Généalogie Charente-Périgord (GCP)

Sélection d'articles sur le thème de l'Histoire et du Patrimoine.

  • La Rochefoucauld, Montbron… Deux cités baignées par une même rivière, distantes de quelques lieues ; deux formes de sensibilité religieuse. Ces deux places furent le théâtre d’affrontements au cours des années qui suivirent la Saint-Barthélemy. Montbron en tenait pour le parti royal dominé par les Guise. Le comte François III de La Rochefoucauld avait mis son épée au service du roi de Navarre. Les deux garnisons échangeaient des coups. L’enjeu, il est vrai, était hautement politique et chaque ville épousa le parti de ses maîtres comme les supporters d’une équipe de foot suivent leurs héros. Il n’en faut pas davantage pour se déchirer.

    La Rochefoucauld, de sensibilité gallicane, avait pris ses distances avec Rome lors de la promulgation de la bulle Unigenitus. Montbron s’en tenait à l’usage. Les assemblées électorales réunies à la fin du mois d’août 1792 pour porter des députés à la Convention s’exprimèrent clairement au sujet de la religion. Le curé, Raoul, arriva en tête avant Lautrète et Devars. Les vœux des électeurs étaient sans ambiguïté :

    « Art. trois : Il ne sera rien changé en ce que contient la Constitution, relativement à la religion catholique et à son culte.  »

    Les électeurs du canton exprimèrent le même vœu : « Que la religion de nos pères, le culte catholique soit maintenu et favorisé par la Nation et qu’aucune atteinte ne puisse être portée contre ses dogmes.  »

    Intentions mises à mal au cours des mois qui suivent mais l’opinion se tait. Elle laisse éclater sa joie lorsque le décret de ventôse rend aux cultes leur liberté ; une joie claironnante, offensante pour des oreilles républicaines, une joie contagieuse qui envahit Rouzède, Mazerolles, Massignac… A l’ouest de Saint-Sornin, la plaine reste tranquille alors que le pays limousin s’embrase. Le district est-il menacé d’un soulèvement de type vendéen ? Les autorités sont sur le qui-vive. Lapeyre-Bellair, agent national, vient d’apprendre que le corps municipal de Montbron a pris un arrêté révélant « … « le despotisme avilissant du fanatisme » ; que cet arrêté où on aperçoit tout à la fois de la part de la municipalité sa connivence avec ceux qui veulent des messes, et la peur qu’elle a d’encourir la sévérité de la loi, parce que son exécution paraît contraire à la loi du 3 ventôse sur la liberté des cultes, parce que vraisemblablement l’église qu’on veut louer servirait à rétablir le culte catholique, qu ‘il est prévenu d’ailleurs que la messe y a été célébrée, il requiert que vous ayez à nommer un commissaire pris parmi vous pour se transporter sur les lieux et prendre les renseignements sur les motifs qui ont donné lieu au dit arrêté et sur l’infraction à la loi qu’il prévoit en être résulté. »

    Source : La Rochefoucauld au péril des jacobins, d’Yvon Pierron.

  • Mots-clés : Jean Durand (1735-1822), religion, Vouzan (Charente), Grassac (paroisse), Sigogne (paroisse), révolution française.

    Jean Durand, né le 15 février 1735 au village des Pendants à Vouzan (Charente) et décédé le 29 septembre 1822 à Charras, est un prélat français.

    Biographie

    Né dans une famille aisée, il est le fils aîné de Jacques Durand, notaire à Vouzan, fermier de la seigneurie de la forêt d’Horte, et Elisabeth Devoisin, sa première femme.

    Il est étudiant en philosophie en 1752.

    En 1760, il est ordonné prêtre par Monseigneur l’evêque de Broglie (1).

    Pendant l’été 1762, le jeune Durand est prêtre loco rectoris dans l’église de Vouzan (2).

    Le 7 septembre 1762, il est installé curé et archiprêtre de Grassac, diocèse d’Angoulême (3), succédant à Messire l’abbé Touchet.

    Avec d’autres curés des environs, il est témoin le 13 juillet 1763 de l’enterrement de la veuve de Nicolas-Noël Arnaud, seigneur de Vouzan (4).

    Il a suppléé les cérémonies de baptême dans l’église de Grassac des enfants du comte de Montbron, propriétaire du château d’Horte, dont ses deux fils : Étienne-Pierre, le 7 août 1763 (5), et Joseph, le 24 juillet 1768 (6).

    Parmi les familles nobles propriétaires aussi à Grassac : les Vassoigne (logis de La Bréchinie), les La Croix (logis de Peyriaud), les Couhé (logis de Beaulieu), les Rocquard (logis du Châlard) (7).

    Le 13 janvier 1766, sa sœur Marie Durand est morte subitement au presbytère, âgée de 20 ans (8).

    Son oncle Jean-Charles Devoisin, curé de Vouzan, est inhumé le 6 avril 1771 (9).

    L’année suivante, il est témoin de l’enterrement du seigneur de Sers, François Desbordes de Jansac (10).

    En 1777, il délivre un extrait baptistaire au fils du comte de Montbron, pour sa réception au parlement de Paris (11).

    L’abbé Durand prend possession de la cure de Sigogne, diocèse de Saintes, le 15 novembre 1784.

    Il a rédigé un pouillé sur le diocèse d’Angoulême, en 1775, et en rédige un autre, sur celui de Saintes, en 1786 (12).

    Il a laissé des notes et des vers remarqués dans les registres paroissiaux (13).

    Au commencement de la Révolution, il prête le serment civique du clergé (14).

    Sous le Directoire, il est aumônier des prisons de la ville d’Angoulême (15).

    Il meurt à l’âge avancé de 87 ans dans la maison du sieur Étienne Delâge (16), le 29 septembre 1822, à Charras.

    Ce texte fait partie d’une série de quatre portraits de charentais entre deux siècles réalisés par Julien Roland.

    Notes :

    1. Joseph-Amédée de Broglie (1710-1784), évêque d’Angoulême de 1753 à 1784.

    2. L’archiprêtré de Grassac comprend les paroisses de Marthon, Grassac, Vouzan, Chazelles, Feuillade, Pranzac, Souffrignac, Mainzac et Charras.

    3. 4. 9. AD16 – Archives de l’État-civil, commune de Vouzan.

    5. Étienne-Pierre Chérade de Montbron (1762-1841), maréchal de camp sous la Restauration. Sa cérémonie de baptême est suppléée.

    6. Joseph Chérade de Montbron (1768-1854), député légitimiste de la Haute-Vienne. Il est ondoyé dans la chapelle de Marthon.

    7. D’après le rôle des vingtièmes de l’élection d’Angoulême en 1780.

    8. AD16 – Archives de l’État-civil, commune de Grassac.

    10. AD16 – Archives de l’État-civil, commune de Sers.

    11. Catalogue des pièces les plus importantes contenues dans les registres du Parlement de Paris concernant l’Angoumois, la Saintonge et le Poitou, 1865.

    12. Ses pouillés sont signalés par l’abbé Nanglard à la Société archéologique de la Charente.

    13. L’abbé Mondon y fait référence dans ses notes historiques sur la baronnie de Marthon en Angoumois.

    14. Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, 1893.

    15. Revue de Saintonge & d’Aunis, 1904.

    16. Natif de Grassac, ancien officier d’infanterie et chevalier de la Légion d’honneur.

    Illustration 1 : l’église Saint-Jean-Baptiste de Grassac.

    Illustration 2 : la signature de l’archiprêtre de Grassac.

  • Le 4 octobre 1682, dans l’église de Sers, Bertrand Cheminade, mouleur de canons pour le roy, venu de Mauzens en Périgord, a épousé Marguerite Joyeux, orginaire de Sers. Ils demeurent ensemble au village de Roches, près de Planche-Meunier.

    Le maître-mouleur dans une forge à canons est un ouvrier avec plusieurs années d’expérience et qui réalise des moules en sable. Ce type de moulage permet d’offrir une forme plus régulière aux pièces de fer.

    La forge de Planche-Meunier, située sur la rivière l’Échelle, est l’une des deux manufactures d’armes d’Angoumois avec la forge de Rancogne, produisant des canons et des armes à feu pour la Marine royale.

    Son directeur est René Landouillette, sieur de Logivière, célèbre maître-fondeur et maître-artilleur au service de l’État, grand fournisseur de la Marine pour sa flotte du Ponant. Il est anobli par Louis XIV.

    Landouillette cherche en vain à créer à la forge de Planche-Meunier, une manufacture d’État comme celle de Tulle. Malgré sa bonne volonté, son projet échoue.

    Toutefois, la Guerre de la Ligue d’Augsbourg dure presque 10 ans, de 1688 à 1697. Les commandes de l’État pour armer les navires français destinés aux opérations navales dans la Manche, l’Atlantique et les colonies explosent.

    Les bois nécessaires au fonctionnement de la forge de Planche-Meunier sont pris dans les forêts de Marthon (500 hectares) et d’Horte (1000 hectares). Jubert de Bouville, l’intendant de la généralité de Limoges, ressort dont dépend l’établissement de Sers, y envoie ses meilleurs bûcherons et charbonniers.

    Pour augmenter la production, on fait venir des ouvriers comme Bertrand Cheminade. Bientôt des fondeurs, mouleurs, foreurs complètent les équipes déjà en place. Les plus expérimentés supervisent les apprentis et sont eux-mêmes supervisés par des commis comme Jean Guillot qui ne répond qu’au directeur de la forge.

    Selon l’état des forges de 1692, la fonderie de Planche-Meunier est équipée de 4 fourneaux, 2 foreries, avec une capacité de production de 50 canons de fer de 24 livres et 100 de 36 livres.

    Source :

    • Marc-René de Montalembert, Mémoire historique sur la fonte des canons de fer.
    • Jean Peter, Les manufactures de la marine sous Louis XIV.
    • Michel Boiron, L’action des intendants de la généralité de Limoges de 1683 à 1715.
    • Association Généalogique de la Charente, Angoulême.

  • La mort du capitaine Faïoles.

    Le paisné.

