Généalogie Charente-Périgord (GCP)

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  • Les frères Forien, deux Nontronnais maires de Poitiers au XVIIIe siècle

    Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 1915

    L’article Forien du Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou débute ainsi : « Famille qui habitait le Poitou au XVIIIe siècle. Elle parait être d’origine étrangère à la province. Ses membres occupèrent de hautes situations dans la magistrature et les administrations civiles et possèdèrent une grande fortune (1). »

    Le hasard nous a permis de confirmer les prévisions des savants auteurs de cet important ouvrage et de solutionner la question ainsi posée : les Forien ne sont pas Poitevins, mais Nontronnais, et les deux maires de Poitiers de ce nom sont nés à Nontron (2).

    Cette famille y était fort ancienne ; M. de Laugardière (3) cite un Forien notaire en 1482 ; d’autres furent avocats au siècle suivant et au XVIIe ; nous les trouvons, nombreux, appartenant à des classes diverses : bourgeois et marchands.

    Dans les registres d’état-civil et les minutes de notaires, nous pouvons suivre la filiation de plusieurs branches :

    Forien de Villopré, de la Borie, de la Courarie, de la Planèze, de la Chapoulie, de Mantrop et des Places, tous éteints, sauf ces derniers (4).

    Jean Forien, né le 3 mai 1648, de Jean (5) et de Jeanne Arbonneau (6), qui se titre de sieur de Grafeuille (7), comme son père, exerçait à Nontron la profession modeste de maître chirurgien ; de sa femme, Anne Baylet (8), il eut, de 1679 à 1695 de nombreux enfants ; dans les registres d’état-civil, nous avons relevé douze baptêmes le concernant (9).

    Chose singulière, si l’on examine de près tous ces actes, où invariablement notre Jean Forien est qualifié de bourgeois, on remarque que partout cette qualité a été inscrite après des grattages plus ou moins habiles et, sans être déchiffreur de palimpsestes, il est facile de se rendre compte, par les lettres qui subsistent, que partout les mots maistre chirurgien existaient antérieurement (10). Ce qui va suivre nous expliquera le pourquoi de cette substitution.

    Parmi les actes de baptêmes des enfants de Jean Forien, on relève à la date du 31 août 1681 celui de Thibault, né le 28, et à la date du 1er mai 1692 celui d’Elie, né le même jour.

    Si l’on se reporte aux deux premiers degrés de la généalogie donnée par MM. Bauchet-Filleau, d’après Chérin, on voit qu’il y a concordance presque absolue comme dates, noms et prénoms (11) ; il ne saurait donc y avoir de doute sur la patrie de ces personnages.

    Jean Forien était bien apparenté, mais sa situation pécuniaire ne paraît pas des plus brillantes ; on voit dans un acte du 5 octobre 1690 (12) qu’en 1689 son parent, Louis de Camain, l’avait fait saisir pour défaut de paiement de loyers ; à sa chirurgie, il joignait, comme beaucoup de bourgeois d’alors, l’exploitation du temporel d’établissements ecclésiastiques qu’il prenait à ferme (13).

    Comment son fils, Thibault, put-il acquérir, dès 1711, des charges importantes, c’est-à-dire ce que nous n’avons pu découvrir d’une façon précise ; mais, comme le 4 avril 1709, nous voyons celui-ci prendre à bail les droits à percevoir sur les courtiers jaugeurs de Poitiers (14). Il est à croire que c’est dans les fermes des nombreuses charges créées au commencement du XVIIIe siècle que Thibault commença sa fortune, dont il fut lui-même l’artisan. D’autant plus qu’un acte du 21 juin 1714 nous le montre constituant une pension viagère de 400 livres à sa mère, alors veuve (15).

    Thibault, né à Nontron le 28 août 1681, fut baptisé le 31 suivant ; il eut pour parrain son oncle breton, Thibault Forien, juge de Nontron, et pour marraine, sa tante maternelle, Marie Baylet, femme de Léonard Vieillemard, sieur du Peyrat. Nous n’avons rien trouvé sur sa jeunesse ; mais dès 1707, il est fixé à Poitiers, paroisse Saint-Cybard ; il se qualifie alors de bourgeois (16).

