Généalogie Charente-Périgord (GCP)

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  • Liste de pensionnaires de la Maison Royale de Saint Louis à Saint-Cyr, admises entre 1686 et 1793, originaires du territoire de l’actuel département de la Charente.

    Nom, lieu de naissance, dates de baptême, des preuves et de sortie.

    Marie-Eléonore de la Rochefoucauld-Magnac, née 29 avril, baptisée 12 mai 1675, à Maignac-sur-Touvre en Angoumois (Charente), fille de François de la Rochefoucauld et de Marie-Eléonore de Chesnel. — Pr. 5 juin 1688. Morte, à Saint-Cyr, le 14 janvier 1692 (mairie de Saint-Cyr).

    Angélique de Livenne-Verdilles, baptisée 23 juin 1678 (née 18), à VilleJésus (Charente), diocèse de Poitiers, fille de Louis de Livenne et d’Angélique Audouin de Balan. — Pr. 20 mai 1687. Morte, à Saint-Cyr, le 13 octobre 1691 (mairie de Saint-Cyr).

    Marie de Livenne-Verdille, née 4, baptisée 7 septembre 1689, à VilleJésus (Charente), diocèse de Poitiers, fille de Louis de Livenne et de Marie-Françoise Chastré. — Pr. juin 1697. B. S. 5 septembre 1709.— Dot 18 janvier 1710.

    Marie Goumard-Tison d’Argence, née 12, baptisée 13 novembre 1696, à N.-D.-de-la-Paine, diocèse de Limoges, fille de François Goumard et de Marguerite de Forgues-Lavedan. — Pr. 22 juillet 1705. B. S. 3 novembre 1716. — Dot 25 février 1717.

    Jeanne-Marguerite-Françoise de Devezeau-Chasseneuil, née et ondoyée mercredi 19 novembre 1698, à Chasseneuil (Charente), diocèse d’Angoulême, baptisée 3 janvier 1708, fille de Gilbert-Joseph de Devezeau et de Françoise- Geneviève de Sainte- Maure. — Pr. 23 février 1708. B. S. novembre 1718. — Dot 1er mars 1720.

    Marie-Madeleine de Nesmond des Etangs, née 12 septembre 1699, baptisée 24 juin 1701, à Massignac (Charente), diocèse d’Angoulême, fille d’André de Nesmond et de Marie de Gibert. — Pr. 8 mars 1708. B. S. 4 septembre 1720. — Dot 18 février 1721.

    Marie-Anne de Saluces-Aizec, née 27, baptisée 29 mars 1702, à Aizecq (Charente), diocèse de Poitiers, fille d’André de Saluces et de Louise Preveraud. — Pr. 27 mai 1711. B. S. 18 mars 1722. — Dot 18 février 1724.

    Marie-Thérèse du Laux-Cellettes, née 27 juin, baptisée 1er juillet 1704, à (Saint-Saturnin) Cellettes (Charente), diocèse d’Angoulême, fille d’Henri de Lau et d’Elisabeth de Cladier. — Pr. 16 décembre 1715. B. S. 30 juin 1724. — Dot 30 juin 1724.

    Françoise de Saluces-Aizecq, baptisée 18 janvier 1708, à Aizecq (Charente), fille d’André de Saluces et de Louise Preveraud. — Pr. novembre 1715. Pens. pour infirm. 1727-1728-1729. B. S. 17 octobre 1727. – Dot Ig juin 1728.

    Marie-Jeanne-Adélaïde de Saluces-Aizecq, née et baptisée le 25 septembre 1709, fille d’André de Saluces et de Louise Preveraud. Sortie, pour cause d’infirmité, avant le 29 octobre 1728. B. S. 31 octobre 1729. — Dot (28 avril 1731).

    Barbe-Louise de la Place-la-Tour-Garnier, née et baptisée 19 avril 1720, à Chermans (auj. Charmant) (Charente), diocèse d’Angoulême, fille de Pierre de la Place et de Catherine Jaubert. — Pr. 22 juillet 1732. B. S. 15 avril 1740. — Dot 28 mars 1743.

    Florence de James des Fregnaudies, née et baptisée 12 avril 1721, à Saint-Laurent-de-Céris (Charente), diocèse d’Angoulême, fille d’Elie de James et de Jeanne de Pons. — Pr. 5 juin 1731. B. S. 18 mars 1741. Dot 16 novembre 1745.

    Anne-Henriette de la Place-Torsac, née et baptisée, le 5 mars 1727, à (Saint-Maurice) Fouquebrune (Charente), diocèse d’Angoulême, fille de François-Alexandre de la Place et d’Anne d’Escoublant. — Pr. 30 octobre 1738. B. S. 4 avril 1747. — Dot 3 juin 1749. Elle épousa (11 novembre 1754) Jean-Charles-René de Chouppes.

    Marie-Julie de Galard-Béarn, née 6, baptisée 7 août 1744, à (Saint-Jean) Angoulême (Charente), fille de Clément de Galard et de Catherine-Jeanne de Bologne. — Pr. 16 mai 1755. B. S. 31 août 1764. — Dot 25 octobre 1766.

    Marie de James-Longeville, née et baptisés 3 juin 1751, à (Saint-Vincent) la Rochefoucault (Charente), fille de Jean de James et de Marie-Elisabeth de Volvire. — Pr. 24 septembre 1761.

    Dorothée-Euphrasie de Montalembert-Cers, née 13, baptisée 14 avril 1755, à Fouquebrune en Angoumois (Charente), fille de Jean-Charles de Montalembert et de Marie-Suzanne Hinault. — Pr. 8 juillet 1766. B. S. 29, avril 1775. — Dot 14 septembre 1776.

    Claudine-Césarie-Marie du Lau, née 28, baptisée 29 septembre 1756, à (Saint-Pierre-ès-Liens) Eymoutiers-Ferrier (Charente), diocèse de Limoges, fille d’Arnaud-Joseph du Lau et de Marie-Madeleine-Marguerite-Suzanne-Charlotte de Lesmerie. — Pr. 12 septembre 1769. B. S. 17 juillet 1776. — Dot 2 juin 1778.

    Marie-Julie de Lestang, baptisée 9 août 1759, à Saint-Gervais-en Angoumois (Charente), fille de Jean-Charles-César de Lestang et d’Anne-Julie de Couvidou. — Pr. 2 octobre 1770. B. S. 22 juin 1779. — Dot 14 février 1780.

    Françoise-Marie-Souveraine de Rousseau-Ferrières, née 6, baptisée 7 avril 1760, à (Saint-Maurice) Montbron-en-Angoumois (Charente), fille de Louis de Rousseau et de Marie de Perry- Saint-Ovant. — Pr. 5 avril 1771. B. S. 16 avril 1780. — Dot 18 avril 1780.

    Antoinette de Lambertie, née 27, à Lanmary, baptisée 28 octobre 1760, à Saint-Sornin (Charente, canton de Montbron), fille de Jean-François de Lambertie et de Marie-Philippe Thibeaud. B. S. 1er obtobre 1780.

    Anne-Rosalie de Lestang, née et baptisée 31 août 1769, à Saint-Gervais (Charente) en Angoumois, fille de César-Charles de Lestang et d’Anne-Julie de Couvidou. B. S. 7 septembre 1789. — Dot 10 décembre 1789.

    Source : Les demoiselles de Saint-Cyr, de Fleury Vindry.

  • Récit de la campagne d’Égypte entre mai 1798 à août 1801, du point de vue de la 4e demi-brigade d’infanterie légère, chef de brigade Mathieu Lacroix (1761 La Rochefoucauld-1822 Angoulême) à la fin de la campagne.

    La 4e demi-légère resta cantonnée à Bassano du mois d’avril au mois d’octobre 1797 ; en décembre elle est à Vicence d’on elle part le 10 janvier 1798 pour aller faire partie de l’armée d’Angleterre. Mais elle reçut contre-ordre en route, et en février elle figure sur les états de situation comme tenant garnison à Pavie ; elle passe ensuite en Corse et le 29 mars elle est à Bastia à l’effectif de 1,219 hommes, dans la 23e division militaire.

    Désignée pour faire partie de l’expédition d’Égypte, elle fut embarquée et la flotte mit à la voile le 15 mai. Le 11 juin, le corps expéditionnaire était devant Malte, et la 4e demi-légère débarquée la première à la côte de Saint-Julien repousse daus la place 600 hommes de troupes maltaises.

    Embarquée à nouveau le 14 juin à Saint-Paulen, elle est placée dans la brigade Marmont de la division Bon.

    Le 25 juin la flotte française est en vue de l’île de Candie.

    Le lieutenant Ledku se distingua particulièrement dans un combat qui eut lieu sur le passage de la cite méridionale de cette ile contre un vaisseau de ligne anglais : pendant l’action, le feu s’étant manifesté à bord du vaisseau l’Indivisible par l’explosion de deux gargousses, cet officier arrêta ceux qui s’enfuyaient par crainte d’une seconde explosion et les forca à éteindre le feu, leur donnant lui-même l’exemple et se jetant le premier au-devant du danger.

    Prise d’Alexandrie (2 juillet 1798). — Le 30 juin la flotte française est devant Alexandrie et Bonaparte donne l’ordre de débarquement le 16 juillet au soir.

    Débarquée une des premières, la 4demi-légère reçoit l’ordre de prendre position à une lieue de la ville sur la route de Bedha.

    A 3 heures du matin Bonaparte passe devant le front des troupes débarquées dont la force était de 4,000 hommes; ce nombre lui parut suffisant pour attaquer Alexandrie dont la possession était de la plus grande importance pour l’armée.

    Le général Bon prit la droite, Kléber le centre et Menou côtoya la mer. Ces trois colonnes marchaient à la même hauteur lorsque, arrivées à deux portées de fusil de l’enceinte des Arabes, elles se séparèrent; chacune d’elles se dirigea sur le point d’attaque qui lui fut désigné par le général en chef.

    La division Bon atteignit bientôt la porte de Rosette qui est enfoncée par les sapeurs de la 4e demi-légère. Les murs sont couverts de Français qui se répandent dans la ville; les Arabes fuient de tous côtés et la terreur est générale.

    Quelques heures après la ville est à nous.

    Marche sur le Caire. — Bataille de Chebreiss (13 juillet). — L’armée partit d’Alexandrie les 6 et 7 juillet et se dirigea sur le Caire : elle avait 15 lieues de désert à traverser pour atteindre Damanhour.

    Le spectacle des troupes à leur départ avait quelque chose de pittoresque; on y voyait des généraux montés sur des chevaux français, richement équipés et à côté d’eux des chameaux hideux portant d’énormes charges, des ânes, des mulets chargés d’eau, des moutons conduits par des soldats pour être tués et mangés dans le désert: beaucoup d’officiers étaient montés sur des ânes.

    Le 8 juillet, la 4o demi-légère arrive à Damanhour. Pendant toute la route elle avait été en proie à une soif dévorante, car les puits avaient été comblés par les Arabes qui harcelaient nos hommes brûlés par l’ardeur du soleil.

    Pendant le voyage, un aigle ayant attaqué un mouton de notre caravane a été attaqué lui-même par un soldat qui s’est bientôt vu entourer par beaucoup d’autres aigles; des soldats accourent et il s’est engagé un véritable combat entre les militaires et les animaux, ceux-ci n’ont lâché prise qu’après des décharges réitérées de mousqueterie.

    Le 9 juillet, l’armée atteint le Nil et Rahmanié où elle séjourne le 10 et le 11; dans la nuit du 12 elle part pour Miniet-Solanié où elle couche, et le 13, avant le jour, elle se met en marche pour livrer bataille aux Arabes.

    Ceux-ci étaient rangés en avant de Chebreiss; chaque division française forme aussitôt un carré avec l’artillerie aux angles. Les Mamelucks s’ébranlent en masse, mais malgré leur bravoure, ils viennent s’écraser sur nos baïonnettes et presque tous sont tués par la mousqueterie.

    L’armée française continue sa marche sur le Caire et le 19 juillet Bonaparte apprend à Omm-el-Dimar que Mourad-Bey, à la tête de 6,000 Mamelucks et d’une foule d’Arabes et de Fellâhs, est retranché au village d’Embabé vis-à-vis Boulac; il attend les Français pour les combattre.

    Bataille des Pyramides (21 juillet). — Le 20 juillet, à 2 heures du matin, la division Desaix qui était en avant-garde aperçoit un corps d’environ 600 Mamelucks qui se replient aussitôt. A 2 heures de l’après-midi, l’armée arrive aux villages d’Ébrerach et de Boutis, à 3 lieues d’Embabé.