    Quoi! dureront tousiours tant de maux inhumains,
    Qui troublent à l’enui le repos des humains?
    Quoi! viendra-il tousiours quelque occasion fresche,
    Qui l’aise des humains et leur bonheur empesche?
    Est-il doncq’ resolu par le destin du Ciel
    Que le miel des humains sera voisin du fiel?
    Est-il doncq’ resolu que l’homme, tant qu’il vive,
    N’aura iamais un bien qu’apres yn mal ne suive?
    Ah! pauure genre humain! que ton bien à l’enui
    Est de mille malheurs soudainement suivi!
    Ah! pauvre genre humain! que ta rose est voisine
    Des esperons agus de la noueuse espine!
    Un gain n’a si tost faict tes soupirs retirer,
    Qu’une perte te faict encore soupirer;
    Un plaisir n’a plus tost r’asserené ta face,
    Qu’un destin enuieux quelque malheur te brasse;
    Tu n’as pas si tost veu la seule ombre de l’heur,
    Que tu te sens plonger au profond du malheur;
    Tu n’as si tost pensé à n’estre plus malade,
    Qu’un mal encor plus grand ia de travers t’oeillade.
    Et (ô Dieu quel malheur!) tousiours le mal te vient
    Quand, au milieu des biens, du mal ne te souvient.
    Quand plus tu penses estre esloigné de destresse,
    C’est lors qu’au desproueu quelque encombrier t’opresse;
    Quand plus tu penses estre asseuré de ton bien,
    C’est lors que tu te vois asseuré de ton rien;
    Quand plus tu penses estre asseuré de ta vie,
    C’est alors que la Parque a sur tes iours enuie.
    Helas! tu l’as bien sceu, tu as bien sceu les loix
    De ce monde inconstant, ô l’honneur d’Angoumois,
    Faïoles, cher cousin: tu as bien sceu qu’au monde
    N’y a non plus d’arrest qu’au branlement d’une onde,
    Et que lors que du monde on a l’espoir conceu,
    C’est alors que du monde on se trouue deceu,
    C’est alors que le sort, contretournant sa roue,
    Des mal-heureux humains à son plaisir se ioue,
    Empeschant leurs desseins, culbutant leurs effors,
    Haut-eslevant le foible, abatant les plus fors,
    Couppant le fil des ans à la verde ieunesse,
    Et prolongeant les jours à la courbe vieillesse.
    Vrayment tu cogneus bien l’inconstance du sort,
    Faïoles, cher cousin, quand, atteint de la mort
    En l’avril de ton aage, (ayant pourtant laissée
    Desia par tes haus faicts claire la renommée
    De toy et de ton nom) tu laissas le soleil,
    Pour aller sommeiller d’un oblieux sommeil,
    D’un oblieux sommeil, dont quiconques sommeille,
    Sommeille si profond qu’onques il n’en reveille,
    Que le haut-bruyant son de la trompe des Cieux,
    Rompant ce long sommeil, ne dessille ses yeux,
    Le bien-heurant du tout, et luy baillant à l’heure
    Pour une vie estainte une vie meilleure.
    Las, helas! ce fut lors que Charles, enragé
    Du bonheur des François, tenoit Mets assiegé;
    Lors que maint Espagnol cogneut à son dommage
    Quels estoient tes effors; lors que d’un haut courage,
    lamais recreu de peur, iour, nuit, soir et matin,
    Hardi tu terrassas maint Bourguignon mutin;
    Lors que choisi sur tous par ce grand Duc de Guise
    Tu mis heureusement à fin mainte entreprise;
    Lors que les Alemans cogneurent à leur dam
    L’Enseigne valeureux du seigneur de Randam.
    Las, helas! ce fut lors, cher cousin, que la vie
    En la fleur de tes ans d’un plomb te fut ravie,
    Ostant à l’ennemy la grand crainte de toy,
    Et laissant aux François un eternel esmoy:
    Un eternel esmoy, un ennuy, une plainte,
    Voyant le coeur hardi, qui oncq ne logea crainte,
    Par un boulet meurtrier empesché de courir
    Au comble de l’honneur, premier que de mourir.
    Vrayment tu fus par trop ennemy de la vie,
    Quiconques le premier trouuas l’Artillerie.
    Vrayment d’un faict cruel tu te bailles renom,
    Quiconques le premier inuentas le canon.
    Et quoi? si tu voulois qu’il fut de toy memoire,
    Faloit il achepter par nostre mort ta gloire?
    Et quoi? ne pouvois-tu autrement empescher
    Que ton renom mourut, sans qu’il coustat si cher?
    O maudite façon! maudit art! maudit maistre!
    O mal-heureux canon! ô mal-heureux salpestre!
    O mal-heureuse poudre! ô boulets mal-heureux!
    O bourreaux inhumains des hommes valeureux!
    Par vous l’homme vaillant tombe aussi tost par terre
    Que faict le plus poltron qui onques fut en guerre;
    Par vous maint homme fort est du foible abatu;
    Par vous on ne sçait pas des François la vertu;
    Par vous on ne sçait pas des François la vaillance.
    Encores y a-il des Rolans en la France,
    Il y a des Renauts, et des Ogers aussi,
    Que l’effroyable peur ne mit oncq’ en soucy.
    Mais ce maudit canon les meurdrit ainsi comme
    Il feroit un gouiat, ou quelque coüart homme,
    Et moins s’en peut garder l’homme brave et hardi
    Que le craintif, qui a le coeur abastardi.
    En pourroit-on avoir une preuve meilleure
    Qu’en voyant ton corps mort, qui dedans Mets demeure,
    Et mil moindres que toy, moindres aussi tenus,
    Sans aucun encombrier en sont sains reuenus.
    N’estime plus, Caesar, vaine ton entreprise:
    Bien que par tes effors la ville ne soit prise,
    N’estime pourtant pas, non, n’estime iamais
    Que tu n’as rien conguis en ce siege de Mets.
    Si contre tes effors le Roy garda Lorraine,
    Il y perdit beaucoup, perdant tel capitaine,
    Et tu gaignas beaucoup, gaignant la vie à maints,
    Qui, sans ce plomb meurtrier, fussent morts de ses mains.
    Encore n’as-tu pas du tout raui sa vie,
    Encore vit de luy la meilleure partie.
    Ton mal-heureux boulet a, sans plus, abatu
    Ce qui pouvoit mourir: mais non pas sa vertu,
    Ny ses faicts valeureux, qui viuront en la France
    Tant que l’on baillera coup d’epée et de lance.
    Ses faicts viuront tousiours, et, malgré ton canon,
    Ils auront par mes vers un eternel renom.
    Celuy ne meurt iamais, qui, vaillant, à la guerre,
    Pour soutenir son Roy est renuersé par terre:
    Mais des hommes coüars, de crainte demy-morts,
    Un mesme coup abat et les noms et les corps.
    Et puis, mon cher cousin, tu esperois quelque heure
    Viure au ranc des heureux d’une vie meilleure;
    Tu esperois par foy quelques fois avoir lieu
    Au ranc des bien-heureux, au sainct regne de Dieu;
    Tu sçavais bien, Cousin, que la mort est la porte
    Par laquelle conuient que de ce monde on sorte,
    Pour voler droit au Ciel, sur l’aele de la foy,
    Où maintenant tu vis exant de tout esmoy:
    Et nous sommes icy, attendans pareil change,
    Pour aller, comme toy, rendre au Seigneur louange.

    NB : Pierre de Lubersac (-1552), dit le capitaine Fayolle, originaire de Fayolle (paroisse de Jauldes) en Angoumois, fils paîné de Foulques de Lubersac et Madeleine Tizon, était enseigne dans la compagnie de Charles de La Rochefoucauld (1520-1583), comte de Randan, baron de Cellefrouin, seigneur de Sigogne (paroisse de Coulgens). Le capitaine Fayolle est mort suite à ses blessures reçues au siège de Metz. Ce texte poétique du XVIe siècle est tiré des œuvres de Jean Bastier de La Péruse (1529-1554).

  • Galard de Béarn,

    Comte de Brassac, ambassadeur, ministre d’État, gouverneur général de Saintonge et d’Angoumois, maréchal-de-camp.

    Galard de Béarn (Jean) était fils de René de Galard de Béarn, seigneur de Brassac, et de Marie de Larochebeaucourt. Dans sa jeunesse il portait le nom de Larochebeaucourt, et servit pendant les années 1594, 1595, 1596 et 1597. Il se trouva à divers sièges et combats, obtint en 1606 la place de lieutenant de roi de Saint-Jean-d’Angély, et prit dès lors le nom de comte de Brassac. La reine Marie de Médicis, à la sollicitation du maréchal de Bouillon, lui avait recommandé de veiller soigneusement à ce que le duc de Rohan, pourvu depuis quelques années du gouvernement de Saint-Jean-d’Angély, ne pût rentrer en possession de la place, tout en évitant cependant ce qui pourrait occasionner une rupture avec les protestants. Le duc, informé de ce qui se tramait contre lui, se hâta de revenir de Bretagne et rentra dans son gouvernement. Brassac était absent. Il fut bientôt informé des événements par un courrier que lui expédia le corps de ville, qui lui était dévoué. Il jugea prudent de ne pas venir reprendre sa lieutenance et se contenta de faire connaître l’arrivée du duc à la reine régente (1612). Il se rendit ensuite à la cour et obtint une compagnie de cent hommes d’armes et le brevet de conseiller d’État. Le comte de Brassac suivit le roi en Guienneen 1615 et 1616, marcha à l’attaque des retranchements du Pont-de-Cé en 1620, et au siége de Saint-Jean-d’Angély, Louis XIII lui donna le commandement de cette place, qui avait résisté vingt-cinq jours, du 31 mai au 24 juin 1621. Nommé, le 15 janvier 1622, lieutenant-général au gouvernement du haut et bas Poitou et gouverneur particulier de Châtellerault, il se démit du gouvernement de Saint-Jean-d’Angély et commanda dans cette province jusqu’en 1628. A cette époque, le comte de Brassac se rendit à Rome en qualité d’ambassadeur ordinaire du roi. Il y resta jusqu’en 1632, en partit le 21 novembre pour revenir en France et fut créé ministre d’État. Le 10 février 1633, il obtint le gouvernement général de Saintonge et d’Angoumois, à la réserve de Saujon et de Tonnay-Charente, par provisions données à Saint-Germain-en-Laye, le 8 mars de cette année. Chevalier des ordres du roi le 14 mai, il suivit ce prince à la conquête de la Lorraine et eut le gouvernement de Nancy, après la reddition de cette ville, le 30 septembre. Il se démit de la lieutenance-générale du Poitou et du gouvernement de Châtellerault, et fut nommé gouverneur et lieutenant-général du Barrois (30 mars 1634). Il s’en démit l’année suivante, revint à la cour, fut fait surintendant de la maison de la reine en 1640, et assista aux conseils d’État jusqu’à sa mort, qui eut lieu le 14 mars 1645. II était âgé de soixante-six ans.