    En 1711, il achète une charge de trésorier provincial de l’extraordinaire des guerres à Poitiers où, le 13 juillet de cette même année, il épouse Marie-Radégonde de Montenay, fille d’Etienne, seigneur de Thorus, et de Marguerite Delage (17). L’année suivante, il acquiert la charge de receveur alternatif des tailles et deniers communs de l’Election (18) ; à partir de 1718, il prend la qualité de seul receveur des tailles de l’Election (19).

    Lors du rétablissement du système électif pour la municipalité de Poitiers, en 1719 (20), il fut nommé échevin ; le 20 décembre de cette même année, il déclare aux officiers de l’Election que, conformément aux privilèges qui viennent d’être rétablis, il entend vivre noblement (21).

    Le 26 juin 1722, il fut élu maire et capitaine de Poitiers, par 64 voix sur 95 votants ; aussitôt après l’élection, il se plaça à la gauche du maire sortant et remercia l’assemblée « avec beaucoup d’érudition » ; puis il fut reconduit à son domicile avec tambours et trompettes (22).

    Le 14 juillet suivant, il prêta un double serment, d’abord devant l’avocat du Roi, puis entre les mains de son prédécesseur ; il reçut après celui des échevins ; les grenadiers, la compagnie colonelle, avec tambours et trompettes, l’accompagnèrent ensuite chez lui, où il fit servir cinq tables « avec toute la délicatesse et l’abondance possible ». Il y eut parmi la population beaucoup de réjouissances (23).

    Durant sa magistrature, il s’employa surtout à la réduction du prix de rachat des charges municipales qui avait été fixé à 446 985 livres à imposer sur les habitants (24). A cette fin, il fit de fréquents et longs séjours à Paris.

    Réélu les années suivantes (25), il ne quitta la mairie que le 14 juillet 1727, lequel jour le conseil se rendit avec lui à l’église Notre-Dame pour remercier Dieu « de sa sage administration (26). »

    Il était encore échevin en 1730 et fut renommé maire en 1740 ; lors de sa sortie de charge, le 14 juillet 1741, le conseil lui témoigna à nouveau sa reconnaissance pour tous les services qu’il avait rendus à la ville, tant que cette année que dans les cinq antérieures, notamment par son zèle à conserver à Poitiers la protection du prince de Conti, gouverneur du Poitou (27).

    Thibault mourut à Poitiers le 8 août 1752 et fut inhumé le jour suivant dans l’église Saint-Savin ; dans son acte de décès, il est qualifié de seigneur Saint-Juire, les Touches, Thorus et autres lieux (28).

    Ses filles avaient contracté de brillants mariages ; l’une avait épousé le vicomte de Barthon de Montbas ; l’autre un Avice de Mougon ; son fils Thibault-François-Gaspard fut président au présidial de Poitiers, conservateur des privilèges royaux de l’Université, puis conseiller au parlement de Paris ; il ne laissa pas de postérité.

    Elie Forien, né à Nontron le 1er mai 1692, fut tenu sur les fonts baptismaux par Elie Arbonneau, sieur des Martinies, bourgeois, son cousin remué de germain, et par Bertrande Pastoureau, veuve de Thibault Forien, juge de Nontron.

    Il n’eut pas, semble-t-il, la valeur de son frère et se contenta de marcher dans son sillage.

    Le 10 janvier 1725, il est élu bourgeois de l’hôtel de ville de Poitiers, par 63 voix sur 75 votants, et le 17 suivant, 64 voix sur 81 le désignent comme échevin ; en suite de quoi il déclare vouloir vivre noblement (29).

    La même année, il est nommé receveur des tailles de Niort, où il épouse, le 12 février de cette année, Marie-Thérèze-Angélique Desprez, fille de feu François, écuyer, seigneur de la Poterie, receveur des tailles, et de Marie-Anne Aubusson (30).

    Vers 1740, son frère se démit en sa faveur de ses charges de receveur des tailles, et en 1741, il le remplaça également comme maire de Poitiers. A cette occasion, Thibault prononce un éloquent discours, où il fait remarquer que son frère a vu son administration de près, qu’il connaît « les voyes qu’il a employées pour la rendre douce et heureuse et qu’il a puisé dans la même source des dons si précieux (31). »

    Remarié vers 1746 à Marie-Thérèze Aubusson, il était encore maire en 1747 et échevin en 1760 (32). Nous ignorons la date de sa mort ; il se titrait de seigneur de la Rochesnard, Fougerye, Bassue et de la Bergerie.

