Le 14 août 1791, un nouvel incident mettait en émoi la municipalité d’Angoulême. Pierre Naud, ancien curé de Vouzan et, depuis trois ans, aumônier des Carmélites, n’avait pas prêté le serment de fidélité à la constitution civile du clergé, auquel il ne semblait pas qu’il ait été tenu. Ce matin-là, comme à l’habitude, il s’était rendu, vers huit heures, au Carmel pour y dire la messe et y prendre ensuite son petit déjeuner. En sortant du Carmel, il fut interpellé par deux gardes nationaux en uniforme, les nommés Laroche et Lacour la Pijardière, qui le prièrent de les accompagner chez le commandant de la garde nationale, M. de Bellegarde. Comme il arrive souvent, en pareil cas, un attroupement s’était formé autour du prêtre et des deux gardes. Avertie de l’incident, et craignant qu’on ne fasse un mauvais parti à ce prêtre dont elle ignorait encore le nom, la municipalité dépêcha aussitôt deux de ses membres pour s’informer et, au besoin, assurer la sécurité de cet ecclésiastique. Ils le trouvèrent chez un marchand dont la boutique faisait face à la maison de M. de Bellegarde, absent, mais que l’un des gardes était allé chercher pendant que son camarade surveillait le prisonnier. Après s’être renseignés sur le pourquoi de l’arrestation de ce prêtre, les deux membres de la municipalité jugèrent plus sage, malgré la résistance du garde Laroche, de conduire l’abbé Naud à la maison commune. À peine arrivés à la maison commune, ils y furent rejoints par le second garde national, le nommé Lacour, qui déclara qu’il avait ordre du département de lui amener l’abbé Naud; mais comme il n’avait pas d’ordre écrit, la municipalité refusa de lui confier cet ecclésiastique. Peu après, M. de Bellegarde se présenta devant la municipalité et l’on procéda à l’interrogatoire de l’abbé Naud, qui déclara servir d’aumônier aux dames Carmélites depuis trois ans, qu’il leur disait la messe tous les jours, mais que la porte extérieure de leur chapelle était constamment fermée, conformément aux ordres du département. Il ajouta que les deux gardes qui l’avaient arrêté lui avaient dit : Vous êtes un prêtre réfractaire, il faut que vous veniez chez M. de Bellegarde; vous venez de dire la messe chez les Carmélites, vous n’y êtes pas autorisé par M. Joubert et vous ne devez la dire qu’à un oratoire public. L’abbé Naud dit aussi qu’il avait manifesté aux deux gardes nationaux sa surprise d’être arrêté, que n’étant pas fonctionnaire public, il croyait être libre de dire la messe dans toutes les églises, chapelles et oratoires dont les portes étaient fermées. Il ajouta qu’il ne voulait pas que l’on prenne de sanctions contre ces gardes trop zélés, auxquels la municipalité fit seulement défense, ainsi qu’à quiconque, de procéder à une arrestation sans ordres.

Source : Le clergé charentais et la Révolution, de Pierre Bureau.