    Le comte de Brassac ne laissa point d’enfants de sa femme Catherine de Sainte-Maure, dame d’honneur de la reine Anne d’Autriche et fille de François de Sainte-Maure, baron de Montausier.

    Galard de Béarn,
    Marquis de Brassac, lieutenant-général.

    Galard de Béarn (René De), marquis de Brassac, fut d’abord connu sous le nom de chevalier de Brassac. Entré au service comme cornette au régiment de cavalerie du Maine, le 4 février 1713, il passa dans les mousquetaires en octobre 1714, fut nommé capitaine en second dans le régiment de Cayeu, le 10 mars 1719, et devint mestre-de-camp d’un régiment de cavalerie le 24 août 1743, puis mestre-de-camp d’une brigade de carabiniers dans la même année. Il avait alors fait toutes les campagnes depuis 1713, aux armées d’Allemagne et d’Espagne, en Westphalie et en Bavière, et s’était trouvé à plusieurs batailles, combats, siéges et prises de places. Il fut créé brigadier le 1er mai 1745, combattit à Fontenoy, servit aux siéges de différentes villes dans la même année et en 1746 et 1747 ; il combattit encore à Lawfeld én 1748, et fut déclaré, au mois de décembre, maréchal-de-camp. Le brevet lui en avait été expédié le 10 mai précédent. On le créa commandeur de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis le 5 mars 1756, et il fut employé en cette qualité sur les côtes de Normandie. René de Galard de Béarn fut promu au grade de lieutenant-général le 17 décembre 1759. Il servait encore sur les côtes de Normandie en 1762.

    Source : Biographie militaire de l’Angoumois et de la Charente, d’Edmond Sénemaud.

  • Toutes les régions périphériques avaient leurs nobles marginaux, tels les frères du Rousseau de Coulgens au XVIIIe siècle, dont la série judiciaire de l’Angoumois révèle l’existence. L’abbé Rullier, curé de Coulgens, rapporte à propos des frères, hobereaux de sa paroisse : « Nous apprîmes de témoins que les Sieurs du Rousseau de Coulgens, s’étaient battus avec quelques paysans du village de Sigogne qu’ils avaient attirés dans leur logis pour jouer avec eux ». Ces rencontres de fortune se terminaient souvent en rixes. Orphelins, réduits à un revenu de misère, ils avaient été élevés sous la tutelle bienveillante du curé de la paroisse Rullier qui réussit à les faire admettre au régiment de Guyenne. Inaptes à saisir leur chance, cause de rixes et de beuveries, ils en furent exclus à la suite de multiples désordres, et revinrent au pays où ils n’eurent de cesse de tyranniser leur malheureux protecteur et sa servante, allant jusqu’à les frapper et les menacer de mort, ce qui l’amena à porter plainte.

    Source : La douceur des Lumières, de Michel Figeac.

  • Malgré tous les efforts, le collège d’Angoulême n’avait pu, arriver à un développement complet au moment où s’ouvrit le XVIIe siècle. Comme l’Université elle-même, avec son personnel à demi laïque, à demi ecclésiastique, – avec ses méthodes routinières, il était destiné à végéter longtemps encore, s’il ne fût tombé aux mains de la plus puissante congrégation religieuse du temps, celle des Jésuites, soutenue par l’ardente sympathie du parti catholique. En Angoumois comme dans toute la France, le concile de Trente et l’action de la Société de Jésus avaient arrêté le progrès de la réforme protestante. Sous la direction des ordres religieux, les catholiques avaient partout organisé la lutte. En 1576, les habitants d’Angoulême s’étaient refusés à ouvrir leurs portes aux protestants, qui avaient obtenu cette ville comme place de sûreté, lors de la paix de Beaulieu. Plus tard, la Ligue y avait eu de fougueux partisans. L’esprit de prosélytisme y était d’autant plus vit dans la bourgeoisie orthodoxe, qui dominait au chef-lieu de l’Angoumois, que la réforme avait de nombreux adhérents dans le reste de la province, notamment à Jarnac, a Cognac, à Segonzac, à Barbezieux et à La Rochefoucauld. Les deux partis en présence comprenaient l’importance que pouvait avoir pour la diffusion de leurs doctrines l’enseignement distribué dans les collèges. Après avoir essayé en 1568 de s’emparer du collège d’Angoulême, les protestants de l’Angoumois, désireux de résister énergiquement à la-contrerévolution catholique, avaient fondé le collège de La Rochefoucauld. Cet établissement, soutenu par les subsides des synodes provinciaux de l’Angoumois, de l’Aunis et de la Saintonge, jeta bientôt le plus vif éclat. Le cours des étudesy était plus complet que dans l’institution rivale. On y enseignait non-seulement la grammaire, comme à Angoulême, mais encore les humanités, la rhétorique, la philosophie, la théologie et l’hébreu, comme dans les collèges des Universités. Organisé à la fin du XVIe siècle, il devait durer jusqu’en 1685. Après des débuts obscurs (il apparaît dès 1583), il eut une existence brillante, surtout après l’édit de Nantes, sous la direction de maîtres éminents, tels que les Écossais Thomas Hog, Daniel Robertson, David Dixon, et les Français Jacques Ducasse et Georges Pacard. Là se formèrent des publicistes protestants qui eurent au XVIIe siècle une certaine célébrité : le philosophe Villemandy, qui enseigna à Montauban ; les théologiens et controversistes Loquet, Yver, Gomaire, qui professèrent à Puylaurens, Saint-Jean-d’Angély et Saumur. Le succès de l’enseignement des calvinistes était fait pour, inspirer les plus vives craintes aux catholiques d’Angoumois. Le prosélytisme alarmé leur inspira l’idée d’opposer aux maîtres protestants, leurs plus redoutables adversaires, les Jésuites. Déjà, à Paris, à Bordeaux et dans bien d’autres villes, la Compagnie de Jésus avait réussi à s’établir, en dépit de l’Université, qui paraissait trop laïcisée, trop tiède, au point de vue confessionnel, aux ardents partisans de la contre-réforme. Dès 1593, le maire d’Angoulême, François Le Musnier, sieur de Lartige, conseiller du roi et premier président de l’Élection, l’un des chefs du parti catholique, qui venait de faire bâtir à Beaulieu l’église des Bénédictines, entraîna, dans un élan de zèle religieux, les membres du corps de ville, « à « constituer chacun en leur particulier les rentes néces« saires pour l’établissement des Pères Jésuites au collège, « en vue du service de Dieu, bien public et instruction des « enfants ». Le projet ne put être exécuté. Mais les partisans de la Compagnie de Jésus gagnaient peu à peu du terrain. Le puissant duc d’Épernon, gouverneur d’Angoumois, yrai roi de la province, l’évêque d’Angoulême, Charles de Bony, les notables de la ville, les .membres du présidial, les principaux dignitaires du clergé, se firent les promoteurs de l’établissement des Pères. Le 7 août 1600, François Le Musnier, maire pour la quatrième fois, propose de nouveau, « pour le bien et advantaige de la religion catholique, « apostolique et romaine, instruction de la jeunesse et bien « publicq de ceste ville et pays », de fonder « ung collège de « messieurs les Jésuites ». L’ordre y consentirait avec empressement ; il a délégué le provincial de Guyenne « et le recteur du collège de Périgueux, avec lesquels le « maire a conféré » à ce sujet. Ils ont affirmé « volontiers « voulloir venyr et fournir de leur Compaignie la société suf« fisante et nécessairepourledict collège». Le corps de ville, apprenant que le duc d’Épernon « a eue fort agréable » cette négociation, s empresse de donner pleins pouvoirs au maire pour poursuivre l’établissement des Jésuites et obtenir l autorisation du roi et « de messieurs de la Court du Parlement de Paris ». Cette seconde tentative échoua encore. Le moment était mal choisi. Le Parlement, imbu des idées gallicanes et partisan de l’Université, avait peu de goût pour les Pères. Le roi lui-même, après avoir ordonné l’expulsion des Jésuites en 1594, ne les rappelait qu’en septembre 1603, et ne leur accorda jamais qu’une confiance limitée. Peu satisfaits de ne pouvoir obtenir l’autorisation d appeler les Jésuites, le corps de ville et le chapitre s’intéressent de moins en moins à la prospérité du collège. Les principaux se plaignent de leur négligence. Le chapitre prétend nommer un titulaire de la prébende préceptoriale en dehors du collège, et ne plus payer au principal les 400 liv. de rente qui sont attachées à ce bénéfice. Cependant les catholiques redoublaient d’efforts. Déjà des ordres religieux nouveaux s’établissent à Angoulême, à côté des anciens. Les Capucins y sont appelés par M. de Nesmond (1611), les Minimes (1619) par Marie de Médicis, les Ursulines par de pieux fidèles de la paroisse Saint-Martial au début du siècle (3). Enfin, en 1622, le parti catholique réussit à obtenir, après trente années d’une propagande persistante, l’établissement des Jésuites au collège. Dès la fin de 1621, les amis de la Compagnie s’étaient mis en mesure d’obtenir de Louis XIII l’autorisation tant convoitée. On mettait à profit la présence du roi au delà de la Loire où il enlevait aux protestants Saumur, Saint-Jeand’Angély et Royan (1621-1622). Le duc -d’Épernon, colonel général de l’infanterie, gouverneur d’Angoumois, Saintongeet Limousin, qui accompagna le prince, usait de sa puissante influence en faveur des Jésuites. Le maire, Jacques Le Musnier, seigneur de Rouffignac, trésorier général des finances en la généralité de Limoges, et avec lui tout le corps de ville avaient déjà négocié avec le P. Cotton, pro vincial de Guienne, les conditions d’un accord. On sollicitait des dons en faveur de la Compagnie. Une pieuse veuve, Delphine Gentil, veuve de Cybard de Corlieu, descendant du premier historien de l’Angoumois, léguait au corps de ville 3,000 liv. qui lui étaient dues par François et Robert d’Aubeterre, afin d’aider à la fondation du collège des Jésuites, jugeant que nul ordre n’était plus « propre à l’instruction « de la jeunesse en toute piété, correction de mœurs et « bonne discipline ». Une autre dame zélée, Marie de Lageard, veuve de Pierre Gandillaud, écuyer, seigneur de Fontfroide, conseiller au présidial et ancien maire d’Angoulême, accordait par testament un capital de 3,000 liv., à prendre après son décès sur la totalité de ses biens, à la charge de consacrer cette somme à la fondation du collège des Jésuites d’Angoulême. Les Jésuites acceptaient ces avances avec empressement. Le P. Cotton, ancien confesseur de Henri IV et provincial de Guienne, donnait aussitôt procuration à Jean du Fossé, sieur de La Fosse, avocat au siège présidial d’Angoumois, pour accepter ces deux donations de même que toutes celles qui pourraient être faites à l’avenir « en faveur de la Compagnie ». La bourgeoisie angoumoisine, impatiente d’obtenir l’établissement des Pères, se départait en leur faveur de ses habitudes de parcimonie. Une souscription volontaire, ouverte au mois de juin 1622 pour ce motif, donnait la somme importante de 16,000 liv. (au moins 100,000 fr. valeur actuelle). L’évêque Antoine de La Rochefoucauld, assiégé de sollicitations des partisans des Jésuites, fort nombreux à la cour, où il se trouvait, pressé par son chapitre cathédral, écrivait au corps de ville « pour louer « grandement les affection et bonne volonté » que les conseillers montraient en songeant à établir un collège des Pères. « Ce projet, disait-il, regarde la gloire de Dieu, le « bien de son Église et celui de toute la province ». Il promettait d’en confèrer lui-même avec le P. Cotton à Paris, et il exhortait le corps « à persévérer en ses bons « desseins », au succès desquels il s’engageait «àcontribuer « tout ce qui serait de lui ». Enfin, Louis XIII, qui venait de soumettre les protestants du Bas-Poitou, accordait par ses lettres datées du camp de Royan, « aux maire, eschevins « et habitans de la ville d’Angoulesme…, qu’ils pussent « établir dans leur ville un collège des Pères Jésuites, pour « enseigner la jeunesse aux bonnes sciences divines et « humaines, pour la gloire de Dieu et ornement de son « Église ».

