remise à Louis Meslier, maître des gabarres au port de l’Houmeau. Tous les biens du clergé passent à la disposition de la nation. La condamnation par le pape de cette loi au printemps 1791, interdisant formellement de prêter serment entraîna la scission entre l’église et l’Etat.

Entre les fêtes qui vont avoir lieu pendant la Révolution, une grande partie passera par le « Temple de la Raison » : Fête de la jeunesse, des époux, de la vieillesse, même la plus suivie, celle de l’Agriculture. Le rituel de ces cérémonies étaient toujours le même. Le Commissaire, représentant le Directoire, donnait lecture des lois. Tous les gens présents, même l’intrus, y re-prêtent serment civique. L’intrus officiera peu avec une grande modération, sous une certaine surveillance, ne fut-ce que pour être toujours là.

Votée le 10 juin 1794, la loi de « La Terreur », supprime l’interrogatoire de l’accusé avant l’audience publique. Elle laissait l’audition des témoins à la discrétion du tribunal, et refusait à l’accusé l’aide d’un défenseur. En outre, une seule peine était prévue : la mort. Les têtes tombaient alors comme des ardoises. Du 10 juin au 27 juillet 1794, on compte plus de 1.380 personnes guillotinées.

IV) La mairie sous la Révolution :

Depuis la Révolution, le rôle de la Mairie est de tenir l’Etat Civil de la Commune. Les premiers signataires du registre déposé par le Directoire ne sont pas des maires mais plutôt des secrétaires mandatés pour le faire. En 1791, il n’y avait pas de local spécial pour la mairie, qui était dans la maison du maire. Il n’y eut qu’une pièce affectée comme mairie, prise au presbytère, qui était vide de son occupant. Je pense au curé Faverau exilé en Espagne. Cette pièce fut nommée chambre commune. En 1792, un citoyen approuvé par le district révolutionnaire, Mr. Barthélémy Couroy, habitant et membre du Conseil Général de Jauldes fut élu par délibération du 20 pluviose. Pour rédiger les actes destinés à constater : les naissances, les mariages, et les décès des citoyens.

Le 1er janvier 1793, par accord de Louis Desaunière, représentant le District, le citoyen Clément Sauvage va remplacer Mr. Couroy dans ses fonctions administratives. Après, l’arrêté du 23 avril 1798, rendant obligatoire l’observance du décadi, donne lieu à diverses arrestations et emprisonnements dans les sous-sols du château de La Rochefoucauld. Il fut rapporté qu’une femme non-citée à l’époque, habitant La Motte de Jauldes, fut arrêtée pour avoir travaillé ce jour-là. On ne l’a jamais revue. Un maçon de Jauldes, lui, eut un peu plus de chance (en la forçant), Jean Lurat, se présente à la Chambre Commune un jour de décadi en vêtements de travail. On lui fit remarquer qu’il ne célébrait point la fête décadaire. Le ton monte. Lurat répond en « blasphémant ». Le Commissaire et les Conseillers requièrent le Capitaine de la Garde, Boisroultes. Avant que ce dernier n’arrive, Lurat prend la porte et s’enfuit. Il restera deux ans dans la clandestinité.

Source : Pierre Tallon.