    La chaleur était brûlante, le soldat extrêmement fatigué;, Bonaparte fait faire halte; mais les Mamelucks n’ont pas plus tôt aperçu l’armée, qu’ils se forment en avant de sa droite dans la plaine. Un spectacle aussi imposant n’avait point encore frappé les regards des Français; la cavalerie des Mamelucks était couverte d’armes étincelantes. On voyait en arrière de sa gauche ces fameuses pyramides dont la masse indestructible a survécu à tant d’empires et brave depuis trente siècles les outrages des temps. Derrière sa droite étaient le Nil, le Caire, le Mokattan et les champs de l’antique Memphis. Mille souvenirs se réveillent à la vue de ces plaines où le sort des armes a tant de fois changé la destinée des empires.

    Les Mamelucks s’ébranlent et se précipitent avec impétuosité sur les carrés des divisions Desaix et Régnier qui formaient la droite.

    Pendant que ces divisions repoussaient avec succès cet assaut furieux, les divisions Bon et Menou soutenues par la division Kléber marchaient au pas de charge sur le village retranché d’Embabé, la clef de la position.

    Le général Marmont à la tête d’un bataillon de la 4e demi-légère, et le général Rampon avec un bataillon de sa brigade sont détachés avec ordre de tourner le village et de profiter d’un fossé profond pour se mettre à couvert de la cavalerie ennemie et lui dérober leurs mouvements jusqu’au Nil.

    Il est six heures du soir : les Mamelucks viennent d’être dispersés à Bechtyl, laissant la terre couverte de leurs morts; nos carrés reprennent partout l’offensive.

    Une colonne détachée de la division Bon et conduite par le brave général Rampon, attaque les retranchements et s’en empare ainsi que des pièces qui les défendent. Le carré s’est formé : les Mamelucks le pressent de tous côtés, l’attaquent avec furie et viennent expirer en grand nombre sous les baïonnettes de nos soldats. Le désordre est au comble; à gauche il est augmenté par l’explosion d’un baril de poudre. Les Mamelucks veulent fuir dans la direction des Pyramides; mais le général Marmont avec un bataillon de la 4e demi-légère commandé par le chef de bataillon Delzons placé à gauche du géneral Dugua et soutenu par ce dernier s’étend le long du canal jusqu’au fleuve, reçoit l’ennemi à bout portant, en fait un grand carnage et le force à se précipiter dans le Nil.

    Quinze cents Mamelucks à cheval et autant de fellà hs, auxquels les généraux Marmont et Rampon ont coupé toute retraite en tournant Embabé, et prenant une position retranchée derrière un fossé qui joignait le Nil, font en vain des prodiges de valeur; aucun d’eux ne veut se rendre, aucun d’eux n’échappe à la fureur du soldat; ils sont tous passés au fil de l’épée ou noyés dans le Nil. Quarante pièces de canon, 400 chameaus, les bagages et les vivres de l’ennemi tombent entre les mains du vainqueur .

    Pendant la lutte corps à corps, le sergent Cumin entouré de plusieurs Mamelucks en tue un, en blesse deux et met les autres en fuite.

    Récompenses accordées à la 4e demi-légère après la bataille des Pyramides. — Après l’action, le chef de brigade Destaing de la 4e demi-légère est nommé général de brigade sur le champ de bataille; le chef de bataillon Delzons est nommé chef de brigade et le remplace à la tête de la 4e.

    Le capitaine Ducouret est proposé pour chef de bataillon et normé peu de temps après.

    Les lieutenants Degouth et Gillet sont nommés capitaines pour action d’éclat.

    L’adjudant Angelarge est nommé lieutenant; le caporal Angelarge est nommé sergent; les carabiniers Savarrans, Chibret et Guiguard sont nommés caporaus.

    Entrée au Caire. — Le 25 juillet Bonaparte porte son quartier général au Caire; les divisions Régnier et Menou prennent position au vieux Caire, les divisions Bon et Kléber à Boulac.

    Mouvement de la 4e demi-légère jusqu’à l’expédition de Syrie. — La 4e demi-légère reste au Caire jusqu’au 17 août; elle est alors envoyée à Rosette avec une pièce de canon sous le commandement du général Marmont, pour observer les mouvements des Anglais. Le 22 octobre elle est à Romanieh et en novembre à Alexandrie où elle se tient prête à former une ou plusieurs colonnes mobiles.

    Le 17 décembre, le général Menou reçoit l’ordre d’envoyer les 2 premiers bataillons de la 4e demi-légère à Damanhour avec 2 pièces de canon pour mettre l’adjudant général Le Turcq, à même de contenir les Arabes; le 3e bataillon reste à Alexandrie avec le général Marmont.

    La situation détaillée du corps à la fin de janvier était la suivante :

    A Damanhour, sous le commandement du général Menou, les 1er et 2o bataillons comprenant 34 officiers et 505 hommes; ces 2 bataillons ont 54 hommes aux hôpitaux; 203 hommes sont détachés dans la province avec la pièce de 3 pour la rentrée des contributions; cartouches existant: 25,600.

    A Alexandrie, sous les ordres du général Marmont, le 3e bataillon à l’effectif de 30 officiers et 308 hommes; cartouches existant : 14,000

    Telle était la situation de la 4e demi-légère lors de la formation du corps expéditionnaire de Syrie.

    Les 2 bataillons qui se trouvaient à Damanhour rejoignirent la division Bon au Caire, mais le 1er bataillon reçut l’ordre de partir pour Damiette où il se trouva sous les ordres du général Almeras.

    Le 2e bataillon de la 4e demi-légère seul fit partie de la division Bon pendant l’expédition de Syrie.

    En somme, le 17 février, les trois bataillons de la 4e demilégère étaient ainsi répartis :

    1er bataillon, à Damiette; 2e bataillon, sous les murs d’El’Argch; 3e bataillon, à Alexandrie.

    Expédition de Syrie. — Sièges de Jaffa et de Saint-Jeand’Acre. — Le 2e bataillon de la 4e demi-légère prit part au blocus du fort d’El’Argch et assista à la reddition de la garnison le 20 février.

    Après avoir traversé soixante lieues du désert le plus aride, l’armée arrive devant Ghazah et part le 28 février pour la ville de Jaffa devant laquelle l’avant-garde paraît le 3 mars.

    Prise de Jaffa (7 mars 1799). — Pendant que la division Kléber va couvrir le siège de Jaffa à 2 lieues sur la route d’Acre, les divisions Bon et Lannes font l’investissement de la place.

    Le 4, on fait la reconnaissance de la ville entourée de murailles et flanquée de bonnes tours avec du canon.

    Le sergent-major Deschamps, de la 4o demi-légère, fut chargé par le général Caffarelli d’une mission périlleuse sous les murs de Jaffa; il reçut deux coups de feu, l’un au bras droit et l’autre au travers du corps; malgré ses blessures, il s’acquitta de sa mission de la manière la plus satisfaisante.

    Dans la nuit du 4 au 5, la tranchée est ouverte et on continue les travaux le 5 et le 6, après avoir repoussé deux sorties de l’ennemi.

    Le 6, la brèche est jugée praticable à 4 heures du soir.

    Le bruit se répand que la division Bon, chargée d’inquiéter la garnison du côté du port, a trouvé un moyen de pénétrer dans la place et fait les plus grands efforts pour s’y maintenir. Ce bruit se confirme bientôt: à l’instant même les troupes de la division Lannes, chargées de l’attaque principale, s’élancent à la brèche, la franchissent, culbutent l’ennemi, pénètrent dans la ville et se réunissent bientôt aux troupes de la division Bon qui de leur côté ont fait des prodiges de valeur, ayant eu à combattre la majeure partie des forces de la garnison réunies contre leurs efforts’.

    Le capitaine Degouth, de la 4e demi-légère, monta un des premiers à l’assaut de Jaffa.

    Le 14 mars, la division Bon continue sa route vers Acre; le 15, elle bivouaque à la tour de Zeta, à une lieue de Korsoum; le 16, à Sabarin, au débouché des gorges du mont Carmel. Le 17, l’armée marche sur Saint-Jean-d’Acre.

    Les chemins étaient très mauvais, le temps très brumeux, l’armée n’arrive que très tard à l’embouchure de la rivière d’Acre, qui coule à quinze cents toises de la place dans un fond marécageux.

    Ce passage était d’autant plus dangereux à tenter de nuit, que l’ennemi avait fait paraitre sur la rive opposée des tirailleurs d’infanterie et de cavalerie. Cependant le général Andréossy fut chargé de reconnaitre des gués; il passa avec le second bataillon de la 4e d’infanterie légère et s’empara, à l’entrée de la nuit, de la hauteur du camp retranché.

    Siège de Saint-Jean-d’Acre (du 18 mars au 24 avril 1799). — Nous n’entrons pas dans les détails techniques de ce siège pénible qui devait se terminer par la retraite de l’armée française, exténuée de fatigues et décimée par la peste; nous signalons seulement quelques faits intéressants et les actions d’éclat relevées sur les états de service des braves de la 4e demi-légère.

    Notre artillerie manquait de munitions; les Anglais prodiguaient les boulets. Nos soldats avaient été invités, au moyen d’une faible prime, à rapporter au parc les projectiles qu’ils trouvaient dans les tranchées; mais, lorsque les vaisseaux vinrent à les jeter à profusion sur la plage, le général en chef augmenta la prime et, dès ce moment, ce fut à qui serait le plus habile à s’en emparer.

    Dès que les premières bordées se faisaient entendre et même aussitòt que les vaisseaux s’approchaient du rivage, nos soldats accouraient en foule, se placaient tout d’abord au milieu de ce singulier champ de bataille, et se précipitaient au-devant des nombreux projectiles que la marine anglaise faisait ricocher dans la plaine; aucun d’eux ne fut jamais atteint. Ces canonnades étaient tellement sans objet qu’on aurait pu croire que le commodore anglais, informé de notre pénurie en projectiles, employait ce stratagème pour nous en procurer.

    Pour résister à la cavalerie des Mamelucks, on essayait l’emploi de petites piques de 4 pieds et demi qui se fichaient en terre et s’y maintenaient réciproquement au moyen d’une petite chaînette en fer fixée à chacune d’elles et se liant d’une pique à l’autre; ces piques formaient ainsi une sorte de palissade devant le front des carrés; chaque soldat avait la sienne placée en sautoir derrière son épaule gauche.

    La division Kléber s’en servit à la bataille de Mont-Thabor; pas une seule ne fut rapportée en Égypte.

    Actions d’éclat et citations. — Le capitaine adjudant-major Senille est cité pour avoir porté des dépêches au général en chef Bonaparte de la part du général Destaing qui commandait alors au Caire; il avait été, à cet effet, obligé de traverser le désert où il était poursuivi et attaqué par l’ennemi qui lui tua six dromadaires.

    Le capitaine Ducouret, proposé pour chef de bataillon après la bataille des Pyramides, est nommé à ce grade pendant la bataille de Saint-Jean-d’Acre où il se couvre de gloire.

    Le 30 mars, les Turcs firent une sortie; le lieutenant Roy commandait la 1re compagnie. Il repoussa l’ennemi presque sous les murs d’Acre et, en revenant, il aperçut tout à coup trois Français qu’on emmenait prisonniers; sans hésiter, et suivi de quatre des siens seulement, il parvint à les délivrer après avoir tué lui-même deux ennemis.

    Le sous-lieutenant Poudroux fut nommé lieutenant sur le champ de bataille au siège d’Acre.

    Le 3 avril, le sergent Cumin repousse avec quelques hommes la sortie d’un fort parti turc et lui fait éprouver de grandes pertes.

    Le 19 mars, le sergent de carabiniers Menard se précipite au milieu d’un gros de Turcs qui s’était emparé d’une de nos positions; par son courage et son énergie il les força à lui céder la place, après une résistance opiniâtre.

    Le même jour, le caporal Comberousse soutient avec trois de ses camarades l’attaque d’une multitude de Turcs qu’il repousse et force à rentrer dans leurs retranchements.

    Le sergent Vavasseur et le caporal Vernet obtinrent, l’un et l’autre, un fusil d’honneur pour leur bravoure au siège d’Acre.