    Source : Histoire du collège et du lycée d’Angoulême (1516-1895), de Prosper Boissonnade.

  • Bulletin du 21 vendémiaire an XIII. Samedi 13 octobre 1804. Achille Biget. — Un ancien chef de chouans, Achille Biget, d’Angoulême, fut arrêté à l’époque du 3 nivôse. Il offrit des révélations, et, par ordre du ministre, il fut traduit à Paris. Il donna quelques renseignements peu intéressants. En brumaire, an X, il fut mis en liberté et envoyé à Rennes, sous la surveillance du préfet, auquel il promit d’être utile. Il lui a effectivement donné quelques notes importantes. C’est par lui qu’on a su notamment que Roger, l’un des conspirateurs, avait passé à Rennes, que Datry et Hervé l’avaient suivi à Paris. Le préfet avait été autorisé par le ministre à lui accorder un traitement pour sa subsistance. Depuis quelques mois il était devenu inutile et n’avait plus de nouveaux documents à fournir sur ce parti. Le traitement lui avait été retiré. Depuis, il a imaginé de proposer au préfet de rechercher si les exagérés ne méditaient pas quelque projet contre le gouvernement. Le préfet lui a répondu qu’il serait bon d’observer ceux qui pourraient paraître suspects, mais sans suggestions. Le préfet et le général Laborde ont adressé au ministre de longs rapports sur ce qui a suivi. Les faits se réduisent à peu de mots. En fructidor, Biget s’est rendu chez le nommé Faure, révolutionnaire exalté, et lui a fait des propositions tendant à un complot contre le gouvernement. Faure a teint de s’y prêter pour le dénoncer. Il les a communiquées à un nommé le Halper, de son parti. Ils ont engagé d’autres entrevues avec Biget, auxquelles ils ont admis un troisième, prêtre marié, nommé Duroy. Les propositions étaient de réunir les jacobins et les royalistes, de former une commission intermédiaire, de faire une adresse pour le rappel des Bourbons, etc. Duroy a donné avis au général Laborde de tout ce qui se passait dans ces conférences et n’a cependant présenté comme coupables que Biget et Faure, distinguant son ami le Halper qui l’avait initié dans le complot. Il a ajouté que Biget les avait assurés qu’il ne craignait ni les recherches du préfet, ni celles de la gendarmerie. Biget n’a fait aucune déclaration au préfet. S’il a eu l’intention d’en faire, il a été prévenu par celle de Duroy. Le général a fait arrêter Biget et Faure sans en prévenir le préfet. Il a chargé le commandant de la gendarmerie des arrestations et de l’instruction. Dans un rapport, le général présente le complot comme très réel et tendant au rappel des Bourbons. Le préfet n’y voit au contraire qu’une intrigue pour obtenir des récompenses pécuniaires. Il pense que ce n’est qu’une suite de la proposition que Biget lui avait faite de rechercher les révolutionnaires qui tenteraient quelque projet ; et que Duroy et le Halper en ont profité pour se procurer eux-mêmes la récompense que Biget espérait. Il est constant que Biget n’a plus la confiance des anciens chouans et qu’ils le croient un espion payé par la police. (La police secrète du premier empire; bulletins quotidiens adressés par Fouché à l’empereur)

    NB : Jean-Achille Biget, né en 1764. Fils de François Biget, député de Ruelle en 1789, et Jeanne Robert. Ancien émigré et officier de l’Armée catholique et royale, chevalier de Saint-Louis. Mort après 1817.
  • Le dix-sept janvier 1792 après la publication des trois bans faite tant en cette église qu’en celle de Saint-Florent, sans nulle opposition, les fiançailles faites, les ordonnances royales, les lois et cérémonies de l’église observés, ont canoniquement et civilement reçu la bénédiction nuptiale par moi curé soussigné, du consentement du curé de cette paroisse, Pierre Grassin-Châtelard, agé d’environ 32 ans, fils légitime du sieur Pierre Grassin, directeur de la poste aux lettres et de demoiselle Marie-Anne Cambois, de cette paroisse, d’une part; et Marie Cambois, agée d’environ 32 ans, fille légitime du sieur Louis Cambois-La Borderie, négociant, et de déffunte Elizabeth Dumas-La Feuillade, de la paroisse de Saint-Florent de cette ville, d’autre part, et du consentement et en présence de Pierre Grassin, père de l’époux, Louis Cambois-La Borderie, père de l’épouse, Pierre Cambois, Martial Cambois, frères de l’épouse, et autres parents qui ont avec nous signé… Marie Cambois, Grassin-Châtelard, L. Cambois, Grassin, Cambois l’aîné, Martial Dumas, Marie Binaud, Grassin-La Côte, Suzanne Saunier, Suzanne Cambois, Anne Cambois-Pradignac, P. Pradignac, M. Cambois, Sibilet, Philippon-Jolly, Grassin curé de Coulonges.

    Source : Généalogie Charente Périgord.

  • Un aventurier charentais, colonel de chouans Jean Biget, dit Achille
    Première édition : 1913 – Auteur : S. C. Gigon

    Le Département de la Charente, très patriote en 1789, avait en 1791, 92 et 93 levé vingt-cinq bataillons de volontaires qui combattirent bravement aux frontières et à l’intérieur. Néanmoins, le département envoya à l’insurrection royaliste quelques uns de ses meilleurs soldats.

    La Charente fournit à la Vendée l’héroïque Daniaud-Duperat que la Restauration fit Maréchal de Camp ; et en même temps les Bretons de Cadoudal obéirent au Colonel charentais Biget. La carrière de ce chouan est pleine de détails piquants dans leur variété ; Biget d’abord prêtre, devint chef de chouans, fut un des Colonels de Cadoudal et après la paix, trahit sans vergogne ses anciens amis au profit de la police de Fouché.

    On lira avec quelque intérêt les détails d’une vie aussi agitée. Combien d’autres aventuriers joueront au même moment des rôles importants qui sont tombés maintenant dans l’oubli. Ils surgissent par moments, ces hommes héroïques ou criminels, de la poudre des Archives et nous montrent ce que la pression formidable des évènements de la Révolution a pur faire d’individus souvent de valeur commune. L’histoire de Jean Biget montre le Charentais en bonne place parmi les aventuriers de son temps.

    Jean Biget naquit près d’Angoulême, au hameau de la Ferrière dans la paroisse de Ruelle le 2 décembre 1764. Son père était meunier sur la Touvre. Biget fut élevé aux écoles d’Angoulême, dédaignant la profession paternelle ; il aspira à la prêtrise et fut ordonné bien jeune. Sa vocation n’était pas sérieuse car, dès 1788, il abandonna l’habit des clercs pour se livrer aux affaires. Associé à sa mère, il entreprit le commerce des grains et des vins.

    La fermentation politique générale agitait l’Angoumois comme le reste de la France, mais la douceur et l’indolence des habitants de la province ne les portaient pas aux excès sanglants qui souillèrent trop souvent la liberté reconquise. Les campagnes furent seulement troublées au moment de la suppression des droits féodaux, mais il n’y eut aucune effusion de sang.

    L’ex-curé Biget, comme tous ses contemporains, se mêla de politique. Le club parisien des Feuillants avait une filiale à Angoulême et Biget appartenait à ce club, de nuance monarchique. Dès cette époque, Biget affichait donc ses convictions royalistes. Notre homme ayant échoué dans son commerce quitta Angoulême en 1791 pour chercher fortune sur un plus grand théâtre. On le retrouve en 1792 à Paris, où certainement il se mêla aux agitations violentes qui signalèrent la fin de la Monarchie. Après la proclamation de la République, Biget dut quitter Paris où il avait, sans doute, tout à craindre ; le 28 septembre 1792, il se faisait délivrer un passe-port par la section des Gravilliers pour voyager dans toute la France. Son voyage fut court, d’ailleurs, car peu de temps après il était établi en Bretagne aux environs de Saint-Brieuc.

    La province de Bretagne, depuis la spoliation de l’Eglise et les persécutions contre les prêtres, était fortement agitée. Ces dispositions n’avaient fait qu’augmenter après la suppression violente de la royauté. Cependant, au moment où Biget s’établissait près de Saint-Brieuc, rien n’était encore organisé en vue d’une révolte ouverte ; la Bretagne ne prit les armes qu’après l’écrasement de la grande Vendée, à la fin de 93. La préparation de l’insurrection remontait, cependant, au commencement de cette même année, et dès que l’insurrection éclata, elle se montra très redoutable. Toutes les routes devinrent dangereuses pour les détachements isolés, la vie des patriotes, surtout celle des acquéreurs des biens nationaux, fut menacée, l’insurrection était générale par suite, insaisissable. Le département des Côtes-du-Nord fut un des plus agités des départements de la Bretagne, sous la direction de chefs énergiques, comme les Tinteniac, les Carfort, les Deban, etc.