    Ses filles s’allièrent aux de la Haye de Rigny et aux Lecomte de Rivault ; en 1760, il abandonna ses charges à son fils Jean-Elie ; il réunissaient alors sur sa tête les titres suivants : receveur alternatif des tailles de l’Election de Poitiers ; receveur ancien des tailles de la même Election ; trésorier receveur ancien mitriennal et alternatif mitriennal des deniers d’octroi et patrimoniaux de la Géneralité de Poitiers ; deux offices de conseiller contrôleur-vérificateur ancien mitriennal et alternatif mitriennal des deux trésoriers-receveurs des deniers d’octroi et patrimoniaux des villes de Poitiers et de Parthenay (33). Un véritable trust !

    Il fit partie du ban de Poitou en 1758 et vit sa noblesse confirmée en 1773 (34). Marié à Paris en 1760, à Catherine-Dauphine de la Gauderie, il ne laissa pas de descendance masculine.

    Ce fut probablement lui qui, en 1785, fit dresser sa généalogie par Chérin, et c’est sans doute à cette occasion que, pour masquer l’origine modeste de sa famille, il fit procéder, avec la complicité du curé de Nontron, à la falsification des registres paroissiaux (35).

    Les Forien n’avaient du reste pas complètement abandonné leur pays d’origine et ils étaient restés en relation avec plusieurs de leurs parents, notamment avec les Moreau de Villejallet (36).

    Ce ne fut qu’en 1756 qu’ils aliénèrent, moyennant 1.400 livres, la maison paternelle qui était située à Nontron, place de la Cahue (37).

    Le Dictionnaire précité donne comme armes aux Forien : coupé : 1er d’or ou d’argent à 3 fasces de gueules ; 2e d’azur à trois fleurs de lis d’or et un triangle en cœur ; la pointe en haut.

    Ces armes se retrouvent sur le testament en date du 21 juillet 1748, de Catherine Forien, veuve de François Forien de Villopré ; mais le triangle est remplacé par un croissant (38). Elles figurent également, écartelées avec les armes des Moreau, sur des assiettes d’étain en la possession de M. Th. de Saint-Martin.

    Telle est, rapidement esquissée, après des recherches superficielles, la biographie de ces deux Nontronnais ; souhaitons de la voir quelque jour reprise par un confrère poitevin ; mieux placé que nous, il pourra nous dire, grâce aux riches archives muncipales, quel fut exactement leur rôle ; déjà, tel qu’il ressort des documents cités, il paraît suffisamment honorable pour mériter aux deux frères Forien une place dans le Panthéon Nontronnais.

    Ces faits étaient d’autant plus à signaler que, d’une part, sous l’ancien régime, le Nontronnais était fort casanier et que, d’autre part, dans une ville comme Poitiers où l’esprit local et municipal était fort développé — même après un régime vénal comme celui instauré par l’édit de 1692 — l’accession aux charges du corps de ville, qui conféraient la noblesse, était jalousement gardée au profit des familles du pays.

    Pour obtenir ainsi leurs grandes lettres de naturalisation et s’imposer aussi rapidement au caractère poitevin, peu liant et peu disposé à laisser l’étranger s’installer en maître chez lui, ces deux personnages durent joindre à un savoir-faire incontestable, à des qualités de cœur sérieuses, de réels talents d’orateur et d’administrateur.

    R. D.

    Pièces justificatives :

    Baptême de Thibault Forien

    Le trente uniesme d’août a ésté baptizé Thibault Forien, fils naturel et légitime de Jean Forien, bourgeois (39), et Anne Bayllé, damoiselle; lequel naquit le vingt huitiesme du présent mois; an que dessus; a esté son parrain Monsieur Me Thibault Forien (40), juge de Nontron, oncle breton, et sa marraine Marie Bayllé, damoiselle, sa tante maternelle, femme de M Léonard Vieillemard, sieur du Peyrat, tous natifs et habitans de la présente ville, présens les soubsignés. Faict par moy, vicaire soubsigné.

    Signé : T. Forien, parrain, J. Pastoureau, Etienne Forien, Bertrande Forien, P. Laborie, Forien, Vieillemard, Estienne Forien.