    La 4e demi-légère était-elle à la bataille de Mont-Thabor ? – Nous avons dit plus haut qu’il n’y avait au siège de SaintJean-d’Acre que le 2e bataillon de la 4e demi-légère; parmi les quelques situations de l’armée d’Égypte déposées aux archives du Ministère de la guerre, se trouvent les suivantes qui prouvent bien ce que nous avons avancé :

    Situation du 15 germinal an VII (4 avril 1799). — Le 34 bataillon de la 4e demi-légère à Alexandrie faisant partie de la division du 2e arrondissement de l’Égypte : 27 officiers, 248 hommes.

    Situation du 22 germinal an VII (11 avril 1799). — Dans la province de Damiette, le 1er bataillon de la 4e demi-légère; à Damiette, 15 officiers, 236 hommes détachés sur le Nil; en contributions, 50 hommes.

    Or, la bataille de Mont-Thabor est livrée le 16 avril 1799 à 26 jours de marche de Damiette.

    Récit du maréchal Berthier (Extraits) :

    Le général Kléber avait prévenu qu’il partait le 25 germinal (14 avril) pour tourner l’ennemi dans sa position de Fouli et Tabarié, le surprendre et l’attaquer de nuit dans son camp. Bonaparte laisse devant Acre les divisions Régnier et Lannes; il part le 26, avec le reste de sa cavalerie, la division Bon et huit pièces d’artillerie, etc.

    Or, le 2e bataillon de la 4e demi-légère faisait-il encore partie de la division Bon?

    Nous avons vu au début du siège de Saint-Jean-d’Acre ce bataillon combattre sous les ordres du général Andréossy; deux situations sans date sont classées dans le dossier « Expédition de Syrie » donnant ainsi la composition de la division Bon :

    1° La division Bon se compose des 18e et 32e de bataille;
    2° La division Bon, généraux Rampon et Vial, comprend un bataillon de la 4e demi-légère et les 1er et 2e bataillons des 18e et 32e de ligne.

    Berthier dit au début de l’expédition de Syrie que la division du général Bon comprenait une partie des 4e demi-brigade légère, 18e et 32e demi-brigade de ligne.

    Enfin, le maréchal Berthier écrit encore au sujet de la bataille de Mont-Thabor :

    Bonaparte, arrivé à une demi-lieue du général Kléber, fait aussitôt marcher le général Rampon à la tête de la 32e, pour le soutenir et le dégager, en prenant l’ennemi en flanc et à dos.

    Il donne ordre au général Vial de se diriger avec la 18e vers la montagne de Noures, pour forcer l’ennemi à se jeter dans le Jourdain, et aux guides à pied de se porter à toute course vers Jenin pour couper la retraite à l’ennemi sur ce point, etc…

    Il n’est pas du tout question de la 4e demi-légère qui, si elle avait été présente, aurait été certainement première à marcher, étant donné l’usage qu’on faisait à cette époque de l’infanterie légère.

    Enfin, un dernier argument qui permet de supposer que le 2e bataillon de la 4e demi-légère n’appartenait plus à la division Bon, c’est que, moins de 7 jours après la bataille de Mont-Thabor, il recut l’ordre de partir le 24 avril pour se rendre à grandes journées au Caire.

    Nous avons cherché sur les matricules si un soldat au moins de la 4e demi-légère était porté comme tué ou blessé à la date du 27 germinal an VII (16 avril 1799), mais nous n’avons rien trouvé. Il est juste de dire que les troupes de secours amenées par Bonaparte ont subi ce jour-là des pertes très minimes.

    Néanmoins, il résulte de tout ceci :

    1° Que la 4e demi-légère n’avait que son 2e bataillon en Syrie;
    2° Que ce 2e bataillon de la 4e demi-légère était bien à Saint-Jean-d’Acre, mais qu’il n’est pas sûr qu’il y faisait encore partie de la division Bon;
    3° Qu’il n’est pas cité comme ayant pris part à la bataille de Mont-Thabor;
    4° Que s’il y était, il n’a rien fait qui puisse justifier l’inscription de « Mont-Thabor » au drapeau du régiment.

    A la bataille des Pyramides, la 4e demi-légère a véritablement été en première ligne; un de ses bataillons a coupé la retraite aux Mamelucks; son chef de demi-brigade a été nommé général de brigade sur le champ de bataille; plusieurs officiers et soldats, cités pour bravoure, ont été promus au grade supérieur ou bien ont reçu des armes d’honneur.

    L’instructeur parlant aux jeunes soldats des batailles inscrites au drapeau, n’hésitera pas à leur montrer ces vaillants soldats résistant avec héroïsme aux charges impétueuses des cavaliers arabes; il les fera revivre aux yeux de ses hommes, citant leurs noms et leurs grades en racontant leurs hauts faits.

    Ne semble-t-il pas que le drapeau du 79e, héritier de ces gloires d’autrefois, devrait porter dans ses plis cette inscription sacrée : Les Pyramides.

    Les 1er et 2e bataillons se réunissent au Caire. — Le 24 avril 1799 le 2e bataillon de la 4e demi-légère qui était au siège de Saint-Jean-d’Acre reçut l’ordre de se rendre à grandes journées au Caire.

    Le 23, le chef de bataillon Redon, avec son bataillon, 3 compagnies de grenadiers et 2 pièces de canon, repoussa les hordes innombrables d’El Mobdy, lutta contre elles pendant 5 heures et effectua ensuite sa retraite dans le plus grand ordre.

    Le 1er bataillon, qui était à Damiette, arriva seulement au Caire le 22 juin.

    Situation de la demi-brigade après l’expédition de Syrie. — La 4e demi-brigade avait été bien éprouvée par la peste et les fatigues; elle avait débarqué en Égypte avec un effectif de 1,132 hommes qui, le 2 février, s’était élevé à 1,192, par suite de l’incorporation de 60 matelots. Le 13 juillet 1799, la demi-brigade ne comptait plus que 893 hommes présents, officiers compris.

    Bataille d’Aboukir (25 juillet 1799). — A la fin de juin, le corps expéditionnaire de Syrie était revenu au Caire où Bonaparte s’occupait activement de sa réorganisation. Il dirigeait lui-même une expédition contre Mourad-Bey, lorsqu’il reçut, le 14 juillet, une lettre d’Alexandrie lui apprenant qu’une flotte turque de 100 voiles annonçait des vues hostiles sur la ville.

    Le 23, le chef de bataillon Redon, avec son bataillon, 3 compagnies de grenadiers et 2 pièces de canon, repoussa les hordes innombrables d’El Mobdy, lutta contre elles pendant 5 heures et effectua ensuite sa retraite dans le plus grand ordre.

    Le 1er bataillon, qui était à Damiette, arriva seulement au Caire le 22 juin.

    Situation de la demi-brigade après l’expédition de Syrie. — La 4e demi-brigade avait été bien éprouvée par la peste et les fatigues; elle avait débarqué en Égypte avec un effectif de 1,132 hommes qui, le 2 février, s’était élevé à 1,192, par suite de l’incorporation de 60 matelots. Le 13 juillet 1799, la demi-brigade ne comptait plus que 893 hommes présents, officiers compris.

    Bataille d’Aboukir (25 juillet 1799). — A la fin de juin, le corps expéditionnaire de Syrie était revenu au Caire où Bonaparte s’occupait activement de sa réorganisation. Il dirigeait lui-même une expédition contre Mourad-Bey, lorsqu’il reçut, le 14 juillet, une lettre d’Alexandrie lui apprenant qu’une flotte turque de 100 voiles annonçait des vues hostiles sur la ville

    Il partit aussitôt avec la cavalerie de Murat et une partie des divisions Lannes et Rampon; arrivé à Rahmanié, il apprit le débarquement de 3,000 Turcs à Aboukir. Le 23 juillet, le quartier général de Bonaparte est à Alexandrie et les troupes qui occupaient la place partent aussitôt sous les ordres du général Destaing et forment l’avant-garde de l’armée française.

    Cette colonne était composée du 36 bataillon de la 4e demi-légère, de deux de la 61e de bataille et du 3e de la 75e. Le 25 juillet, à la pointe du jour, l’armée se met en mouvement; l’avant-garde est commandée par Murat, qui a sous ses ordres 400 cavaliers et le général Destaing avec ses 3 bataillons et 2 pièces de canon.

    Après deux heures de marche, l’armée française est en présence de l’ennemi; la fusillade s’engage avec les tirailleurs.

    Le général Destaing, avec ses 3 bataillons, enlève au pas de charge la hauteur occupée par la droite de l’ennemi; en même temps, la cavalerie lui coupe la retraite et force un corps de Turcs de 2,000 hommes à se jeter dans la mer.

    Destaing marche ensuite sur Aboukir contre la seconde ligne ennemie et tourne le village pendant que la 32e l’attaque de front.

    L’ennemi fait une vive résistance, envoie des secours considérables; mais, enfin, le village est emporté et les Turcs sont poursuivis, la baïonnette dans les reins, jusqu’à une forte redoute qui fermait à droite la presqu’île d’Aboukir jusqu’à la mer.

    Pendant que les troupes reprennent haleine, on met des canons en position au village et le long de la mer; le 3e bataillon de la 4e demi-légère formait avec les autres troupes du général Destaing le centre d’attaque en face de la redoute.

    Après de nombreux efforts, les retranchements des Turcs sont enlevés de vive force par notre infanterie, pendant que la cavalerie, qui avait coupé la retraite à l’ennemi, sabre tout ce qu’elle rencontre.

    10,000 Turcs se jettent à la mer; ils y sont fusillés et mitraillés; aucun ne se sauve, car les vaisseaux étaient à deux lieues dans la rade d’Aboukir.

    Bonaparte quitte l’Égypte et rentre en France. — Peu de temps après cette éclatante victoire, Bonaparte s’embarquait pour la France, laissant le commandement à Kléber.

    La 4 demi-légère fait alors partie des troupes qui occupaient l’arrondissement d’Alexandrie; elle éprouve de grandes pertes par les maladies qu’elle contracte à Aboukir. Son habillement, qu’on avait dû renouveler, avait d’abord été confectionné en toile bleue; mais on reconnut bientôt l’utilité des vêtements de laine, et comme il n’y avait aucune fabrique de draps en Égypte, on dut employer des étoffes arabes de toutes couleurs. Chaque demi-brigade eut sa couleur particulière; la 4e demi-légère avait un habit vert clair, avec collet, parements et retroussis puce, les passepoils et le pantalon puce.

    C’est dans cette bizarre tenue qu’elle acheva la campagne d’Égypte.

    Le 25 septembre 1799 la demi-brigade, à l’effectif de 483 hommes, occupait Alexandrie et Aboukir, lorsque le 1er bataillon fut détaché sous les ordres du général Rampon pour faire une expédition contre Mourad-Bey; il rentra à Alexandrie dans le courant d’octobre.

    Combat de Horeh (16 décembre 1799). — Au mois de dé. cembre, le 2e bataillon de la 4e demi-légère, commandé par le chef de bataillon Stieler fut détaché dans la province de Bohireh; ce bataillon ent affaire, le 16 du même mois, à 2,000 révoltés. Il combattit contre eux pendant seize heures et fut sauvé d’une ruine certaine par l’audace de son commandant.

    Cette action, si honorable pour cet officier supérieur et pour son bataillon, est connue sous le nom de « Combat de Horeh ».

    En janvier 1800, un sabre d’honneur est décerné au fourrier Maraille; le caporal Guignard et le carabinier Bouard obtiennent chacun un fusil d’honneur, en récompense de leur bravoure dans le combat précédent.

    Révolte du Caire (21 mars 1800). — Ce bataillon se trouvait au Caire avec la 32e de bataille, pendant que Kléber remportait la fameuse victoire d’Héliopolis. Cette bataille n’était pas engagée qu’une insurrection éclatait au Caire; excités par quelques Turcs, les habitants massacrèrent une partie de la garnison.

    La lutte dura deux jours; la ville fut reprise et les insurgés réduits à l’impuissance, à l’arrivée des généraux Lagrange et Friant, qui amenaient des secours. A la même époque, les 1er et 36 bataillons de la 4e demi-légère sont à Alexandrie; le 10 avril suivant, le 3e bataillon est embarqué pour Rosette.

    Mort de Kléber (14 juin). — Kléber ayant été assassinė, le général Menou lui succéda dans le commandement de l’armée.

    La 4e demi-légère qui était à Mansourah, faisant partie de la division Lanusse, est dirigée à marches forcées sur Ramanieh et là un de ses bataillons est renvoyé à Alexandrie.

    Elle se réorganise pendant la période de tranquillité qui s’écoula du mois de juin 1800 au mois de mars 1801, et lorsque la flotte anglaise parut devant Aboukir, la 4e demi-légère était au Caire; à l’effectif de 790 hommes, elle faisait partie de la brigade Silly de la division Lanusse.