    Il n’existe pas de renseignements certains sur le rôle joué par Biget à cette époque ; on sait, cependant, qu’il se lia avec des chefs bretons et fit expédition avec eux. Il est probable que dès 1794 il connut Cadoudal, avec lequel il devait se lier intimement plus tard. Le premier soulèvement breton ne fut pas de très longue durée, Charette ayant traité avec la République à la Jaunaie, le 17 février 1795, les chefs Chouans comprirent qu’ils ne sauraient, seuls, résister longtemps. Le baron de Cormatin chef d’Etat-Major de l’armée de Bretagne signa le 20 avril 1795, à la Mabilais, un traité de paix aux conditions qu’avait obtenues Charette. Chaque chef important adhérent au traité devait faire sa soumission personnelle ; Biget, qui occupait une situation déjà en vue dans les bandes chouannes, dut venir se présenter en Mai 1795, au Général commandant le département des Côtes du Nord. Il fit donc acte d’adhésion au traité de la Mabilais et réclama le bénéfice de l’amnistie auprès du Général Valletaux commandant le département.

    Valletaux était lui même un Charentais : né à Hiersac, le 29 Novembre 1757, il s’était engagé dans l’armée royale au régiment d’Aunis, le 4 décembre 1779. Il avait, depuis, servi dans la Garde-Constitutionnelle de Louis XVI. Une fois ce corps licencié, il était revenu au pays natal, où sa réputation le fit choisir par ses compatriotes pour commander le 11e Bataillon de Volontaires. Le 14 Octobre 1794, il était promu général de Brigade, à l’armée du Nord. Suspendu en Mars 1795, il venait d’être replacé en Mai à l’armée des côtes de Brest. La conversation entre les deux compatriotes dut être piquante.

    La paix établie entre les Chouans et la République ne dura pas longtemps, car ils marchaient à l’expédition de Quiberon commencée le 26 Juin 1795. Il est probable que Biget ne prit aucune part à cette expédition ; les faits ultérieurs semblent le prouver. Nous retrouvons notre héros seulement à Paris en 1797. Il y fut arrêté comme émigré : mais s’étant réclamé de son département, en affirmant qu’il n’avait nullement émigré, on l’envoya à Angoulême faire vérifier ses assertions auprès du Directoire départemental.

    Les élections de l’an V avaient donné une majorité modérée aux deux Chambres législatives, par suite, les administrations départementales s’étaient relâchées de leur intransigeance révolutionnaire ; les administrateurs du département de la Charente admirent les assertions de Biget, affirmant n’être jamais sorti de France et, de plus, être couvert par l’amnistie obtenue en 1795. Le 27 Juin 1797, les administrateurs de la Charente mirent Biget en liberté.

    La France avait été obligée de supporter le coup d’Etat de la Convention expirante contre les doigts du suffrage populaire ; les révolutionnaires nantis, menacés d’une Restauration monarchique vengeresse, avaient décrété la réélection forcée des deux tiers des députés sortants. Le pouvoir leur échappait cependant car les élections de l’an V avaient donné la majorité aux modérés dans les Chambres, dans le Directoire seulement ils restaient en minorité. Les Jacobins voyant arriver la fin de leur domination à bref délai ne pouvaient admettre la perte du pouvoir et de ses bénéfices ; ils se préparaient donc à sauver la République en violant la légalité – sans doute, suivant une formule célèbre plus tard – pour rentrer dans le droit.

    La Charente en 1791 avait remplacé deux régicides : Guimberteau et Dubois de Bellegarde par les royalistes Descordes et Thorel, mais les Administrateurs du département, tous jacobins, favorisaient des troubles à Angoulême. Les nouveaux députés, le 9 Juillet 1797, signalaient au ministre de la Police générale l’action des Anarchistes qui, sans être poursuivis, avaient attaqué et blessé avec l’aide de soldats embauchés, des citoyens inoffensifs et continuaient à les menacer de mort. Il est certain que ces agissements d’énergumènes agirent sur l’opinion publique du pays, Biget, après sa libération, devint populaire chez les royalistes qui, comptant sur son énergie, le firent placer par le vote populaire à la tête de la Garde Nationale d’Angoulême. On devait compter sur la fermeté de l’ancien Chouan pour réprimer les excès officiels des républicains.

    Cette nomination nous est connue par un rapport des Administrateurs de la Charente du 23 Février 1800, il y est indiqué que Biget, ex-abbé et émigré, rentra en l’An V « époque à laquelle on eut l’imprudence de le mettre à la tête de la Garde Nationale d’Angoulême ; il fut alors le principal moteur des troubles qui affligèrent cette ville et qui ne se sont pas renouvelés depuis. »

    Les Administrateurs départementaux de 1800, encore très jacobins, ont naturellement travesti le rôle de Biget, lui imputant les propres excès de leurs partisans.

    Le coup d’Etat du 18 Fructidor an V – (4.9.97) – renversa les espérances des modérés et des royalistes. Les dernières élections de la Charente furent annulées ; Guimberteau et Dubois de Bellegarde reprirent leurs places, Descordes et Thorel ayant été fructidorisés. On pense bien que le Chouan Biget fut forcé de disparaître d’Angoulême et il est probable qu’il dut, dès ce moment se réfugier de nouveau en Bretagne.

    La Bretagne d’abord étourdie par le coup de massue de Quiberon n’avait pas tardé à se ressaisir. Au cours de l’année 1796, les bandes disloquées s’étaient reformées sur tous les points de la province. Dans le Morbihan, sous le commandement énergique de Cadoudal, elles avaient combattu de nouveau. En 97 et 98 l’état de guerre avait persisté, Biget revenu en Bretagne près de Cadoudal dont il était connu depuis plusieurs années, fut attaché au général comme aide de camp.

    De suite après le 18 fructidor, une poussée de la haine jacobine triomphante avait ouvert de nouveau l’ère des persécutions. Les philosophes au pouvoir n’avaient plus songé qu’à persécutions. Les philosophes au pouvoir n’avaient plus songé qu’à persécuter les prêtres, quelle que fût leur origine ; la déportation, cette guillotine sèche, fonctionna sur une large échelle ; un peu plus tard en 1799 sous l’influence jacobine des derniers élus aux Cinq-Cents ; la loi sur l’Emprunt forcé et celle des Otages portèrent au plus haut degré l’exaspération des provinces de l’Ouest. Les chefs royalistes, à ce moment, étaient préparés à reprendre les armes tous ensemble et ils attendaient le moment propice ; il arriva avec les revers des armées républicaines sur toutes les frontières. Au mois d’août 1799, une levée générale de boucliers fut résolue ; les royalistes pouvaient à ce moment tout espérer des divisions républicaines, les jacobins directoriaux expulsés en juin 1799, le Directoire nouveau s’était trouvé en fâcheuse posture, les hommes et l’argent faisaient également défaut, et les étrangers vainqueurs étaient sur le point de franchir nos frontières.

    Au moment de reprendre les armes, Georges Cadoudal, chef absolu dans le Morbihan, voulut reformer son armée sur des bases plus régulières ; par son ordre du jour du 17 août 1799, il divisa son armée en douze légions, remplaçant les divisions anciennes. Chacune des légions était commandée par un colonel assisté d’un lieutenant-colonel, et comptait au moins trois bataillons. La septième légion dite de Melrand fut confiée à Achille Biget. La circonscription de ce corps s’étendait d’Hennebont à Pontivy et comprenait les régions commandées par deux chefs de division célèbres, morts en 1798, Jan-Jean et Legourierec, dit l’invincible. Tout ce pays ne parlant que le breton, Biget avait dû apprendre la langue pour communiquer avec ses officiers et ses soldats.

    … A la fin du mois d’août 1799, l’insurrection des pays de l’Ouest s’était produite avec ensemble. Le Poitou, l’Anjou, la Bretagne, la Normandie guerroyaient, leurs bandes montraient une activité déconcertante. Dans toute la Bretagne, l’armée républicaine était annihilée ; le général en chef Michaud, vétéran du Rhin, se déclara de suite impuissant à réprimer une révolte aussi générale. L’armée n’était maîtresse que des villes où elle pouvait se retrancher, pas un courrier ne passait, les convois de ravitaillement enlevés constamment, les villes vivaient au jour le jour. L’armée régulière d’ailleurs pas payée et mal nourrie, montrait la plus grande indiscipline.

    Le Morbihan, surtout, était devenu intenable à l’armée républicaine ; ses routes très rares traversant des landes incultes couvertes de taillis et de hauts ajoncs étaient semées d’embuscades ; les cultures subdivisées par des levées de terre plantées d’arbres et de buissons formaient de véritables redoutes difficiles à aborder. La population très sauvage, séparée du reste de la France par la langue montrait un enthousiasme farouche pour arrêter les massacreurs de prêtres et les profanateurs des églises. Cadoudal, investi par le Comte d’Artois du haut commandement de la Bretagne, avait dans le Morbihan de douze à quinze mille hommes toujours prêts à répondre à son appel. Après plusieurs affaires, où la victoire lui était restée, Cadoudal, le 20 octobre 1799 fit enlevé Locminé par Guillemot et de Sol de Grisolles. Dans cette affaire des contingents de Baud furent mis en action, par conséquent les hommes de la légion de Melrand, participèrent à cette victoire.

    Le mouvement offensif, si vif en Bretagne, n’était pas moins énergique en Anjou et dans le Maine. Le Mans fut, pendant trois jours aux mains de Bourmont ; les Chouans entrèrent dans Nantes, qui leur avait résisté victorieusement en 1793. La victoire souriait aux royalistes et, malgré l’accalmie survenue sur le Rhin après Zurich, les insurgés auraient eu grande chance de réussir si le Comte d’Artois, était venu se mettre à la tête de ses fidèles, mais il resta prudemment en Angleterre, tout en donnant force bonnes paroles.

    Un évènement décisif vint à ce moment faire évanouir les espérances des royalistes ; Bonaparte, après le 18 brumaire était nommé premier consul. Le nouveau chef de l’Etat persuadé de la nécessité de terminer immédiatement la guerre civile, se décida à essayer d’abord d’une pacification en accordant aux insurgés des conditions honorables, promettant la suppression des lois révolutionnaires de spoliation et assurant le libre exercice du culte catholique. Une guerre impitoyable devait succéder aux offres de paix si elles n’aboutissaient pas immédiatement.