    Baptême d’Elie Forien

    Le mesme jour que dessus, premier jour de may mil six cents quatre vaingt et douze, ont ésté nés et baptizés Hellie et Estienne Forien, frères jumeux, fils naturels et légitimes de Jean Forien, bourgeois (41), et de Anne Baylet; a esté le parrain de Hellie, Hellie Arbonneau (42) sieur des Martinies, bourgeois, son couzain remué de germain paternel, et sa marraine, Bertrande Pastoureau, veuve de feut Thibaud Forien, en son vivant advocat et juge de la présente ville, sa cousine remuée de germain paternelle, et a ésté le parrain d’Estienne, Estienne Mazerat, greffier d’Augignat, son cousin troiziesme paternel, et sa marraine, Marie Deyriaud (43), demoizelle de Bellevue, toutes parties habitantes et de la présente ville; lesquelles parties et Marie Deyriaud ont signé et non Bertrande Pastoureau, ne schachant.

    Lesdicts baptesmes ont ésté faits dans l’église Saint-Estienne, présente paroisse, par Monsieur Garat, vicaire, en présence des soubzsignés.

    Signé : La Farge, Pécon, Mazerat, parrain, Arbonneaud, paraint, Marie Deyriau, marène, Léonard Garat, vicaire.

    (Registres d’état-civil de Nontron)

    Notes :

    1. Par MM. Beauchet-Filleau, seconde édition en cours de publication, t. II, p. 500 ; Poitiers, Société française d’imprimerie.

    2. M. Rambaud, président de la Société des Antiquaires de l’Ouest, qiui, avec une complaisance infinie, a bien voulu faire pour nous des recherches aux archives municipales de Poitiers, trouvera ici l’expression de notre vive gratitude.

    Nous n’oublierons pas non plus MM. Prévost et Villepontoux, notaires à Nontron, qui, si aimablement, ont mis leurs vieilles minutes à notre disposition.

    3. Ribault de Laugardière : Essai sur l’arrondissement de Nontron, dans les Bulletins de la Société archéologique du Périgord et tirage à part.

    4. Une famille de Faurien-Desplaces existe encore dans la commune de Pensol (Haute-Vienne).

    5. Lui-même fils de sire François Fourien, marchand.

    6. Jeanne Arbonneau, décède à Nontron le 6 décembre 1692 ; son père, Jean, était en 1609, procureur d’office des paroisses distraites de Nontron.

    7. Il y a plusieurs Grafeuil, Grafeuille ou Grafeuilh, aux environs de Nontron ; en 1638, le ténement de la Grafuilh, paroisse d’Abjat, dépend de la seigneurie de la Roderie ; en 1778, nous voyons mentionner dans un acte une pièce de terre appelée de la Grafeuil, près Nontron ; c’est sans doute de celle-ici dont il s’agit ici.

    8. Bayle ou Bayllet, famille originaire de Nontron ; Anne était fille de Jean, bourgeois, et de Suzanne Forien, celle-ci appartenant à la branche des Chapoulies. Ele avait deux sœurs : Marie, femme de Léonard Vieillemard, sr du Peyrat, et autre Marie, mariée d’abord à François Basset, juge de Quinsac, puis à Pierre Boulen, écuyer, sieur de Boslaurent, aide-major de la ville de Dunkerque.

    9. Quatre enfants eurent seulement postérité : les deux dont nous nous occupons ici et deux filles : Anne, qui épousa à Nontron, le 27 janvier 1713, Nicolas de Marcilhac, receveur des tailles de l’Election de Confolens, et Marie, mariée aussi à Nontron, le 3 novembre 1716, à Jean Moreau, seigneur de Villejallet, avocat et juge de Nontron.

    10. Marie Baylet, au lieu de Anne, et 30 août 1681, au lieu de 28 ; différences dues à des erreurs matérielles, la constitution de rente de 1714 prouvant surabondamment la filiation.

    11. Cette substitution a été opérée avec soin : un acte de baptême du 25 novembre 1685, où sont encore encore en blanc les prénoms de l’enfant, du parrain et de la marraine, a même été rectifié.

    12. Minutes de Grolhier, notaire à Nontron, du 5 octobre 1696.

    13. Le 23 septembre 1694, notamment, il prend la régie du prieuré de Saint-Sauveur de Nontron, appartenant à Claude Séguret, docteur en théologie, prévôt de la chapelle d’Eymoutiers, prieur de Saint-Denis de Pile ; Forien touchera 100 livres par an, et s’il est obligé d’aller à Bordeaux, il recevra 40 sols par jour. (Arch. de la Pouyade très obligeamment communiquées par M. le marquis de Lagarde).