    Débarquement des Anglais. — Combat du 13 mars 1801 devant Alexandrie. – A la nouvelle du débarquement des Anglais, le général Lanusse reçut l’ordre de partir, le 5 mars, avec trois demi-brigades, dont la 4e demi-légère, pour porter secours au général Friant qui avait toute l’armée ennenie contre lui.

    Le 8, le général Lanusse, arrivé à Ramanieh, entend le canon d’Aboukir et part sur-le-champ; il effectue sa jonction avec le général Friant le 10, en avant d’Alexandrie. Le 13 mars, les deux généraux français résolurent de retarder la marche de l’ennemi et eurent l’audace d’attendre avec 4,000 hommes et 22 pièces de canon les 18,000 Anglais qui se portaient sur Alexandrie.

    Ils se jettent sur leur première ligne et l’enfoncent; la 4e demi-légère, dirigée par l’adjudant-commandant Boyer, combat avec avantage contre la première ligne et la fait ployer; mais, trop inférieure pour soutenir seule le combat, elle commença sa retraite. Une belle charge, exécutée par le 3e de dragons, protège la demi-brigade qui était fort engagée et ralentit la marche des Anglais.

    Le sous-lieutenant Deschamps resta plus d’une demi-heure à quinze pas de distance d’une colonne anglaise, excitant ses hommes et tâchant, par son exemple, de les engager à courir sur l’ennemi à la baïonnette; il ne quitta ce poste dangereux qu’après avoir été atteint de deux coups de feu.

    Enfin, trop inférieures en nombre, les troupes françaises se retirent en bon ordre et viennent prendre position sur les hauteurs de Nicopolis; les Anglais n’osent attaquer et campent, la droite à la mer, la gauche au canal d’Alexandrie.

    Le capitaine Degouth se fit remarquer dans cette affaire où il réussit, grâce à son courage, à sauver une pièce de canon.

    Le capitaine Chamas est cité aussi pour sa brillante conduite.

    Les généraux français résolurent alors de se rapprocher d’Alexandrie; l’ennemi, s’apercevant de notre premier mouvement de retraite, suivit d’assez près la 4e demi-légère qui était à l’arrière-garde et occupa les hauteurs que nous tenions le matin; c’est cette position que l’armée anglaise garda jusqu’à la bataille du 21 mars.

    Bataille de Canope (21 mars). — L’armée française, commandée par le général Menou, arriva enfin et se rassembla à Alexandrie; le 21, avant le jour, elle attaquait la position fortifiée des Anglais.

    Le général Lanusse était au centre; la brigade Silly, la 4e demi-légère en tête, fut chargée d’attaquer une forte redoute anglaise.

    Les dromadaires, chargés de faire une fausse attaque, commencent l’action avant le crépuscule et s’emparent d’un pramier retranchement ennemi par surprise. Aussitôt le général Lanusse se met en mouvement, et une compagnie de carabiniers de la 4e demi-légère enlève un premier redan et y prend une pièce de canon. La brigade Silly marche alors sur la grande redoute, mais dans l’obscurité elle se heurte à la 32e demi-brigade, ce qui cause un peu de désordre. Aussi, la 4e ne peut franchir les fossés de la redoute, et, glissant sur son flanc gauche, elle est repoussée par la première ligne anglaise.

    A ce moment critique, la demi-brigade se ralliait sous le feu de l’ennemi; pour inspirer plus de confiance aux soldats, le capitaine Monnier s’élance sur une butte où il est exposé aux plus grands dangers; blessé d’un coup de feu qui lui traverse le cou avec fracture de la mâchoire, il ne se retire qu’après que ses forces sont épuisées.

    Après de vains efforts pour reprendre l’offensive, la division Lanusse, qui venait de perdre son général et la plupart de ses officiers supérieurs, resta en face de l’ennemi pendant toute la journée, tiraillant et s’accrochant au terrain.

    Elle restait sous le feu des batteries anglaises et perdait à chaque instant une foule de braves; le capitaine Degouth s’avança alors avec l’artillerie de la demi-brigade jusque sur la ligne des tirailleurs et démonta deux pièces de canon qui, placées en avant des tranchées ennemies, faisaient beaucoup de mal à nos troupes. Les munitions étant épuisées et les Anglais ayant fait avancer quelques corps qui la prirent en flanc, la 4e demi-légère fut obligée d’abandonner les mamelons qu’elle occupait; ses tirailleurs, qui étaient sous la grande redoute, suivirent le mouvement en bon ordre.

    Les Anglais n’osèrent pas sortir de leurs retranchements pour les suivre !

    Les capitaines Lacroix et Chanas furent nommés chefs de bataillon sur le champ de bataille; les lieutenants Gillet et Berne furent nommés capitaines.

    L’armée reprit les positions qu’elle occupait la veille en avant d’Alexandrie.

    La 4 demi-légère resta à Alexandrie jusqu’au 14 avril, époque à laquelle elle fut envoyée à Rosette pour renforcer le général Valentin qui essayait de reprendre cette ville aux Anglais et aux Turcs.

    Marche contre le vizir. — Capitulation du Caire. — Après s’être battue du 5 au 9 mai à Ramanieh, le 4e demi-légère suivit les troupes commandées par le général Lagrange, et, quittant cette localité le 10, elle arriva, le 14, à 10 heures du matin, au Caire qui était commandé par le général Belliard.

    L’armée partit du Caire, le 16, pour aller combattre le vizir; elle rencontra l’ennemi le lendemain et livra un combat pénible au milieu des sables. Après avoir usé les deux tiers de ses munitions, le général Belliard, craignant que l’ennemi ne se portât sur le Caire, rentra le lendemain dans la place.

    Les Anglais parurent devant Giseh, du 17 au 19 juin, et se joignirent aux troupes du vizir; le 22, ils cernaient la place et commençaient des batteries. Le jour même, le général Belliard conclut un armistice de trois jours avec l’ennemi; le soir, il réunit un xonseil de guerre et le 23 juin, il envoya trailer avec l’ennemi deux généraux de brigade qui conclurent, le 28, une convention aux termes de laquelle la garnison du Caire se retirait avec armes et bagages sur Rosette pour y être embarquée, et, de là, transportée dans les ports français de la Méditerranée aux frais des puissances alliées.

    La 4e demi-brigade légère débarqua à Toulon au mois d’août; elle comprenait 3 officiers supérieurs, 45 capitaines, lieutenants ou sous-lieutenants et 618 sous-officiers et soldats, dont 38 malades.

    La demi-brigade avait débarqué à Alexandrie avec 1,132 hommes; elle avait donc perdu la moitié de son effectif dans la campagne d’Égypte.

    Ces pertes glorieuses ne montrent-elles pas que nos aînés savaient se sacrifier sans compter pour la Patrie ? Épuisés par les privations, décimés par les maladies, perdus dans les déserts immenses, ces vaillants soldats de l’armée d’Égypte donnaient chaque jour des preuves nouvelles de dévouement, de courage et d’abnégation.

    Source : Historique du 79e régiment d’infanterie, de Léon-Jean-Baptiste Clerc.

  • M. Jean Deval de Beauregard s’en revenait, par un orageux après-midi, à travers la lande angoumoisine. Avec amertume, il regardait se profiler le mur crénelé du logis de Garde-Epée, l’un des domaines de Mlle de Jarnac, dont pour son malheur M. Deval avait fait connaissance aux fêles données par M. le gouverneur de Cognac. Pour son malheur, dis-je, car la belle appartenait à la haute noblesse de sa province et l’amoureux n’était que de petit état.

    Une large goutte de pluie tira M. Deval de ses pensers. Il leva la tête et vit le ciel tout envahi par des nuées d’orage qui ne lui laisseraient pas le temps de gagner quelque asile chrétien. Un boqueteau de bois fermait bien là campagne, mais ce n’était pas abri convenable par ce temps. Le gentilhomme décida de giter sous le dolmen qui domine la lande.

    La nue, crevant à grand bruit, faisait sombre la plaine ét, sous ces vieilles pierres, c’était quasi la nuit. M. Deval se crut d’abord seul mais, ayant mieux fouillé l’ombre, il découvrit qu’il partageait ce refuge avec une femme tassée dans une mante à coflueluchon, et qui regardait tomber l’eau sans doute une matrone en route pour quelque affaire, et que l’ondée retenait en ce lieu.

    M. Deval n’était ni duc, ni pair, ni riche mais il était né. Il prit au poing son chapeau et s’approcha, déférent, de la bonne femme; celle-ci marqua un mouvement de surprise en le voyant jaillir d’entre les pieds du dolmen.

    — Ne craignez point, madame, fit-il. Apprenez seulement que, je vous quitte la place, pour ne pas vous obliger à partager votre asile avec un inconnu.

    Déjà il ébauchait un pas en dehors, quand une main vive en-: core le retint par son habit :

    — N’en faites rien, monsieur ! Avant deux minutes, la foudre va tomber sur le bois que voici.

    La voix sortait assez fraîche, malgré l’âge, des plis du coqueluchon. Elle rappelait vaguement quelque chose à M. Deval… mais il n’eut point loisir de se demander quoi: dans l’instant même, une nappe de feu illumina l’espace, tandis qu’un vacarme effroyable emplissait l’air. En face du dolmen, un pin secouait comme une torche ardente sa chevelure embrasée.

    Le jeune homme recula d’un pas :

    — Hé là ! Seriez-vous sorcière, madame ?

    La réponse fut sans fard :

    — Pourquoi non ! N’avez-vous jamais entendu dire à votre nourrice que ce sont là habitantes communes, pour lès dolmens et autres monuments de même sorte ?

    M. Deval de Beauregard; à ce coup, demeura coi. Point effrayé, certes, mais pensif. Et voici que la femme reprit, de l’ombre où elle s’était reculée et comme perdue, toute petite en sa vaste mante :

    — Et la preuve que je suis sorcière, c’est que je sais qui vous êtes, monsieur de Deauregard. Vous n’en pourriez dire autant de moi. Non, le gentilhomme n’aurait pu dire à qui il avait affaire. Cette inconnue était peut-être vraiment une sorcière. On n’a pas tous les jours l’occasion de voisiner avec ces cousines du diable. Il fit :

    — Madame, sur les preuves que vous m’en donnez, je croirais bien ce que vous me dites touchant votre état, encore que, dans ce réduit où nous sommes, votre manteau ne fleure point du tout le soufre, mais la bergamote. M’est-il permis de vous demander un avis, pour une cause qui me tient fort au cœur ?

    Parmi le tumulte de l’orage faisant furieusement vacarme, il y eut un son léger, comme si la sorcière étouffait de rire, ou peut-être qu’elle éternuât. Déjà, d’ailleurs, elle répondait :

    — Je mets à votre service les dons que j’ai reçus, si je puis.

    Et M. Deval conta ses tourments, c’est-à-dire les sentiments qu’il éprouvait pour Mlle de Jarnac et la crainte qu’il avait de ne voir pas couronner un si grand amour. La sorcière écoutait, enveloppée jusqu’aux yeux, les vieilles gens sont si frileux ! — dans la mante plus sombre que les entrailles du dolmen. Quand le gentilhomme yint dire que la belle ne voulait point de lui, vu la mesquinerie de son train, la bonne femme se fâcha :

    — Voilà qui est mal parler, monsieur. Mlle de Jarnac ne vous pardonnerait point si elle savait que vous doutez d’elle pour une question de rang ou d’écus.

    — Pourtant…

    — Point du tout. Laissez cela, vous dis-je, ou votre cause’ëst perdue. Or, il faut la gagner.

    — Et comment donc ? fit M. de Beauregard, ivre d’une espérance.

    — Demain, au petit jour, entrez dans la cour du logis de Garde-Epée. Vous y trouverez une fille de !ferme dispensant le grain aux volatiles. Allez à elle, faites-lui la déclaration de votre amour.

    — Pardonnez-moi, madème, je ne le ferai point.

    La sorcière secoua les épaules :

    — Voyez-moi ces lunatiques ! Ils demandent secours et renâclent à saisir la perche tendue ! Et pourquoi cela, s’il vous plaît ?

    — J’aime trop Mlle de Jarnac pour lui être infidèle, fût-ce par feintise. Et aussi, si petit état que -je tienne, une fille basse-courière…

    — Alors, ne vous plaignez pas de votre infortune. Bonsoir !