    Le général Michaud, jugé inférieur à la situation, qui demandait un diplomate plus qu’un général, fut remplacé le 17 novembre dans le commandement de l’armée de l’Ouest par le général de division de Hédouville. Celui-ci était un homme d’esprit modéré, d’ailleurs calme et généreux, et qui désirait, avant tout, ne pas verser le sang des Français. Il entra rapidement en relation avec les chefs des insurgés des deux rives de la Loire et le 18 janvier 1800, leur fit à Montfaucon accepter un traité de paix. Georges Cadoudal, invité à adhérer à la convention, refusa de poser les armes.

    Les négociations de Hédouville avaient trop duré au gré de Bonaparte ; impatienté de ne pas réussir immédiatement, le 19 janvier il avait remplacé Hédouville par Brune. Brune arriva donc à Vannes muni d’instructions féroces, il trouva le traité signé et rendit compte de la situation au premier Consul, qui voulut bien faire reconnaître sa satisfaction au général Hédouville, qui dut, cependant, rester à l’armée comme chef d’état-major de son remplaçant.

    Bonaparte avait donné les ordres impératifs les plus durs à Brune pour l’écrasement de Cadoudal ; il désirait un exemple, un exemple sanglant et immédiat. Brune, une fois sur les lieux jugea impossible l’exécution immédiate des ordres consulaires. Cadoudal était encore maître du pays et il le prouva le 20 janvier par son combat du Pont-Sal. Il valait mieux traiter avec ce chef que d’attendre encore de longs jours avant de l’accabler. Cadoudal fut donc pratiqué à nouveau. Il sentit enfin le besoin de suspendre les hostilités pour échapper à l’écrasement prochain. De cette façon il se réservait pour une occasion, peut-être prochaine, la paix générale n’étant pas encore établie entre la coalition et la France, Cadoudal se résigna donc à traiter avec Brune à Vannes, le 12 février 1800. Les conditions étaient les mêmes que celles accordées aux Angevins et aux Vendéens. Dans le traité, des localités étaient indiquées pour le dépôt des armes des légions. Hennebont était une de ces localités. Biget, en sa qualité de chef de la septième légion, accepta sans arrière-pensée la pacification et le 17 février 1800, il versa 261 fusils entre les mains du Commandant militaire d’Hennebont.

    L’amitié de Cadoudal pour Biget était grande ; elle était probablement méritée à cette époque : l’article 5 du traité signé avec Cadoudal stipulait qu’après la remise des armes, « le chef Georges » se rendrait près du gouvernement à Paris ; il se mit donc en route le 5 mars, accompagné seulement de deux de ses officiers, Achille Biget et de sol de Grisolles. Biget était muni d’un laisser-passer, à lui délivré par le général Brune le 23 février.

    Il est probable que Biget dut accompagner son chef aux Tuileries avec de Sol de Grisolles. Dans cette entrevue, le farouche lieutenant de Cadoudal avait proposé à son chef d’étouffer dans ses bras le Premier Consul. Pendant ce premier séjour à Paris, il est certain que Biget dut être tâté au Ministère de la Police par Desmarest, chef de la Police secrète et, peut-être, par Fouché lui-même. La Police avait tout intérêt à flatter et à gagner les chefs marquants du parti royaliste, les subsides de Fouché opérèrent de nombreuses conversions à cette même époque. Biget ne semble pas avoir été alors touché par les séductions dorées de la police, mais il eut certainement des relations assez suivies avec les bureaux du Ministère, comme le montrent des déclarations qu’il fit un peu plus tard.

    Le séjour de Biget à Paris dura peu, le 17 avril il était de retour à Nantes, près de Brune, qui lui accordait le droit du port d’armes. Au même temps, on lui interdit le séjour du Morbihan, où il avait commandé et combattu. Par ordre du Ministère de la Police, la ville de Rennes fut assignée à Biget comme résidence.

    En arrivant à Rennes, alors sous l’état de siège, Biget sollicita de l’autorité militaire un passe-port pour se rendre à Angoulême afin d’y visiter sa famille. Le 19 septembre 1800 l’Adjudant-Général Tilly lui faisait délivrer son passe-port ; Biget arriva à Angoulême au mois de Septembre. Le rôle qu’il avait joué en 1797 était encore trop récent pour être oublié ; les Administrateurs du département, très vigilants, quelques mois auparavant, avaient montré une singulière méconnaissance de sa personnalité et du rôle joué par lui. Ils écrivaient, le 23 Février 1800 au Ministère de la Police Générale. « On nous a aussi assuré que le nommé Georges, chef de Chouans, qui s’est rendu dernièrement, n’était autre chose que le nommé Biget, fils d’un meunier de notre département, ex-abbé et émigré ». Biget avait donc dans son pays une notoriété retentissante.

    Le séjour de Biget dans son pays natal ne fut pas alors marqué d’incidents fâcheux et le maire d’Angoulême lui adressa même en Octobre et Décembre des lettres très courtoises. Il est certain que les convictions politiques de Biget n’avaient subi aucun changement, aucun fléchissement. Il était lié avec toutes les personnalités royalistes marquantes du pays, spécialement avec MM. Descordes, Marvaud, Huet, etc., que la police militaire de la Charente signalait encore en 1806 comme ses correspondants.

    Biget vivait donc au sein de sa famille et fort tranquille quand se produisit l’attentat du 3 Nivôse (24 Décembre 1800). On sait que le complot, d’abord attribué aux républicains, fut déterminé par Fouché comme un attentat royaliste, exécuté par Saint-Regent et Limoelan, deux des officiers principaux de Cadoudal. De suite, tous les chefs Chouans furent arrêtés dans toute la France, sur un ordre venu de Paris. Biget, ami de Cadoudal, ne pouvait être oublié, on le saisit dans sa famille, le 13 janvier 1801.

    L’arrestation de Biget éclaira de suite le préfet de la Charente, M. Delaistre. Il n’avait pas, jusque là, soupçonné le danger de la présence de Biget à Angoulême, mais, une fois arrêté ; il le signala comme très dangereux et obtint l’ordre de le diriger sur Paris pour y être détenu.

    Avant le départ de Biget, le préfet essaya vainement, par des interrogatoires répétés, de compromettre le prisonnier. Biget répondit au préfet d’une façon très vague ; il causa au contraire très volontiers avec le lieutenant de Gendarmerie Gagneau, chargé de l’amener à Paris. Ses confidences furent ensuite répétées par l’officier au Ministre de la Police. Biget lui avait narré complaisamment les méthodes de guerre des Chouans, leur ravitaillement par les Anglais en armes et en argent, etc. Il ne mettait pas très haut la mentalité de ses compagnons d’armes, dont les uns « se battaient, disait-il, pour avoir un roi, d’autres pour la religion et la majorité, uniquement pour piller ». Il rendait bon témoignage de Georges Cadoudal et rapportait que « quand Georges apprit que les autres Généraux Chouans s’étaient rendus, il s’était aussi décidé à se rendre : que le même jour qu’il entra en pourparlers avec le Général Brune, il lui était arrivé 45 caisses de 15.000 francs l’une, qu’il y en avait déjà dix de débarquées, mais que, forcé de déposer les armes, il fit dire au Commodore Anglais qui protégeait le débarquement qu’il allait lui renvoyer 35 caisses, parce qu’il était forcé de déposer les armes ». Biget, certainement au courant des détails de cette affaire, n’a pas osé, dans sa situation, révéler à son interlocuteur que Brune avait vainement conseillé à Cadoudal de garder tout l’argent anglais pour le partager avec lui.

    Biget, très inquiet de sa détention, se voyait déjà déporté. L’ex-Chouan, d’ailleurs besogneux, calcula qu’il avait tout à gagner à renier son passé et à se mettre bien avec le pouvoir. Son passé ne lui en fournissait le moyen que s’il offrait des révélations sur ses anciens compagnons, désarmant ainsi la police de Fouché. Il disait donc au Lieutenant Gagneau : « Je connais parfaitement le pays, j’ai même la confiance des habitants, il ne me sera pas difficile de faire arrêter tous ceux que l’on soupçonne d’avoir coopérer à l’assassinat du Premier Consul de la République ». Le gendarme ayant demandé à Biget s’il connaissait Saint-Regant dit Pierrot, il répondit qu’il l’avait connu chef de légion dans le Morbihan, où il habitait les Paroisses de La Noue et de Saint-Meen ; il connaissait aussi Limoelan, qui était attaché à la légion de Rennes. En Février 1800 il s’était trouvé à Paris avec Hyde, surnommé Neuville ; il connaissait aussi Joyau dit aussi Layaye, Saint-Hilaire, dit Raoul. Biget se réservait de donner d’autres détails confidentiels au Ministre de la Police, lui-même ; ne voulant pas qu’ils fussent connus des bureaux du Ministère où il savait que plusieurs employés étaient à la solde des royalistes.

    On voit que le Colonel de Chouans Biget ne demandait qu’à s’enrôler dans les indicateurs de Fouché. Il n’était pas, d’ailleurs, le seul dans le parti à trahir ses convictions et à offrir à la Police Consulaire un dévouement tarifé. Le cabinet de Desmarets recevait beaucoup de communications provenant de prêtres et de gentilshommes, autrefois bons royalistes, que la faim transformait en espions, parfois même, en Agents à tout faire.

    Dès le commencement de l’année 1803, il s’était produit en Bretagne quelques faits de Chouannerie et on avait signalé dans les Côtes-du-Nord la rentrée d’un des plus audacieux lieutenants de Cadoudal, Lepaige dit Debar. Le Ministère de la Police recommanda à Mounier de surveiller les nouveaux mouvements des Chouans ; Mounier, tout en se méfiant de Biget, comprenait l’avantage qu’il y aurait à se l’attacher comme indicateur, spécialement pour la surveillance de ses anciens compagnons d’armes. Il connaissait l’état d’esprit de l’ancien Chouan, désoeuvré, miséreux et dégoûté de tout dévouement pour une cause désormais improductive. Il le savait prêt à servir la police et le 21 janvier, il proposa au Grand-Juge d’employer le Charentais comme indicateur. Il écrivait « Achille Biget peut être utile pour découvrir toutes les tentatives qui peuvent être faites dans le département par Debar ou d’autres scélérats de son genre. Il m’a promis de ne rien négliger pour parvenir à savoir s’il y a des hommes dans ce département à qui l’on a proposer d’entrer dans le complot pour attenter aux jours du Premier Consul ».