    Jean Forien dut mourir en 1711.

    14. Archives départementales de la Vienne, C. — 743.

    15. Minutes de Danède.

    16. Acte de Grolhier, du 9 juin 1693, par lequel Jeanne Basset, veuve de François Dufraisse, sieur du Cluzeau, reconnaît lui devoir 441 livres 13 sols, payés par lui, pour Hugues Dufraisse, fils de la dite dame, (qui a demeuré depuis le 30 décembre 1705 à Poitiers, pour apprendre à lire, écrire et autres instructions convenables).

    17. En présence de son frère Elie et d’un autre Nontronnais, Etienne Vieillemard, sieur du Peyrat, son cousin germain. (Arch. communales, paroisse St-Paul, reg. n. 183).

    18. Archi. dép. de la Vienne, C. — 147, 648, 748 ; ses provisions sont du 24 juillet ; sa prestation de serment du 18 août.

    19. Arch. dép. C. 255.

    20. C’est en 1718 que la charge de maire perpétuel, créée en 1692, fut supprimée, et que le maire fut élu, selon les anciennes formes. Les lettres patentes sont de décembre 1718 ; (cf. Arch. dép. C. 755).

    21. Arch. dép. C. 755 et arch. com. reg. del. n. 143.

    22. Arch. com. de Poitiers, reg. des délibérations n. 140.

    23. Arch. com. reg. del. n. 141.

    24. Arch. com. reg. del. n. 142.

    25. En 1725, par 64 voix sur 81 votants. (Arch. com. reg. del. n. 124).

    26. Arch. com. reg. del. n. 124.

    27. Arch. com. reg. del. n. 161.

    28. Arch. com. reg. par. de St-Savin.

    29. Arch. com. reg. del. n. 124.

    30. Dict. des fam. du Poitou, t. II, p. 500

    31. Arch. com. reg. del. n. 161.

    32. Arch. com. reg. del.

    33. Arch. dép. C. 782.

    34. Idem. Ea 106.

    35. Ce n’est pas le seul « tripatouillage » que l’on rencontre dans ces registres ; pour un motif qui nous échappe, tous les actes inscrits en 1713 et 1714 jusqu’au 6 mars, ont été surchargés et rajeunis d’une année !

    36. On voit dans un acte du 4 avril 1718 que Thibault s’était chargé de l’éducation de l’un des enfants d’Hélie Foirne, sieur du Fanis. (Quilhac, notaire).

    37. Vente Boyer, du 3 mai 1756, consentie par Elie Forien, qui demeurait alors à Poitiers, place Saint-Pierre, par. Saint-Hilaire, et son neveu, Thibault-François-Gaspard, domicilié place Royale, par. Saint-Porchaire. Cette maison, qui est peut-être leur maison natale, est dite joignant du levant à la place ; du couchant, à la rue qui va du canton à la fontaine de St-Pierre ; du nord, à l’acquéreur Elie Pastoureau, sieur de la Besse ; du sud, au jardin de Joseph Mazerat, avocat.

    38. Boyer, notaire.

    39. Après ce nom, espace gratté sur lequel se trouve le mot bourgeois. On distingue encore les lettres m a.

    40. Fils de Etienne Forien, sieur des Salles et de Bertrande Deyriaud et cousin germain du chirurgien.

    41. Les mots Forien, bourgeois, recouvrent un grattage ; dans bourgeois, est incorporé la syllabe urg du texte primitif, i a été changé en e et de en on a fait ois ; le b recouvre le i et devant on voit le s de sirurgien.

    42. Elie Arbonneau était fils d’Antoine, sieur de la Jarthe, et petit-fils de Jean Arbonneau, procureur d’office des paroisses distraites.

    43. Sans doute femme de Jean de Rouffignac, seigneur de Belleville.

  • Plus grave fut l’affaire du choix du temple de la Raison le 7 décembre 1793. La commune opina pour les Récollets mais des citoyens préféraient l’église St-Maxime (ce qui empêchait tout culte catholique dans Confolens). Une assemblée des habitants convoquée au son du tambour à 11 heures du matin donna une forte majorité pour les Récollets. Aussitôt le comité révolutionnaire casse la décision communale et demande une nouvelle assemblée l’après-midi à St-Barthélémy. Motif : l’assemblée du matin (où on votait en levant ou non son chapeau) a été entachée d’irrégularités et d’incidents. «La tumulte a régné» et des femmes ont levé les chapeaux de quelques citoyens malgré eux pour sauver St-Maxime; une «femme Richard» est nommément mise en cause. C’est Babaud Lacroze qui vient apporter l’ordre signé Stanga et Grellier où le choix d’une assemblée à St-Barthélémy est habile : les habitants de ce quartier ne manqueraient pas de venir en masse voter pour que le temple de la Raison s’installe à St-Maxime, ce qui rouvrirait leur église désaffectée…