    Sur ce petit mot sec, la sorcière, rassemblant ses cottes, disparut dans l’ondée.

    Elle s’éloigna fort vite, comme font seulement les filles très jeunes et les sorcières très vieilles. Un moment, M. de Beauregard tâcha à surprendre la direction vers laquelle elle fuyait. Mais le moyen, avec cette pluie faisant rage, et dont l’inconnue s’enveloppait comme d’un manteau ? Le feu était-il, par ailleurs, au dolmen, pour que la devineresse s’en écartât si vivement ?

    Ennuyé et songeant à ce qui venait de lui être dit, M. de Beauregard se mit en devoir de regagner son logis. La pluie cessait tout justement, un arc-en-ciel lançait l’écharpe d’iris sur la lande.

    Notre chevalier habitait une gentilhommière croulante demi. Tout son domestique se composait d’un vieux serviteur qui salua le retour de son maître par ces mots prononcés d’un ton sans grâce :

    — Cela a-t-il du bon sens, de s’en aller par ce temps courir le garou sur la lande, et remuer je ne sais quels fagots à vous rompre la tête ?

    Le jeune homme prit les choses à la bonne, car son valet, tout grognon qu’il fût, était le seul être humain qui lui tint compagnie. Il répondit gaiement :

    — Pour les fagots que je remue en ma cervelle, cela ne regarde que moi, s’il te plaît quant à ce qui est de courir le garou…. eh ! eh ! j’ai rencontré quelqu’un qui m’a tout l’air de le courir à ses heures !

    Thibaud dressa l’oreille il s’informa :

    — Ho ! monsieur ! Vous n’auriez point trouvé la Grand-Beste, j’espère?

    — Non pas, Thibaud; mais sous le dolmen de Garde-Epée, où j’avais pris refuge, une sorcière, bel et bon, m’a accueilli. Elle m’a annoncé que la foudre allait tomber sur le bois, et, l’instant d’après, un pin a flambé.

    — Cela… fit Thibaud en hochant la tête.

    — Elle m’a dit encore…

    Le gentilhomme s’arrêta, et, sans vouloir toucher à son repas, s’en alla dans le bout du parc déchevelé entourant son logis.

    Le conseil donné par la sybille trottait en sa tête, et de la belle façon. Si, vraiment, il était si simple de conquérir Mlle de Jarnac, il y aurait sottise de ne le point tenter. Mais feindre — et pour quel objet ! — des sentiments qu’il n’éprouvait point, répugnait au gentilhomme à l’extrême. Sans parler qu’il y aurait de gros risques, car Mlle de Jarnac, survenant, pouvait fort bien surprendre des propos qui n’étaient point pour ses oreilles. Alors, tout espoir serait à jamais perdu.

    M. Deval passa une nuit bien perplexe. Au matin, et s’étant juré cent fois de n’en rien faire, il se trouva devant la muraille de Garde-Epée. Il franchit la poterne, et, dans la grand’cour, il trouva une fille jetant le grain aux oisons. La pécore se mêlait d’avoir tournure avenante, encore que sa tête fût dérobée par les bavolets de sa capeline. La pénitence n’en parut pas moins amère à l’amoureux de Mlle de Jarnac; il avança, recula, hésita, tortilla de cent manières avant que de lancer tout d’une haleine :

    — Ma belle enfant, que je vous aime ainsi !

    Ce n’était pas tout à fait une déclaration d’amour, mais le gentilhomme ne pouvait dire plus. Sans doute, cela suffisait : brusquement, la drôlette se retourna, montrant un minois qui était bien Jarnac :

    — Et moi donc ? Fol qui n’en auriez rien voulu voir sns que j’aie fait la sorcière !… Vous ai-je bien floué ?

    Ainsi fut décidé le mariage de haute demoiselle Henriette de Jarnac avec noble homme Jean Deval de Beauregard.

    Source : Jean Mauclère.

  • Dans l’ancienne et primitive circonscription du diocèse d’Angoulême, alors fort restreinte, Pranzac était la seule paroisse rurale, si nous nous en rapportons au pouillé de 1597, dans laquelle il y eût un chapitre. Ces chanoines formaient-ils seulement un chapitre collégial, ayant ses dignitaires, ses insignes et ses prérogatives, ou bien n’étaient-ils que de simples chapelains chargés du service de la paroisse ? Jusqu’à présent, aucune lumière n’a été faite sur ce sujet. Le souvenir des chanoines de Pranzac ne nous est resté que grâce aux quelques lignes de l’auteur de la Statistique monumentale de la Charente, quand il nous dit « que les chanoines de cette paroisse envoyérent leur député aux assemblées du clergé pour l’élection de la députation aux Etats généraux en 1789 ». Aujourd’hui, nous pouvons émettre une idée plus nette sur l’existence et le rôle de ce chapitre durant une période de plus de deux siècles.

    En l’an 1520, Jean Renouard, seigneur de Pranzac, mû par un sentiment de haute piété à l’égard de ses parents tant vivants que trépassés, désireux lui-même d’assurer le salut de son âme et sur le point de quitter la terre, institue de son plein gré quatre stipendies dans l’église de Pranzac. Que faut-il entendre par cette donation ?

    L’acte de fondation, que nous donnons pour la première fois dans toute sa teneur, nous indiquera les clauses diverses de ces bénéfices. Avec le consentement de l’évêque d’Angoulême, ces stipendies doivent être desservies en l’église paroissiale de Pranzac par quatre prêtres; ceux-ci seront tenus chaque jour et à perpétuité d’y célébrer une messe « en notte avec vigiles de morts en haut répons et oraisons accoutumées pour le salut de l’âme du donateur, ses parents et amis, vifs et décédés; ils feront annoncer lad. messe en sonnant la cloche quinze coups à loisir et après en bransle; à l’issue de chaque messe, un Libera en haut; le jour de la Fête-Dieu, ils diront matines, primes, tierces, sexte, none, vespres et complies, etc.; en faisant led. office, ils seront revêtus chacun d’un surplis, et pour chaque deffaut que chacun d’eux fera aux susd. obligations, seront tenus mettre douze deniers tournois en un tronc qui sera mis par eux dans lad. église; en retour, le seigneur de Pranzac donne et lègue à perpétuité les dixmes et droits que lui et ses prédécesseurs ont accoutumé jouir, prendre et percevoir audit lieu ».

    Il ressort de ce document que ces quatre stipendies n’ont pas été instituées pour le service de la paroisse de Pranzac, aussi les prêtres ou gens d’église qui doivent jouir de ces bénéfices ne peuvent-ils être regardés comme prêtres auxiliaires. Ils ne sont point non plus affectés au service spécial d’une chapelle, ils ne peuvent donc pas être considérés comme chapelains; et si, dans le texte de cette donation, ils ne sont pas, il est vrai, qualifiés de chanoines, ne sont-ils pas néanmoins assujettis à une règle commune ? Ne doivent-ils pas, en dehors des cérémonies de la paroisse, chanter ensemble les prières liturgiques à des heures déterminées et suivant certaines prescriptions ? Ne sont-ils pas obligés, à une époque fixe de l’année, de réciter en habit de chœur le saint office tout entier ? En un mot, ne sont-ils pas tenus d’accomplir les fonctions annexées à leurs titres plus particulièrement dans cette église de Pranzac, à laquelle, selon le désir du pieux donateur, les quatre stipendies devaient être unies à perpétuité ?

    Ainsi, que manque-t-il donc à toutes ces raisons pour que ces futurs bénéficiers soient assimilés aux ecclésiastiques attachés à une église collégiale et qu’ils puissent comme eux s’intituler chanoines ? Est-ce l’érection canonique de la fondation ?

    Elle fut formulée l’année suivante, le 4 avril 1521, par Antoine d’Estaing, évêque d’Angoulême.

    L’autorité religieuse vient de parler; elle a consacré par son approbation le legs du seigneur de Pranzac; désormais, les quatre stipendies formeront un chapitre collégial et les titulaires seront qualifiés de chanoines. Qui ne connaît l’adage : « Tres faciunt capitulum » ? Le désir exprimé par le fondateur de voir une stipendie unie à perpétuité à l’église de Saint-Cybard de Pranzac est réalisé, et l’évêque d’Angoulême, en nommant au bénéfice-cure de cette paroisse, conférera en même temps le bénéfice d’une stipendie. De son côté, le curé de la paroisse, en vertu de son titre curial, jouit aussi du droit de nommer à la seconde chanoinie; il devient par là le doyen du chapitre, dénomination qu’il conservera dans certains actes jusqu’à l’abolition des bénéfices; il en est aussi le seul et unique dignitaire. Quant aux deux autres stipendies, c’est au seigneur de Pranzac qu’il appartient d’y pourvoir. Ainsi, les chanoines stipendiés voient leur institution confirmée, à la condition toutefois qu’ils rendront à l’évêque d’Angoulême et à ses successeurs l’hommage qui leur est dû, comme les seigneurs dudit lieu l’ont toujours fait.

    Avant que l’acceptation du legs fût agréée par l’autorité compétente, le donataire, Jean Renouard, était mort; son fils, Pierre Renouard, nouveau seigneur de Pranzac, hésita probablement quelque peu à acquitter les engagements paternels, puisqu’il fut sommé par les parties intéressées de se prononcer à cet égard. Quoi qu’il en soit, il consentit par-devant témoins à exécuter les clauses de cette donation (1521).

    C’est donc sous le régime de cette organisation que le chapitre de cette paroisse subsistera durant une période de près de trois siècles. Néanmoins, d’après une déclaration fournie par ces chanoines le 8 septembre 1640, il semble résulter que quelque modification fut apportée au règlement primitif de la fondation. Ces derniers reconnaissent « qu’ils sont au nombre de quatre, qu’ils ont été fondés et établis en titre de chanoines et stipendiés en l’année 1520 par Jehan Renouard, écuyer, sieur de Pranzac, et depuis ont été augmentés par dame Gabrielle de Mareuil ». Faut-il, d’après cela, admettre que le nombre des bénéficiers se soit accru, grâce à des générosités de cette noble bienfaitrice ? Nous ne le croyons point.

    Vers la fin du XVIIIe siècle, Gratien Roux, le père de ce Jacques Roux qui conduisit Louis XVI à l’échafaud et dont nous aurons à nous occuper plus loin, écrivant à l’un de ses neveux au sujet des stipendies de Pranzac, « assure que les seigneurs dudit lieu sont fondateurs de quatre stipendies dans l’église de cette paroisse, dont l’une appartient à M. le curé de Pranzac. Comme doyen, il a droit de nommer à une autre….. Le seigneur de Pranzac s’est réservé le droit de nommer les deux autres chanoinies ou stipendies….. ».

    Ainsi, à cette époque, les nominations se font encore de la même manière qu’aux premiers jours de la donation; il n’y a donc pas eu de changement dans le nombre des titulaires; dès lors, l’augmentation dont il est parlé plus haut doit s’entendre plutôt de certains revenus ajoutés aux anciens par la dame de Mareuil.

    D’ailleurs, un autre document en date du 25 mai 1792, relatant en entier les pieuses libéralités de la dame de Mareuil, vient corroborer notre assertion : c’est la transcription d’un legs qu’elle fit en 1590 au chapitre de cette église.

    Mais ces chanoines furent-ils toujours bien fidèles à observer la résidence ? N’étaient-ils pas, comme il arrivait pour d’autres chapitres, promus à cette dignité sans qu’ils pussent en remplir toutes les obligations ?

    Généralement, jusque vers la moitié du XVIIIe siècle, ces dignitaires résidaient pour la plupart dans le bourg de Pranzac ou dans les paroisses limitrophes; des actes notariés en font foi. Chaque jour, revêtus d’un simple surplis, devant leurs stalles modestes et sans relief, que l’on voyait encore en 1860 et qui ont été vendues depuis, ils satisfaisaient à leurs devoirs. Si parfois il survenait que de jeunes clercs fussent nommés à ces bénéfices sans pouvoir en remplir les charges, ils devaient, en vertu de l’acte de fondation, pourvoir à leur remplacement moyennant une rétribution. Et c’est de la sorte que l’oeuvre pie du seigneur de Pranzac se maintint jusqu’à la Révolution.

    Il nous reste à faire le dénombrement des chanoines de cette paroisse; nous n’avons pu l’établir d’après des documents certains, par exemple les minutes des notaires, les registres dudit lieu et des paroisses circonvoisines, que sur un intervalle de deux siècles. Durant ce temps, il en est peu de ces dignitaires, suivant nos recherches, qui soient parvenus à tenir un rang distingué dans la hiérarchie ecclésiastique; quelques-uns seulement, vers la fin du XVIIIe siècle, ont acquis une renommée tristement bruyante; nous commencerons par ces derniers.