    Biget, enrôlé dans l’armée policière, voulait au moins en vivre largement, mais le préfet Mounier, en l’employant, se méfiait de lui comme le montre sa lettre du 18 février déjà citée, et il tenait très serrés les cordons de la bourse des fonds secrets. Cependant, au cours de l’année 1803, Biget ayant rendu des services sérieux, le préfet prit confiance dans son Agent.

    Les espions français entretenus en Angleterre par la police, connaissaient trop facilement les projets des émigrés par leurs propos inconsidérés ; aussi fort avant la mise en train de l’expédition de Cadoudal, la police française eut vent de ces projets.

    La conspiration signalée dès le commencement de 1803, était prête à agir au mois d’Août de la même année. Georges Cadoudal, ayant pénétré en France par la falaise de Biville, le 21 Août, était venu se cacher dans Paris, après avoir échappé à la police, cependant prévenue et en éveil.

    La police parisienne sans soupçonner la présence du chef des conjurés, arrêta au hasard quelques comparses et obtint des indications vagues sur les projets de Cadoudal. Néanmoins, la résidence de ce chef et le nombre de ses adhérents restèrent inconnus jusqu’en janvier 1804. La police cherchant en aveugle, réclamait partout des concours, Mounier prévint alors le Grand-Juge que Biget était disposé à servir le gouvernement contre Cadoudal. De suite, Réal, directeur de la Police, accepta ce concours. Biget, se sentant nécessaire, aurait voulu obtenir un traitement fixe, que Mounier refusa de concéder, offrant seulement un salaire intermittent, fixé d’après l’importance des communications.

    A ce moment, Bonaparte apprit la présence de Cadoudal dans Paris et des mesures révolutionnaires furent prises pour s’emparer du terrible Breton. Les économies sur la police n’étaient plus de saison et le Grand-Juge Regnier, Ministre de la Justice et de la Police, ordonna à Mounier de donner à Biget le traitement fixe réclamé par lui, disant : « Il a eu pendant longtemps la confiance de Cadoudal, il connaît les hommes dangereux de ce parti. Quoique il n’ait peut-être plus leur confiance, il peut cependant être utile, s’il veut servir le gouvernement de bonne foi. Achille Biget doit encore connaître les points de débarquement des Agents de Georges, ceux qui les reçoivent et les personnes qui facilitent leur correspondance et les dépôts d’armes ». Le Grand-Juge, d’ailleurs justement méfiant, finissait en disant : « Sa conduite fera juger de sa sincérité et s’il ne fait des déclarations uniquement que pour se procurer des ressources ».

    La certitude de la présence de Georges à Paris et la crainte de son audace faisaient redoubler les efforts de la police pour se documenter sur ce chef et ses officiers les plus dévoués. On comprendra aisément que Biget, ami de Georges, devait être fortement sollicité de servir contre son ancien chef. Le Jacobin Réal, qui dirigeait les recherches dans l’affaire Cadoudal écrivait le 3 février au préfet Mounier « Les détails que contient, citoyen préfet, la lettre du Grand-Juge, du 10, sur le retour de Georges, sur la réunion qu’il doit faire ici d’un certain nombre d’hommes déterminés, destinés à concourir à l’assassinat qu’il médite, exige que vous ne négligiez rien pour obtenir d’Achille Biget l’état des hommes dangereux de ce parti, que vous êtes chargé de lui demander. Achille Biget a eu longtemps la confiance de Georges, il a connu ceux qui étaient dévoués à ce chef et dont il pourrait disposer pour les assassinats et pour les expéditions dangereuses qu’il ordonnerait. Il doit être instruit de leurs dispositions, depuis la pacification et les endroits qu’ils habitent. Il peut, conséquemment, fournir les renseignements demandés ; son refus, dans cette circonstance, prouverait que s’il n’est pas complice de Georges, il veut au moins se ménager auprès de lui et qu’il n’est pas disposé à servir le gouvernement contre cette bande d’assassins … Le Post-scriptum qui suit prouve que Biget avait eu déjà des entretien avec Desmarest au cours de 1801 et que le subtil policier n’avait rien oublié. La note disait : le citoyen Desmaret, chef de la Police secrète, se rappelle que le citoyen Achille Biget lui a dit qu’avant le 3 Nivôse il avait aperçu clairement, à certains mouvements de certains hommes, qu’il se tramait quelque chose sur Paris. Il doit vous parler avec confiance et entrer dans le détail de toutes les particularités qui peuvent vous éclairer.

    Mounier dut donc mettre du zèle à interroger son indicateur sur ses anciennes relations. Biget n’avait, d’ailleurs, nul besoin d’être excité. Il parlait d’abondance, se réjouissant du besoin qu’on avait de ses lumières ; il espérait bien en tirer un supplément de ressources et, qui sait peut-être une bonne position dans la phalange policière parisienne. Il n’y eut certainement pas été déplacé. Le 13 février, Mounier, pour répondre aux demandes pressantes de Réal, envoyait à Paris une lettre de Biget ainsi conçue : « Vous pouvez assurer le Directeur de la Police générale que je connais parfaitement, au physique et au moral, les individus que Georges peut employer pour une tentative sur les jours du Premier Consul ; tels que Hyde, Picot, Limoelan, Raoul Saint-Hilaire, Joyau, dit Assas, Roger, Durty, Bonté, Coster, Saint-Victor, Jean-Marie, Grimaudière, Cadot et autres dont il peut disposer » … Biget s’offrait en volontaire pour empêcher le crime projeté.

    Biget n’ayant pas été dirigé sur Paris s’en plaignait au préfet le 5 Mars, demandant à être changé de résidence ou envoyé à Angoulême, dans sa famille. Le préfet communiqua cette requête au Grand-Juge en lui rappelant le désir de Biget d’être employé à Paris, où il serait très utile pour reconnaître et faire arrêter les hommes de Cadoudal.

    Biget, conscient de son importance, ne pouvait croire à l’incurie du Grand-Juge et de Réal, qui laissaient de côté un homme aussi utile que lui dans les circonstances présentes ; il ne savait sans doute pas encore que la plupart des accusés et Georges lui-même étaient arrêtés. Il écrivait donc à Mounier, le 7 mars, sur un ton ironique « Monsieur le Préfet, je commence à croire, décidément, que le Grand-Juge ne donne pas d’importance à l’affaire dont nous avons parlé. S’il ne sent pas le prix de l’offre, je ne puis que le plaindre et les gens sensés et capables qui veulent servir l’ordre des choses établi.

    Aucune réponse favorable n’arriva ; on n’avait plus besoin de Biget et il restait suspect malgré sa bonne volonté et les services rendus ; la confiance qu’il inspirait au préfet ne le consolait pas et le 7 Juillet il écrivait à Fouché, de nouveau Ministre de la Police, pour se plaindre de la surveillance à laquelle il était astreint depuis trois ans, comptés depuis le 3 Nivôse, époque où il avait subi un emprisonnement injuste de onze mois, il rappelait que pendant ces trois ans il ne s’était absenté de Rennes que pour aller deux fois dans sa famille à Angoulême et il demandait à être déchargé de toute surveillance.

    Il est probable que les bons services de Biget, s’il avait eu un peu plus de patience, lui auraient procuré la faveur d’entrer dans la Police parisienne ou d’obtenir une place du gouvernement dans quelque administration, mais une catastrophe allait définitivement terminer sa carrière.

    Les ressources pécuniaires de Biget avaient toujours dû être assez précaires. Il était à la charge de sa famille, très pauvre elle-même car sa propre fortune s’était évanouie depuis longtemps et ce qu’il en restait avait même été un moment mis sous le séquestre. Déjà, en 1800, le préfet Delaistre l’accusait d’avoir ruiné sa famille. Il est donc certain que Biget n’avait en 1804, d’autres ressources que celles provenant du préfet Mounier, d’ailleurs assez chichement mesurées. En raison de son dénûment, au mois d’Août 1804, Biget se décida à essayer un stratagème pour tirer de l’argent à la fois de son préfet et probablement aussi des agences royalistes d’Angleterre et de Jersey. Il projeta donc de créer une apparence de complot mi-royaliste, mi-républicain que, suivant l’occurrence il pourrait dénoncer au gouvernement ou s’en targuer près du Comte d’Artois.

    Le projet était d’ailleurs de réussite plus qu’incertaine. Le chef de Chouans Biget, à la fin de 1804, était absolument brûlé à Rennes. Ses anciens camarades, au dire même du général Julien, préfet du Morbihan, le considéraient comme un traître et cette flétrissure ne pouvait pas être ignorée à Rennes. Biget ne pouvait donc agir que sur des simples ou des ignorants. Il se décida à commencer sa propagande anti-gouvernementale en s’adressant à un brave ouvrier, le nommé Fabre, armurier et ancien soldat, qu’il connaissait depuis peu. Dans une conversation politique, il lui affirma la défaite probable de Napoléon, en raison de l’alliance Anglo-Russe qui venait de se conclure. Fabre, étonné, écouta le beau parleur qui revint plusieurs fois le trouver. Il l’écoutait, a-t-il dit, pour pouvoir déjouer ses projets, une fois dévoilés. Après quelques entrevues, Fabre proposa à Biget, de lui faire connaître un de ses amis, le nommé Le Harper, qu’il déclarait être dans les bonnes idées. Il y eut donc une conférence avec Le Harper, à qui Biget proposa de former un Comité de royalistes et de républicains pour se défaire de Napoléon. Le Harper amena, un peu plus tard, à la conférence un sien ami nommé Michel Duroy, qu’il garantissait comme un adepte des plus sérieux. Celui-ci devait amener d’autres adhérents. Biget proposa alors de créer de suite une commission qui rédigerait une adresse à Louis XVIII, adresse qu’il porterait lui-même en Angleterre.

    Ces menées misérables montrent de façon évidente le peu de valeur de Biget qui, du premier coup, se confiait à des gens inconnus, sans faire sur eux la plus légère enquête, enquête qui lui aurait montré de suite à qui il avait affaire. Le Harper et Duroy, en effet, étaient d’anciens terroristes miséreux et mal famés, Duroy était, en outre, un prêtre marié. Ces deux individus étaient de bas policiers au service du Général commandant la Division. Avec des intentions aussi pures que celles de Biget, s’ils étaient entrés dans ses vues, c’était pour tirer quelque argent de ce fantôme de conspiration.