    On vote jusqu’au soir, les citoyens ayant été chapitrés par un discours de Mallat qui décrit «les erreurs où depuis plusieurs siècles les prêtres ont plongé les humains». 137 acceptent la proposition du comité et 128 la refusent. Le scrutin est clos quand le prêtre Lagrange de St-Maxime arrive avec «quelques citoyens» pour voter, ce qui est refusé. L’étroitesse des résultats (ou la menace d’une émeute ?) vont pourtant convaincre le comité que «provisoirement la fête de la Raison se ferait dans l’église des Récollets». Cet incident est riche d’enseignement : crainte d’un engagement de la part des élus, attitude des femmes attachées au culte (ce qui nuance sérieusement le jugement de Barbarin mentionné plus haut), pragmatisme des jacobins locaux pour éviter des troubles.

    Après cette expérience peu heureuse, le comité ne s’est pas hasardé à casser d’autres décisions municipales et reporte tout son zèle sur le sort des suspects. Le 25 mars 1794, le délégué du représentant Romme, Lassée, se présente pour épurer la société populaire et les élus. Il cherchait alors les homologues des « enragés » parisiens et il faut croire qu’on n’en trouvât point. Lassée se contenta de chapitrer les Confolentais du haut de la tribune du temple de la Raison où on lisait religieusement les lois voire les correspondances édifiantes tous les décadi. Une autre tentative de la Société Populaire pour transférer le temple à St-Maxime (où le culte avait cessé) échoua le 31 mai 1794. La commune refusa la demande en invoquant les travaux déjà faits aux Récollets. Il est vrai qu’elle avait alors de la peine à payer les dix instituteurs et institutrices qui assuraient un enseignement primaire à Confolens.

    Source : La Révolution française à Confolens.

  • Arrondissement de Ruffec.

    Composé de 4 cantons, 83 communes, 58.745 habitants.
    M. Badou, sous-préfet, à Ruffec.

    Messieurs.

    Binet du Palais, prop. à Verteuil.
    D’Hémery, maire de Bioussac.
    Gauthier-Laplaine, maire d’Aigre.
    Labarde, prop. à Fouqueures.
    Lambert, prop. à Mansle.

    Lassée, avocat, à Salles.
    Martin-Lacombe, prop. à Fontclaireau.
    Nadaud, maire de Ventouse.
    Poitevin-Lépinière, maire d’Empuré.

    Source : Almanach royal, 1836.

  • Vente, moyennant 2,000 livres, par Jean-Théodore Pinot, bourgeois, fondé de procuration de Marie Boreau, sa femme, ledit Pinot héritier sous bénéfice d’inventaire de Claude Carron, sieur de Montifaud, son oncle, d’une part, à Jean Lassée, aussi bourgeois, demeurant au lieu de Goize, paroisse de Ventouse, enclave de Valence, de présent à Angoulême, à l’auberge ou pend pour enseigne le Cheval-Blanc, d’autre part, savoir est de la métairie de Montifaud, située dans les paroisses de Ventouse, Valence et Cellefrouin.

    Transaction sur compte, entre demoiselle Marie Carron, veuve de Jean Constantin, procureur d’office de la châtellenie de Chasseneuil, et Martial Degorces, tant pour lui que pour demoiselle Marie-Anne Carron, sa femme, d’une part; et Jean Lassée, sieur dudit nom, demeurant à Goize, paroisse de Valence, d’autre part.

    Quittance de 60 livres pour un quartier de sa pension monachale donnée à Jacques Bouniceau, sieur de La Combe, et Laurent Roc, marchands, fermiers de l’abbaye de Cellefrouin, par Pierre Bouniceau le jeune, religieux de ladite abbaye, que représente Jean Lassée, sieur des Touches.