    Jacques Roux, chanoine de Pranzac, naquit au bourg de cette paroisse le 21 août 1752; par la mort de son frère François, il devint l’aîné de douze enfants. Son père, Gratien, qui se trouve lieutenant d’infanterie en 1748, plus tard qualifié d’ancien officier au régiment de Hainaut, apparaît comme juge assesseur au marquisat de Pranzac (1780); il était lui aussi, croyonsnous, originaire de cette même paroisse, car nous voyons vers 1713 un Claude Roux, sieur des Ajounières, conseiller aux grandes Voiries, posséder la charge de juge de Pranzac et y résider. Sa mère, Marguerite de Montsalard, sortait de la paroisse de Bussière en Périgord. Quoique l’aîné, le jeune Jacques se sentit porté vers le service de l’autel; à peine âgé de quinze ans, il est clerc tonsuré, puis le comte des Cars, voulant donner une marque de bienveillance à sa famille et lui faciliter le cours de son éducation, le nomme chanoine de Pranzac (1767). Ses études terminées, il enseigne, en qualité d’auxiliaire des Lazaristes, la philosophie au séminaire d’Angoulême (1779); en même temps il prête son concours au curé de SaintMartial pour les fonctions du ministère de la paroisse. Nous le trouvons sûrement prêtre en 1780, car il dessert à différents intervalles l’église de Pranzac. Plus tard, par les soins de Pierre-Auguste Mignot, clerc tonsuré du diocèse d’Angoulême et prieur de La Chapelle-Saint-Robert, il est nommé à la cure de Varaignes en Périgord (1784).

    Les événements politiques de 1789 surviennent; la tête surchauffée de Jacques Roux s’exalte; suivant l’impulsion de son caractère violent, il annonce, dans des prérégrinations à travers la Saintonge, les bienfaits futurs de cette aurore qui se lève si rayonnante de promesses; il célèbre cette régénération qui se prépare pour la société, il salue dans un enthousiasme délirant la chute de la Bastille; il agite si vivement les populations, il sème sur ses pas tant de germes de dissension, particulièrement à Saint-Thomas de Cosnac, que des troubles graves éclatent (1790).

    Vicaire à Ambleville (mai 1790), les habitants font des démarches pour l’avoir comme curé; l’autorité religieuse refuse. Il quitte alors la province, après avoir été interdit de ses fonctions sacrées, et va s’établir à Paris (1791).

    Louis Roux, frère du précédent, chanoine de Pranzac vers 1780. Les nouveaux principes de la Révolution l’exaltent lui aụssi; il prête les serments à la Constitution.

    Voici la nomenclature de quelques membres de ce chapitre :

    1520-1521-1522. Jean de Matthieu, prêtre et curé de Pranzac.
    Guillaume Pacquet, prêtre.
    Étienne de Glane, prêtre.
    1521-1522. Jamet Texier, prêtre.
    1554. Jean de Massiac se démet de la cure de Pranzac.
    1590. Jean de Glane.
    Barthélemy Mingault.
    André Favereau.
    1590-1622. Jean Monceyron, enseveli dans l’église de Pranzac, 10 mars 1622.
    1612. Lambert, curé de Pranzac.
    1619-1627-1630. Henry Moire, prêtre et curé. 1621-1675. Léonard Trilhon, prêtre, fut enseveli dans l’église le 28 décembre, âgé de quatre-vingt-huit ou quatre-vingt-dix ans.
    1625-1645. Thomas Rondard, prêtre, résidait à Pranzac, dans sa maison, sise près du four banal (1637). – Il fut chargé par le seigneur de cette paroisse — 24 juin 1627 – « du droit de jaugeage, chaque année, au jour de la Saint-Jean-Baptiste, à Bunzac et à Pranzac », où il décéda.
    1629-1667. Jean Babel, prêtre, bachelier en théologie, neveu du susdit Thomas Rondard, qualifié en 1645 curé de Notre-Dame de Massac, en Saintonge. — Le 24 août 1659, en présence de Mathurin Charpantier, sous-diacre et curé de Mouton, il prend possession de la cure de Saint-Michel de Fontenille et il y meurt en 1667.
    1630. Gaspard de Rougnac, prêtre, résigne son bénéfice de chanoine.
    1630-1633. Jean Janesthault, prêtre.
    1633-1675. Philippe Tourette, sous-diacre du diocèse d’Angoulême, nommé chanoine le 5 mars 1633, prêtre le 23 mai de la même année, résigne son canonicat le 7 avril 1641, prend possession de la cure de Pranzac le 12 mars 1643 et est enseveli dans l’église de cette paroisse le 23 décembre 1675, âgé de soixante-dix-neuf ans. 1633-1641. Jacques Soubrane, prêtre.
    1635. Jean de Nesmond, prêtre, curé de Pranzac.
    1639. Claude Girard, prêtre, se démet de la cure de Pranzac.
    1639-1643. Jacques Laisné, diacre, prend possession de la cure de Pranzac et donne sa démission en 1643.
    1645. Étienne Lameau, curé de Notre-Dame de Birac et chanoine de Blanzac en Angoumois, prend possession d’une stipendie vacante par le décès de feu Rondard.
    1647. Pierre Mignault, prêtre.
    1653–1664. Philippe, alias Pierre Bouchier, prêtre et curé de Saint-Paul, près Marthon.
    1665-1675. Jean Audouin, prêtre, curé de Saint-Paul de Marthon, sous-promoteur du diocèse d’Angoulême en 1667, est nommé, le 20 septembre 1673, prieur-curé de Saint-Sornin, par permutation avec Jean Ythier, institué curé de Saint-Paul.
    1668. Pierre Daguin, prêtre, curé de Bunzac, résigne entre les mains de N. S. P. le Pape (24 octobre) son bénéfice de chanoine en faveur de Léonard Trilhon, qui en est pourvu (novembre 1670).
    1673-1675. Jacques Morpain, prêtre.
    1684-1686. Louis Ythier, chanoine; en 1686, vicaire de Bourg-Charente.
    1680-1702. Jean Poitevin, prêtre, pourvu par le Pape de la cure de Sainte-Eulalie de Champniers; il en prend possession le 12 avril 1680, meurt à Pranzac et est enseveli dans l’église de cette paroisse le 17 avril 1702, âgé de quarante-huit ans.
    1675-1729. Antoine Tourette, prêtre, curé de Pranzac (9 novembre) après la démission du dernier possesseur, Philippe Tourette; il est enseveli dans le chœur de l’église le 17 janvier 1729, à l’âge de quatre-vingts ans.
    1724-1740. Hélie-François Col de La Chapelle, prêtre, prend possession de la cure de Saint-Sauveur, près Marthon, le 12 mai 1729; en outre de son bénéfice de Pranzac, chanoine de La Rochefoucauld (1731); – en la même année, 21 septembre, il est nommé et prend possession de la cure de Saint-Remi de Fleurignac, par suite de la résignation pacifique faite par François de Langlard, prêtre, auquel il abandonne en échange så chanoinie de La Rochefoucauld.
    Il fut nommé, 2 février 1729, par la paroisse « fabriqueur » pour ramasser les revenus de la fabrique de Pranzac, en la place de Pierre Chaigneau, notaire royal, qui fut destitué de sa charge à cause de sa mauvaise gestion.
    1729-1751. Antoine Jeudy, prêtre du diocèse d’Angoulême, chanoine de Saint-Arthémy de Blanzac, demeurant à Châteauneuf, prend possession de la cure de Pranzac, vacante par le décès d’Antoine Tourette, dernier possesseur, le 14 juin 1729; il résigne son bénéfice le 30 avril 1751, en faveur de Jacques Marquet.
    1732-1773. François Marginière, prêtre, docteur en théologie, curé du Maine-de-Boixe en 1738, de Saint-Sauveur, près Marthon, en 1739, prend possession de la cure de Saint-Martin de Marthon le 18 mai 1749, résigne ce bénéfice en faveur de Jean Albert, maître és arts, gradué de la Faculté de théologie de Bourges, 18 octobre 1760, et est enseveli dans l’église de Saint-Cybard de La Rochefoucauld le 25 octobre 1773.
    1738. Sébastien Dallançon, prêtre du diocèse de Poitiers, chanoine de Pranzac, demeurant au bourg de Lonnes, résigne ce canonicat (décembre).
    1751-1766. Jacques Marquet, prêtre du diocèse de Limoges, prend possession de la cure de Pranzac (8 septembre), du bénéfice-cure de Bunzac, par suite de la démission de Michel Duphénix, promu archiprêtre de Pérignac le 15 octobre 1759, et est enseveli dans l’église de Pranzac le 18 janvier 1766.
    1754. Léonard Chaigneau de La Gravière, clerc tonsuré du diocèse d’Angoulême, étudiant en l’Université de Poitiers (12 juillet).
    1767. Rullier.
    1767. Jacques Roux, clerc tonsuré.
    1767-1793. Léonard Tourette, prêtre, curé de Pranzac, précédemment curé de Beaulieu et Cloulas (1738-1763), assiste à Angoulême à la réunion du clergé (1789), prête serment à la nouvelle Constitution, demeure à Pranzac jusqu’à la fermeture des églises et meurt le 22 messidor an II.
    [?]. Jacques-Magdeleine Roux, clerc tonsuré.
    1780. Louis Roux, clerc tonsuré.
    1780. Louis Decombe, clerc tonsuré.
    1789. Les chanoines du chapitre de Pranzac se font représenter à l’assemblée du clergé par M. Sudraud.

    Source : L’église et le chapitre collégial de Pranzac en Angoumois, de Paul Legrand.

  • Le repaire de Rougnac : une terre située au nord de celle de La Rochebeaucourt dont elle restera toujours distincte. Ici il n’y a jamais eu absorption et cette terre représentait un fond important de revenus seigneuriaux. Le volume J/1.175 en retrace partiellement l’histoire du XIIIe siècle au XVe avec une succession d’hommages et de reconnaissances censitaires, en particulier en 1243, l’hommage-lige des frères Hélie et Pierre Arnaud de la paroisse de Rougnac à Ytier de Villebois avec « sept sols d’acapte (= d’aide) aux quatre cas… » En 1327 un échange entre Ytier de Villebois et Pierre Arnaud, seigneur du repaire et des paroissiens d’Édon, est consacré par un acte officiel dans J/1.154, avec l’apposition des sceaux du seigneur suzerain de La Rochebeaucourt. Au XVIIe siècle, la terre et seigneurie de Rougnac appartenait à Marie de Ranconnet, lui venant de sa mère Marthe Raymond. Elle entre dans la famille Galard de Béarn par le mariage du deuxième fils de René et de Marie, Louis, avec Marie de Ranconnet, en 1609, mais plus tard elle servira à doter leur cadet René, créant ainsi une nouvelle branche de Galard, seigneurs de Faragorce et du repaire de Rougnac pour plus d’un siècle (XVIIe et XVIIIe siècles). Alors que les autres seigneuries ont disparu, absorbées par La Rochebeaucourt, sans laisser aucune trace dans le paysage, celle de Rougnac, dotée d’une mouvance importante, après l’extinction de la branche secondaire des Galard de Béarn, a poursuivi son existence en d’autres mains et de nos jours le repaire de Rougnac, lui, continue de camper fièrement ses murailles et ses tours enserrant un château composite de l’Ancien Régime à la différence du château de La Rochebeaucourt, presque effacé du paysage.

    Source : Du château d’Angoumois à la faillite parisienne, de Jean Jézéquel.

  • « M. Gui de Ponlevain, curé d’Aussac en Angoumois, est mort en odeur de sainteté, le 11 Septembre dernier, dans sa 70e. année.

    Ce pieux ecclésiastique s’est toujours distingué par la simplicité de sa vie, par la régularité de ses moeurs par la pureté de la doctrine, & surtout par sa libéralité envers les infortunés.

    Il vivoit seul sans domestique, ne s’occupant que de la prière, & du soin de remplir dignement les fonctions de son état ; il se nourrissoit de pain bis, de racines, de plantes bulbeuses, de légumes, & il distribuoit tout le produit de son bénéfice aux pauvres de sa paroisse.

    Son exemple est suivi de plusieurs curés du même diocèse, particulièrement de MM. Debresme, archiprêtre de Garat, Sauvage, curé d’Amberat, & Fruchet, curé de Marsac : ces pasteurs respectables se sont accoutumés depuis longtems à vivre de peu, & à verser tous leurs revenus dans le sein de l’indigent.