    Le général Delaborde, jacobin mal converti, avait, au mois de Juin 1802, tenté de diriger l’enquête sur l’affaire des Libelles, mais il avait eu le désagrément d’être primé en tout par le subtil préfet Mounier. Les royalistes n’ayant pu être atteints par lui, Delaborde gardait de ce mécompte un vif ressentiment contre le préfet, cet ex-émigré et il adoptait envers lui une attitude rogue. Dans ces dispositions, il ne pouvait que désirer de prendre une revanche.

    Delaborde dut tressaillir de joie quand le nommé Duroy, son espion, vint lui dénoncer un gros complot royaliste, monté par un ancien Colonel de Chouans qui, par surcroît, était l’indicateur du préfet, lequel, après tout, n’ignorait peut-être pas le complot. Delaborde ravi de trouver une telle occasion de donner le camouflet à Mounier, s’entendit avec son second, le général de gendarmerie Mignotte et le 28 septembre, celui-ci, fit appréhender Biget en pleine rue par le commandant d’armes Mayeux. Le prisonnier fut amené à l’hôtel du Quartier Général pour y être interrogé et on saisit ses papiers à son domicile.

    L’arrestation de Biget, citoyen français, quoique en surveillance, cette arrestation ordonnée par un Commandant militaire était une violation flagrante des lois, mais qui s’inquiétait des lois au mois de septembre 1804, si peu de temps après l’assassinat du duc d’Enghien, après l’exécution de Cadoudal et de ses compagnons ? Le général Delaborde savait bien qu’avec le prétexte de conspiration royaliste il n’avait pas à se gêner et il ne se gêna pas.

    Biget, interrogé par Mignotte déclara n’avoir pas à répondre à des questions posées illégalement. Delaborde le fit alors écrouer le 30 septembre au matin, à la Tour-Lebas, prison militaire de la ville. On lui adjoignit son pseudo-complice Fabre, mais on se garda bien d’incarcérer Le Harper et Duroy, organisateurs du complot au même titre que Biget.

    JLe préfet Mounier avisé de l’arrestation de Biget et de Fabre demanda des explications au général Delaborde qui les refusa. Mounier écrivit au Ministre de l’Intérieur pour lui rendre compte de l’incident. Le général Delaborde avait écrit en même temps à son Ministre pour lui narrer les faits, mettant tout à la charge de Biget. La Police générale feignait de croire à son tour à une machination sérieuse du Chouan. Cependant, comme il était impossible d’admettre le procédé par trop illégal du général Bertier, Ministre de la Guerre, prescrivit à Delaborde de remettre les prisonniers à l’autorité civile ; il ne fut obéi que le 16 octobre. Le général Delaborde pour mieux manifester sa mauvaise volonté ne fit pas suivre les prisonniers des procès-verbaux de l’arrestation et de leurs interrogatoires ; il fallut une nouvelle réclamation du préfet à son Ministre pour les obtenir.

    L’affaire entre les mains d’un homme loyal et expérimenté fut vite élucidée ; Biget, interrogé le 27 octobre, prétendit n’avoir travaillé que pour le gouvernement ; il rappelait au préfet que ce dernier devait le charger de se rendre auprès de Monseigneur Dutheil, un des principaux confidents du Comte d’Artois « avec qui il avait été particulièrement lié et, par ce moyen, il aurait été facile de savoir les projets arrêtés pour exciter de nouveaux troubles ». Le projet de conspiration n’était rien qu’une ruse destinée à donner confiance aux royalistes d’Angleterre. Biget prétendait même être venu un jour à la préfecture pour mettre Mounier au courant de son projet. Le préfet étant malade, ce jour-là, il n’avait pas pu être reçu. Le nommé Duroy lui avait assuré, d’ailleurs, qu’on n’avait rien à craindre du général qui ne demandait pas mieux que de tout ignorer et qu’on aurait rien à craindre de lui, ajoutant « si nous agissons prudemment, il sera dans cette affaire comme dans celle du Général Simon où il ferma les yeux ». C’était Duroy qui avait affirmer à Biget devoir s’occuper spécialement de la formation d’un Comité composé de royalistes et de républicains. Il mettait donc tout le gros de l’affaire à la charge des espions militaires.

    Le Conseiller d’Etat Réal, maintenant chargé du premier arrondissement de Police au Ministère, ayant la même mentalité que Fouché, avait naturellement accepté toutes les assertions du Général Delaborde et il voulait charger les royalistes de cette basse intrigue que personne ne pouvait prendre au sérieux. Ministre et Conseiller d’Etat furent cependant obligés de reconnaître l’inanité de l’affaire après l’enquête de Mounier, quels que fussent leurs désirs de transformer l’intrigue en un solide complot royaliste.

    Le 4 décembre le préfet rendait compte à Réal que son Ministre lui avait donné l’ordre de relâcher Fabre, mais que Biget devrait garder prison jusqu’à nouvel ordre. Réal annonça la décision prise au Général Delaborde le 8 décembre 1804. Le vertueux Réal l’ancien ami d’Hébert, le substitut de Chaumette, flétrissait de bonne encre la conduite « de ce Biget, déjà transfuge à son parti et employé précédemment par la police … Ce Biget, homme essentiellement vil et corrompu, s’efforçait de tirer de tous côtés de l’argent, en trahissant à la fois les intérêts de la sûreté publique et ceux des ennemis de l’Etat ». Il ajoutait que le peu de succès de ses démarches et des raisons de convenance empêchaient de faire juger Biget, qui serait détenu provisoirement tandis que son prétendu complice Fabre serait élargi. Réal comblait d’ailleurs de louanges le vigilant et loyal Delaborde pour son dévouement à l’Empereur.

    Pour terminer honorablement cet épisode policier, Réal allouait à Duroy le mouton du Général, une somme de 1200 fr. à titre d’encouragement et de récompense. Delaborde, lui, n’avait eu que des éloges. Quant à Mounier, peu de temps après cette affaire, il quitta Rennes pour entrer au Conseil d’Etat dont il fut une des lumières.

    La carrière de Biget était maintenant terminée ; le Chouan resta en prison une partie de l’année 1805, puis enfin fut élargi. Rendu à la liberté, l’administration ne pouvait plus le conserver à Rennes où il était trop connu, où il devenait impossible à employer encore comme policier. Il fut mis en surveillance à Angers. On aurait pu l’envoyer beaucoup plus loin du théâtre de ses premiers exploits ; le choix de la résidence d’Angers permet de croire qu’on espérait de nouveau utiliser ses services ; il était encore là en pays de connaissance.

    La fin de la vie d’Achille Biget n’est pas connue. Le 5 janvier 1806, il écrivait encore au Ministre de la Police pour que des papiers saisis à son domicile le 30 septembre 1804 lui fussent restitués. Cette démarche ne fut pas accueillie car les Archives Nationales gardent toujours ces papiers. Un rapport du Général Garraud, commandant la Charente fait encore mention de Biget en Juin 1805 ; après cette date, son nom ne figure plus dans aucun document. Biget a-t-il persévéré dans la Police ? a-t-il pu rentrer dans le clergé ? En quelle année est-il mort ? Mystères.

    La fin de cette vie est sans intérêt ; cette vie fut d’ailleurs curieuse seulement par le reflet particulier qu’elle emprunte aux évènements de l’époque. Les mouvements violents de la révolution avaient projetés hors du cercle prévu de leur vie une foule d’hommes qui, sans ces circonstances exceptionnelles auraient vécu sans trouble dans leur province ; ces hommes déracinés, lancés dans les aventures ne purent pour la plupart se réencadrer dans la vie normale. Il leur fallait les émotions de la guerre, des conspirations et aussi parfois les émotions de la Police secrète. Les Archives de la Police napoléonienne sont pleines de révélations bien édifiantes sur la moralité des hommes et des partis.

    Fouché et Napoléon ont illuminé de leur génie spécial l’amas de turpitudes que dénoncent les Archives.

    Jean Biget, dit Achille, fils de François et de Jeanne Robert, né le 2 décembre 1764 à Laferrière, paroisse de Ruelle. – Signalement de Achille Biget, chef de chouans, âgé de 38 ans. Taille 1m67, cheveux et sourcils bruns, yeux gris, bouche moyenne, menton rond, visage ovale et brun. Natif de Ruelle, département de la Charente et profession de prêtre.

    Jean-André Valletaux, né à Hiersac (Charente), le 23 novembre 1757, fils de André et de Marie, enrôlé le 4 décembre 1779 au régiment d’Aunis, adjudant le 4 novembre 1791, garde constitutionnel, le 1er janvier 1792, licencié, 5 Juin 1792, lieutenant-colonel du 11e bataillon des volontaires de la Charente, général de brigade le 14 octobre 1794, armée du Nord, suspendu le 16 mars 1795, réintégré par les représentants du peuple le 20 mai 1795, armée des Côtes de l’Océan, prit part à l’expédition de Quiberon, fut tué en Espagne, 13 juin 1811, affaire de la Quintina del Rey. Valletaux interrogé par les Conventionnels Choudieu et Florent-Guyot sur les causes de sa suspension par le Ministre à l’armée du Nord, répondit qu’il avait été dénoncé aux Jacobins d’Armentières par un gendarme de la 31e division.

    Jean Guimberteau, avocat, né à Angoulême, 1er septembre 1744. Député à la législative, 6 septembre 1791. Conventionnel 4 septembre 1792.

    Antoine-Denis Dubois de Bellegarde, né à Angoulême le 1er mars 1738, mort à Bruxelles en 1825, d’abord garde du corps, capitaine des chasses du Comte d’Artois en Angoumois, maire élu d’Angoulême. Législative en 1791, Convention 4 septembre 1792, membre des 500, 24 septembre 1795, réélu après fructidor. Inspecteur des forêts sur l’Empire, mort en 1819 en exil.

    Pierre-Joseph-Jean-Baptiste Descordes, avocat, né à Angoulême, 1er avril 1760, mort à Poitiers, 20 octobre 1836. Député en 1796 aux 500, fructidorisé, arrêté puis relâché. Député de la Charente sous la Restauration, en 1807, le préfet de la Charente le notait ainsi dans un rapport, « n’est pas attaché au gouvernement, exerce une grande influence dans tout le département ».

    Jean-Baptiste Thorel, né à Paris, 17 novembre 1737, mort à Ruffec, 16 décembre 1815. Député aux 500 fut fructidorisé et rentra dans la vie privée.