    Contrat de mariage entre Sébastien Dalençon, sieur des Fontenelles, praticien, fils de défunts Sébastien Dalençon, sieur du Peyrat, et Philippe Lassée, demeurant à Chilloc, paroisse de Nanteuil-en-Vallée, d’une part; et Jeanne Marin, fille de défunts François Marin, marchand, et Marie Bareuil, sa femme, d’autre part.

    Obligation par Elie-Salomon de Lassée, seigneur de Coins et par Marie Bouilhat, femme de Claude Dupin, receveur des tailles de l’élection de Châteauroux, au profit d’Henri Gayault, écuyer, seigneur de Voust, prévôt général des maréchaussées de Berri, chargé de procuration de Pierre Chauveton, seigneur de Condé et Saint-Sergier, maire perpétuel d’Issoudun, d’une somme de 10,480 livres, pour l’élargissement dudit Dupin, détenu dans les prisons royales pour non payement de cette somme.

    Source : Archives départementales de la Charente et de la Creuse.

  • Le renouvellement d’une commission de subdélégué en faveur de membres d’une même famille ne paraît pas toujours aller de soi comme le prouve la lutte pour le siège de Thiviers en 1781. Nous avons vu, précédemment, comment les visées du subdélégué de Nontron avaient été rejetées. D’autres candidatures surgissent néanmoins, celle d’un fils de médecin et celle d’un dénommé Bourdelles dont nous ignorons la profession. La veuve du subdélégué Rochefort, sentant le danger, s’empresse de réagir en écrivant à Dupré de Saint-Maur. Elle fait d’abord l’apologie de son défunt mari : « Il est de notoriété publique qu’il n’a pas augmenté son héritage d’une obole… Il serait bien à désirer que tous les hommes en place s’acquittassent de leur devoir, avec le même désintéressement et la même probité ». Elle plaide, alors, la cause de son neveu, doté des mêmes qualités d’âme que le défunt, puis s’en prend violemment aux autres compétiteurs ; la veuve vise, notamment le fils du médecin, accusé d’etre l’auteur de lettres anonymes dirigées contre l’ancien subdélégue. Nous pouvons voir, ici, le réseau relationnel tissé par les auxilaires de l’intendant. Le neveu de M. de Rochefort, alors sous-lieutenant dans un régiment de dragons, bénéficie, à l’appui de sa candidature personnelle, de témoignages de grande valeur adressés à l’intendant. Il peut, en effet, se prévaloir du concours des officiers municipaux de Thiviers ainsi que du soutien apporté par le subdélégué de Périgueux, Eydely. Mais la lettre, envoyée par le ministre Bertin, constitue son meilleur atout. L’ancien contrôleur général des finances écarte, habilement, le principal argument susceptible de faire rejeter cette candidature, la qualité de militaire du postulant, avant de souligner, au contraire, les aspects positifs d’une telle nomination : la collaboration avec l’oncle décédé quand il était en semestre, pendant plusieurs années, et, surtout, l’estime accordée au jeune militaire par la noblesse du canton. Le comte de Jumilhac prend d’ailleurs la plume pour défendre la cause du neveu de M. de Rochefort en montrant la maturité du candidat agé de trente et quelques années. L’intendant de Bordeaux tient, certes, à démontrer qu’il est le seul à prendre la décision définitive, comme le révèle sa réponse adressée au subdélégué Eydely : « J’attends encore quelques éclaircisssement avant de me décider ». La correspondance administrative, échangée avec le subdélégué de Thiviers, dans la décennie pré révolutionnaire, prouve la victoire du jeune Rochefort. Elle souligne le poids des appuis dont il bénéficiait, et les limites du pouvoir de l’intendant devant les sollicitations de Versailles.

    Les dynasties de subdélégué ne réussissent pas à s’imposer toujours et doivent tenir compte de règles incontournables. La famille Duboffrand en fait l’amère expérience dans son ressort de Nontron. Le subdélégué revendique, en juillet 1774, l’attribution d’une commission, comme subdélégué adjoint, au profit de son petit-fils. Il fournit deux arguments pour étayer sa demande : une telle charge favoriserait, d’abord, la conclusion de l’alliance matrimoniale que le jeune avocat veut nouer avec une riche nontronnaise ; elle permettrait au vieux subdélégué de bénéficier de l’assistance d’un collaborateur qu’il pourrait bien controler. Les espoirs de la famille Duboffrand sont anéantis, dès le surlendemain par une lettre de l’intendant. Ce dernier cherche bien à ménager l’honneur de son auxiliaire en faisant référence aux témoignages favorables relatifs aux talents et à la bonne conduite de l’avocat. Mais Esmangart apporte son veto à l’octroi d’une telle commission car elle transgresserait les règles d’âge : le jeune avocat est encore mineur. Il donne, cependant, l’assurance d’une conclusion favorable à la délivrance d’une telle commission, dans un avenir plus ou moins proche, afin de faciliter le mariage du petit-fils de M. Duboffrand. Le subdélégué fait, contre cette mauvaise fortune, bon coeur, assure son supérieur du maintien de son zèle dans l’exercice de la tâche qui lui a été confiée, mais exprime les plus vives réserves quant au succès de l’alliance matrimoniale recherchée.