    Ce dernier, surtout, est devenu, par l’estime qu’on a conçue de lui, le médiateur de tous les différends de son voisinage : il n’est point de réconciliation qu’il ne fasse, de procès qu’il n’éteigne, & de soins qu’il ne se donne pour le bien de la religion & de l’humanité. »

    Source : Le journal encyclopédique, de Pierre Rousseau, 1775, tome VIII, partie I.

  • Rameau des marquis de Mirande, cadets de la maison de Galard de Béarn

    I. Charles de Galard de Béarn, chevalier, seigneur de Mirande (Rougnac) et du Pouyaud (Dignac) du chef de femme.
    Il épousa le 20 septembre 1662, Jeanne de Lespinay, dame du Pouyaud.
    Il fit son testament le 20 mai 1664 et mourut quatre jours plus tard à Paris.
    Ils eurent pour enfant, un fils unique :

    II. Louis de Galard de Béarn, dit le marquis de Mirande.
    Il fut capitaine des gardes de l’électeur de Bavière.
    Il épousa en premières noces, Pélagie de La Cosse, puis en secondes noces, Marie-Marguerite de La Place.
    Il fut inhumé dans l’église de Dignac, le 13 avril 1729.
    Du premier lit, il eut pour enfants :
    1) Louis qui suit.
    2) Autre Louis, seigneur de Mirande, marié à Marie-Henriette de Saunières, il fut inhumé dans l’église de Rancogne, le 17 juillet 1736.
    3) Jean, dit le chevalier de Mirande, célibataire, il fut inhumé dans l’église de Gardes, le 1er janvier 1765.

    III. Louis de Galard de Béarn, seigneur du Pouyaud.
    Il fut inhumé dans l’église de Dignac, le 2 octobre 1747.
    Il avait épousé Anne-Thérèse de Vieillard, et en eut pour enfant :
    1) Jean, qui suit.
    2) Catherine, marié dans l’église de Magnac-Lavalette, le 24 janvier 1782, avec Jacques Rousseau de Magnac, seigneur de La Mercerie. Elle fut inhumée dans l’église de Magnac-Lavalette, le 10 octobre 1786.
    3) Marie-Marguerite, célibataire, inhumée dans l’église de Dignac, le 16 novembre 1771.
    4) Pélagie, célibataire, inhumée dans l’église de Dignac, le 20 octobre 1784.
    5) Jeanne, célibataire.
    6) Julie-Elisabeth, religieuse.

    IV. Jean de Galard de Béarn, seigneur de Mirande.
    Il fut inhumé dans la chapelle du château du Pouyaud, le 23 mai 1766.
    Il avait épousé dans l’église de Villebois, Marie-Thérèse Roche, le 23 janvier 1756.
    Il eut pour enfant, une fille unique :
    1) Catherine, mariée dans l’église de Saint-Front-d’Alemps, le 5 mai 1778, avec Pierre de Malet, seigneur de La Barde.

    Source : Notes généalogiques sur les marquis de Mirande, de Julien Roland.

  • Olivier Sardain, éc, sr de Saint-Michel,François Sardain, éc, sr de Beauregard, son frère.

    Pièces justificatives : Edit du roi du mois de mars 1696, portant Niort anoblissement de cinq cents personnes.

    Quittance de finance de la somme de six mille livres payée par Joseph Sardain, sr de Borde, pour acquérir des lettres de noblesse en exécution de l’édit ci-dessus, en date du 23 novembre 1696, signé Brunet, enregistrée au contrôle général des finances le 7 avril 1697, signé Phelypeaux.

    Lettres patentes de Sa Majesté portant anoblissement de la personne de Joseph Sardain, sr de Borde, données au mois de décembre 1696, signé Louis, et sur le repli, par le roi, Colbert, enregistrées en la Chambre des comptes, Cour des aides et Bureau des finances de la Généralité de Limoges, suivant les actes insérés sur le repli.

    Autres lettres patentes expédiées en faveur du même Joseph Sardain, sr de Borde, contenant même anoblissement, à défaut par lui d’avoir fait enregistrer les premières au Parlement, données au mois d’avril 1698, signé Louis, et sur le repli, Par le roi, Colbert, registrées en Parlement le 13 août 1698, suivant l’acte inséré sur le repli, et scellées en lacs de soie du grand sceau de cire verte.

    Quittance de finance de la somme de trois mille livres payée par Joseph Sardain, sr de Borde, pour jouir de cent cinquante livres de rente et de la confirmation de sa noblesse, en date du 16 mars 1705, signé de Turmenye, enregistrée au contrôle général des finances le 11 avril 1705, signé Chamillard, et la quittance des deux sols pour livre.

    Ordonnance des srs présidents trésoriers de France de la Généralité de Limoges, contenant l’enregistrement de ladite quittance de finance, en date du 31 mai 1706, signé desdits sieurs et de Dachet, greffier commis.

    Quittance de finance de la somme de douze cents livres, payée par Joseph Sardain, sr de Borde, pour jouir de soixante livres de rente et de la confirmation de sa noblesse, en date du 1er juin 1712, signé Lebas de Montargis, enregistrée au contrôle général des finances le 25 juin 1712, signé Perottin, et la quittance des deux sols pour livre.

    Contrat de mariage d’Olivier Sardain, sr de Saint-Michel, avec dlle Anne de la Court, par lequel il paraît qu’il est fils de Joseph Sardain, sr de Borde, et de dlle Renée de la Chalonie, en date du 10 septembre 1681, signé Saulnyer, nre.

    Contrat de mariage de François Sardain, sr de Beauregard, avec dlle Madeleine de la Court, par lequel il parait qu’il est fils de Joseph Sardain, sr de Borde, et de dlle Renée de la Chalonie, en date du 14 novembre 1685, signé Saulnyer, nre.

    Ordonnance : Maintenus comme nobles et écuyers, le 14 mars 1715, signé de Richebourg.

    (Archives Historiques du Poitou, 1893)

  • Crédule par ignorance et sceptique par tempérament, le paysan de. chez-nous est un catholique tolérant et volontiers railleur à l’endroit des choses de la religion. Sa croyance, faite de penchants ataviques profondément enracinés, detraditions et d’habitudes séculaires, est toute instinctive et irraisonnée.

    Il pense que le monde, « qui ne marche pas tout seul », est gouverné par deux puissances également redoutables, par les deux éternels principes du bien et du mal : le bon Dieu et le diable.

    Il ne s’embarrasse point des mystères obscurs de la Sainte-Trinité ou de l’Immaculée conception ; ses prières montent peu vers le Fils, et il ignore le Saint-Esprit. Son Dieu, c’est Dieu le père, le Dieu Unique des Hébreux, sorte de Jéhovah puissant, capricieux et vindicatif qui dispose de la gelée, de la grêle et de la sécheresse, qui dispense la chaleur féconde ou la pluie bienfaisante, qui est maître de la vie comme dé la mort.

    Le diable est une puissance plus familière, qui daigne se montrer aux pauvres humains. On peut l’évoquer, la nuit, à la croisée des chemins, au pied de ces croix de bois plantées un peu partout, dans nos campagnes. Il vient, sous la forme d’une poule noire, à l’appel des rites mystérieux connus de certains initiés, et donne de l’or à ceux qui lui font le sacrifice de leur âme. De quelqu’un qui s’est enrichi rapidement et d’une façon quelque peu mystérieuse, on dit qu’il « a la poule noire », et je connais tel paysau, dans un village de ma commune, qui jouit de cette singulière réputation.

    C’est au diable qu’on voue, dans les circonstances difficiles, les choses qui se rebellent: une terre trop dure ou trop grasse, un pré difficile à faucher, un outil qui se refuseau travail. Car le paysan de par ici attribue volontiers aux choses inanimées’ une personnalité, une volonté hostile ou bienveillante, et presque une âme. Il leur parle, il les invective, il les encourage, il les supplie. « L’enfant et le sauvage, écrit M. Salomon Reinach, sont animistes, c’est-à-dire qu’ils projettent au dehors la volonté qui s’exerce en eux, qu’ils peuplent le monde, en particulier les êtres et les objets qui les entourent, d’une Vie et de sentiments semblables aux leurs ». Les paysans de nos villages sont, eux aussi, animistes. Pour eux, la nature est peu santé et agissante et ils s’emportent contre elle lorsqu’elle ne se plie pas à leur volonté.

    J’ai interrogé plusieurs paysans sur l’au-delà : tous s’en font une idée précise et concrète. Pour eux, l’existence des trépassés ne comporte point de mystère ; les uns yont en paradis, les autres en purgatoire, les autres en enfer.

    L’enfer et le purgatoire sont des lieux vagues et pleins de feu, situés on ne sait où, peut-être « sous la terre ». Nul ne connaît au juste où il sout, ni le chemin que suivent les âmes pour s’y rendre. Quant au paradis, il est là, c’est bien certain, là tout près, au-dessus de nos têtes, supporté par cette voûte bleue qui ne semble pas très haute : et ce voisinage de Dieu est à la fois une source de craintes et un réconfort.

    Un peintre naïf a représenté sur le plafond en bois de l’église d’Eymouthiers, le triomphe de Saint Pierre, patron vénéré du lieu Le saint, porté- par des anges folâtres, monte vers Dieu le pète, respectable et robuste vieillard qui l’accueille d’un bienveillaut sourire, tandis que la Vierge, glorieuse et immaculée dans sa robe candide, s’apprête à lui poser sur la tête la couronne des élus. Dieu le fils, montrant ses mains percées, tend vers son père son visage douloureux et bon ; au centre, le Saint-Esprit, colombe aux ailes étendues, illumine de ses rayons cette scène d’un caractère intime et quasi familial. Telle est ou à peu près l’idée que se font les gens de chez-nous du séjour des bienheureux.

    Seules les femmes connaissent quelques mots de prières qu’elles balbutient, en patois, à l’office du dimanche, au chevet des mourants, sur la tombe de leurs défunts, ou le soir, agenouillées devant l’image de la Vierge qu’on trouve, daus les plus pauvres maisons, suspendue au-dessus de la cheminée. Les hommes ne savent pas prier ; ils assistent aux offices et aux processions, avec un livre de messe qu’ils ne peuvent lire ou un chapelet qui pend, immobile, de leurs deux mains croisées ; le soir, avant de se coucher, ils trempent un, doigt dans un bénitier en grès posé sur la pierre de l’évier et ils esquissent gauchement un signe de croix qui n’est suivi d’aucune prière.

    Fatalistes, d’ailleurs, comme le sont la plupart des paysans, les gens de chez-nous ne croient guère à l’efficacité de la prière. Ils pensent, comme les orientaux, que. les événements de leur vie, sont écrits à l’avance sur le livre du Destin, que « ce qui arrive devait arriver » et que l’homme ne peut rien pour changer sa destinée. Les malheurs étant irrévocablement prévus, on les attend avec résignation, on les accueille sans surprise, on les supporte sans révolte. Ces malheurs nous sont annoncés d’ailleurs par des présages, comme si la nature bienveillante et avertie, tenait à nous épargner la.douleur trop violente des brusques calamités : le hurlement d’un chien, le chant d’un pinson, le houloulement d’une chouette, le passage d’une belette en travers du chemin.

    Mais si la prière est impuissante à changer le cours des évènemenis, il semble que certaines pratiques, mi-religieuses, mi-superstitieuses, aient plus d’efficacité. Car la superstition constamment se mêle à la religion : elle la pénètre, elle la déforme, elle s’y combine au point que les prêtres eux-mêmes ne l’en distinguent plus.

    Dans les circonstances critiques, quand les bêtes ou les gens sont malades, quand les vaches vont mettre bas, quand on doit partir pour quelque long voyage, on fait lire au prêtre un évangile ou on brûle devant l’autel de la Vierge un petit cierge de deux sous.

    Dans la commune d’Eymouthiers, le 16 août, jour de la Saint-Roch, chaque maison fait lire un évangile pour conjurer la peste bovine et les autres maladies du bétail. Le prêtre, en surplis blanc, accompagné du chantre el d’un enfant de choeur portant le bénitier et l’aspersoir, va de ferme en ferme, pénètre dans les étables et bénit les animaux.

    Le jour de la Saint-Jean, (24 juin) on suspend aux portes des étables et aux volets .des maisons, des petits bouquets de roses et des branches de groseillers chargées de leurs fruits mûrs, et cette pratique d’une grâce toute païenne est tellement ancienne qu’on n’en connaît plus la raison. Le même jour, chaque paysan se lève de bonne heure et, au lever du soleil, coupe dans une haie, un pied d’aubépine qu’il plante sur son fumier, après l’avoir enguirlandé d’une tresse de paille : plus les fruits en sont nombreux, plus la récolte de froment sera abondante, autant de sacs que’de fruits. Cette récolte ne serait point bonne, d’ailleurs, si, à l’automne, après avoir chaulé son blé de semence, le laboureur ne traçait, avec un pinceau, sur la porte de sa grange, une croix blanche au lait de chaux.

    Les processions des rogations sont régulièrement suivies. Pendant trois jours, par les chemins tortueux et montants, entre les blés qui ondulent et verdoient, on voit se dérouler une colonne silencieuse d’hommes endimanchés et de femmes en cape, précédés du prêtre et de son chantre qui alternent, sur un ton grave et solennel, les versets et les répons.

    Le sort des récoltes, perpétuellement menacées de gelée, de grêle ou de sécheresse, fait la préoccupation constante de ces pauvres gens qu’une mauvaise année réduit aux privations et presque à la misère. Le jour de la Pentecôte, après la messe, les gens, porteurs d’une fiole pleine d’eau bénite, se répandent par les champs et aspergent de cette eau les froments en fleurs. Aux jours d’orage, ils ferment les volets de leur maison, allument un cierge bénit conservé au fond de l’unique armoire, et brûlent dans la cheminée un fragment de buis bénit qu’ils ont gardé depuis la fêté des Rameaux dernière. A Eymouthiers, sitôt que s’élève l’orage à l’horizon, un sonneur désigné à l’avance, ou un homme de bonne volonté, se rend à l’église et sonne la cloche à toute volée. On sonne en même temps la petite cloche d’uue chapelle élevée dans un village voisin, à Chez-Manot, et qui jouit, disent les paysans, d’uue vertu particulière pour la dispersion des orages, à la condition qu’où ne la sonne pas trop tard. Tant que dure l’orage, sous le ciel noir et menaçant, les voix des deux cloches tutélaires, l’une grave et forte, l’autre argentine et grêle, se mêlent, se répondent et montent comme deux prières vers les nuées qui fuient. Le sonneur, qui doit encore sonner l’angelus du soir, reçoit 12 francs par an pour sa peine; puis, à l’automne, quand les blés sont battus et les châtaignes en grange, il va par les villages avec un long sac de toile, et chacun lui donne, qui, une mesure de châtaignes, qui, quelques poinées de blé.

    Pour les maladies graves, on fait appeler le médecin, mais génélement trop tard pour que son intervention soit utile. Si le mal se prolonge, on va trouver le « guérisseur ». C’est un homme mystérieux et serviable, vivant à l’écart dans quelque petite maison lointaine où l’on se rend comme en pèlerinage et d’où l’on rapporte, à défaut de la guérison, l’espoir qui aide à mourir. Quand le malade ne peut se déplacer, on lui arrache quelques cheveux qu’on présente au guérisseur : ce dernier eu examine avec soin la racin’e, diagnostique la maladie et prescrit le remède.

    Certaines indispositions bénignes, ou jugées telles, sont traitées par les « dévotions ». Pour les rhumatismes, on fait porter au malade une Chemise trempée dans les eaux de la fontaine Sainte-Marguerite, à Varaignes, On raconte qu’un paysan sacrilège combla, un jour, cette fontaine ; il fut aussitôt frappé de paralysie et ne recouvra l’usage de ses membres que par la vertu des eaux qu’il avait profanées. Depuis ce miracle, choque année, vers la mi-septembre; des centaines de gens, atteints de douleurs, trempent des chemises dans cette vénérable fontaine et beaucoup s’en déclarent soulagés.

    Pour les convulsions des.enfants, on s’adresse à Saint Antoine, dont la statue de plâtre se tient debout, sur un petit autel, dans l’église de Saint-Sornin. De pauvres gens y viennent de fort loin demander la guérisoh de ce mal redoutable. On les voit arriver, à toute heure du jour, par le soleil ou par la pluie, pèlerins douloureux et crédules, vêtus de leur blouse du dimanche et chaussés de souliers poudreux. Ils suspendent au bras du saint un petit ruban de couleur voyante, disent,une prière et repartent pour leur lointain village, avec l’un des rubans laissés par ceux qni les ont précédés.

    Pour certaines maladies dont le saint guérisseur est inconnu, on fait « foncer les charbons » pour découvrir le nom du saint auquel la guérison incombe. On fait brûler dans le foyer quelques sarments de vigne, dont on recueille les braises qu’on laisse tomber une à une dans un verre d’eau, en prononçant, pour chacune, la parole sacramentelle : « Au nom de Saint Pierre, au nom de Saint Paul, au nom de Saint Un Tel ». Quand l’un des charbons s’enfonce, le patient est atteint du mal que le saint dont on a prononcé le nom peut guérir et la guérison s’obtiendra au prix d’uue « dévotion ».

    Pour guérir la « poitrine abattue », indisposition assez mal définie qui se manifeste par des nausées et des bâillements continuels, on s’adresse, dans les villages, à certaines personnes,qui jouissent du don bienfaisant de « panser », c’est-à-dire de guérir au moyen d’une formule consacrée. Cette formule qui se transmet par la tradition orale, tels les secrets des anciens druides, n’est jamais dévoilée auxincrédules reconnus, et elle confère à ceux qui l’ont apprise, à condition qu’ils « aient la croyance » et aient été initiés par une personne plus âgée qu’eux-mêmes, la précieuse faculté de guérir. La voici, dans toute sa simplicité :

    « Jésus, Marie, Joseph, saints et saintes et tous les anges de Dieu, guérissez Un Tel ; il guérira bien, s’il vous plaît ».

    On « panse » également, les « taches » dans les yeux, les panaris, les ulcères, l’eczéma et les maladies de la rate ; mais pour ces dernières, seule la plus jeune de sept soeurs on de trois soeurs qui se suivent, jouit de la « vocation ».

    Mais si certaines personnes jouissent, de la sorte, d’une puissance bienfaisante, d’autres, au contraire, sont accusées -de posséder un pouvoir maléfique qui les rend impopulaires et redoutées. On dit qu’elles ont le « mauvais oeil », c’est-à-dire la faculté de nuire « d’ensorceler » par l’effet, même involontaire, de leur regard. On les évite, aux jours de foire, quand on va vendre, ou acheter des animaux ; on redoute leur présence au moment de Conclure un marché ou d’atteler des boeufs de travail pour la première fois.; si un cortège de noce les rencontre sur la route, le mariage ne sera point heureux, et les moindres comme les plus graves événements de l’existence peuvent être fâcheusement influencés par eux.

    Le culte des morts est profond et vivace au pays de chez-nous. Sur cette terre mélancolique et grave, l’homme, sans craindre la mort, y pense constamment et, comme le sage, n’est point surpris par elle. Quand le moment est venu de partir, il s’en va sans regret, ne laissant derrière lui, que des labeurs pénibles et des journées sans joie. Porté par des voisins qu’il estime et a désignés lui-même, il monte doucement, par les chemins familiers, entre les champs où il a tant peiné, vers le petit cimetière où il a choisi sa place à côté de son père et où ses enfants le rejoindront un jour.

    Chez-nous, les vivants n’oublient pas les morts. Il faut qu’on soit bien pauvre pour n’avoir point au cimetière quelques pierres funéraires sur lesquelles un ouvrier malhabile a gravé le nom des défunts, avec la date de leur naissance et celle de leur mort. Un pied de buis ou de laurier les ombrage. Aux jours de fête, on s’y agenouille et on y dépose des fleurs. « Un rameau béni à la main, on circule au milieu des ronces et des branches déjà couvertes de bourgeons et qui encombrent le passage. A mesure qu’ils arrivent à la hauteur de leurs tombes, les paysans abandonnent le cortège pour aller prier sur leurs morts. Çà et là des coiffes se penchent sur les petits jardins funèbres. L’encens, la cire et le buis se mêlent au parfum de l’air qui a passé sur les prés. De tout côté on découvre la campagne, si vide, si paisible le dimanche, et que les voix et les cantiques font paraître plus vide et plus silencieuse encore ».

    Ainsi, les vivants sont en communion intime avec les morts ; ils vivent tout près d’eux ; un tout petit mur les sépare et les morts le franchissent parfois pour revenir encore parmi ceux qu’ils ont aimés; on les rencoutre, le soir, au détour des chemins, vêtus de leurs habits familiers et portant un outil sur l’épaule ; on ne s’étonne point de les revoir, et, le lendemain, on leur fait dire simplement une messe, craignant que leur âme soit tourmentée. Bercés au murmure des pins qui ombragent le cimetière, il semble qu’ils ne soient qu’endormis. Leur séjour n’a rien de funèbre. Environnés de champs, de prairies, de verdure, on ne peut croire qu’ils ne soient sensibles encore à l’écoulement des jours, au retour du printemps, aux splendeurs de l’été, aux souffrances et aux joies de ceux qui vivent, et là semble se réaliser pleinement le désir-suprême contenu dans la prière des morts : « Que la terre te soit légère ».

    Superstitions, vieilles croyances touchantes et naïves, craintes puériles léguées par de lointains ancêtres, pratiques pieuses, gracieuses et poétiques comme une cérémonie païenne, on croit que vous êtes les filles de la faiblesse, de l’ignorance et de l’erreur. En réalité vous êtes la production naturelle d’une terre triste, mystérieuse et sauvage où l’homme se sent entouré de forces inconnues et de volontés hostiles. Vous êtes nées sous la sombre épaisseur des bois, à l’ombre des grands chênes, sur les étangs silencieux, au fond des Combes solitaires et hantée, peuplées d’échos invisibles. Le paysan superstitieux est celui qui entretient avec la nature les relations les plus dramatiques. Il la sent autour de lui, agissante et pleine d’esprits malveillants ou favorables. Il devine en elle une âme multiforme et confuse qui se manifeste à lui dans la puissance du vent, dans le murmure des eaux, dans l’éclat du tonnerre, dans le silence des nuits, dans le scintillement des étoiles. C’est un païen qui peuple le monde de forces multiples, capricieuses et conscientes. C’est un poète, dont l’imagination sensible et toujours en éveil anime les choses inertes et découvre l’invisible là où nous ne voyons rien.

    Source : Croyances, superstitions et légendes, entre Tardoire et Bandiat, de Noël Sabord.

  • Devant maître Guillaume Jeheu, le 1er mai 1685, acte fait à la porte de l’église de Dignac, en présence des habitants et à la requête de Pierre Faure, laboureur, natif dudit lieu de Dignac, à l’effet de faire attester par les assistants que c’est faussement qu’on a accusé les seigneur et dame du Breuil de Dignac, le seigneur de Mirande et le nommé Saint-Aignan, d’avoir enlevé ledit Faure le jour de ses noces, en sortant de l’église, de l’avoir battu et mis dans un état déplorable dont mort se serait ensuivie ; affirmant ledit Faure qu’il n’est point « ressussité », les seigneur et dame du Breuil, le seigneur de Mirande et le nommé Saint-Aignan ne lui ayant fait aucun mal, « mais qu’il est vray que le défunt seigneur de La Rochebeaucourt, qui avoit une commission, il y a environ quatorze mois, pour faire une compaignie de gens de pied, s’estant assisté de quelques soldats, l’auroit fait prendre et mener au lieu du Pouyaud, et de là au chasteau de La Rochebeaucourt ; et que comme il n’estoit point engagé au service du Roy, et qu’il auroit esté pris par force, le mesme jour de ses nopces, il se seroit évadé et n’auroit voulu paroistre dans le pays, de crainte qu’on ne luy mesfit, et a prié lesdits habitans de déclarer s’ils ne le reconnoissent pas. A quoy lesdits habitans ont fait response qu’ils connoissent ledit Pierre Faure pour estre l’un des habitans de ladite paroisse…. Et à l’instant, messire Jean de la Marche, prestre, curé de ladite paroisse, estant sorty, ledit Pierre Faure l’auroit abordé dans le cimetière, et l’ayant sallué, ledit sieur de la Marche luy a dit, en la présence du notaire soubsigné et des tesmoings, que c’estoit une sottise aux gens qui disoient qu’il estoit ressuscité, parce qu’il ne l’avoit jamais creu mort, recevant tous les jours de ses nouvelles ».

    Source : Archives départementales de la Charente (3 E 1018).