    […]

    Bien qu’auxiliaires de l’intendant, les subdélégués n’adoptent pas toujours un comportement passif face à ces bouleversements administratifs. Ils n’ont, certes, guère le choix et doivent apprendre à s’incliner devant les décisions qui leur sont transmises. Prenons l’exemple du subdélégué de Périgueux, Eydely, lors de la création de la subdélégation de Ribérac en 1762. Sa position personnelle ne lui permet guère de protester car il vient d’etre maintenu, comme seul titulaire, dans cette charge depuis quelques mois. Remarquons, cependant, l’habileté dont il fait preuve dans la lettre adressée à l’intendant Boutin, le 15 septembre 1762.

    « Je vois, non seulement sans regret mais avec satisfaction, le démembrement que vous faites de la subdélégation de Périgueux pour en former une à Ribérac, sur la tete de Monsieur Pourteyron ; vous m’y avez préparé avant qu’il fut question de travail à Ribérac… Vous savez avec quelle franchise j’ai approvué votre projet ; la bonne administration de cette partie de votre généralité est au-dessus de l’interet qui aurait pu me faire désirer la subdélégation de Périgueux dans son intégrité ». Le subdélégué cherche, tout en s’inclinant, à défendre son interet personnel. Il demande à conserver deux paroisses qui devaient etre rétrocédées à l’arrondissement de Ribérac. La première, le Bourg des Maisons, appartient au controleur général Bertin ; la seconde, Saint-Aquilin, lui tient à coeur parce que proche de l’Isle. Eydely a vraisemblablement obtenu satisfaction puisque ces deux localités figurent, au titre de son département, dans le dénombrement de 1767 relatif à la milice.

    D’autres subdélégués adoptent une attitude plus agressive. Ainsi, celui de Nontron essaie d’exploiter, à son profit, le décès de son collègue de Thiviers, Jacques de Cros de Rochefort, survenu le 24 novembre 1781. Pierre Duboffrand n’hésite pas à écrire à l’intendant Dupré de Saint-Maur, dès le surlendemain de cette mort. Il met, d’abord, l’accent sur l’inutilité de cette petite subdélégation qui ne compte que 25 paroisses et qui a été créée en 1765 par Monsieur Boutin, au détriment de celle de Périgueux. Il avance, ensuite, des arguments liés à une meilleure efficacité administrative ainsi que la perspective d’économies. Trois semaines plus tard, Dupré de Saint-Maur lui signifie un refus polis mais ferme : « Il me paraîtrait difficile de penser à la supprimer… ». Il concède, néanmoins, quelques mots de consolation pour panser les blessures d’amour-propre de son auxiliaire : « Si elle avait été dans ce cas, j’en aurais joint volontiers une partie à votre subdélégation ». Les créations de subdélégations supplémentaires paraissent, donc, sans appel.

    Source : Château et territoire d’Yves Guéna.

  • François de Montsalard, médecin d’Henri IV

    Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 1902

    A la liste des médecins les plus distingués du Périgord, il convient d’ajouter un nom nouveau, celui de François de Montsalard, sieur du Peyratier, médecin ordinaire du roi et intendant des bains et fontaines minérales du royaume.

    Ce dernier était originaire de la paroisse de Champagne, où la famille de Montsalard possédait le domaine de la Foucaudie, qui, par suite de transaction, passa, en 1722, aux mains de François Jaubert, sieur de la Courière, juge sénéchal de Bourzac.

    Henri IV, dont le premier chirurgien était aussi un Périgourdin, François Martel, satisfait des services de François de Montsalard, lui accorda une pension annuelle de 600 livres tournois à prélever sur les amendes de la sénéchaussée du Périgord.

    Les lettres patentes confirmant ce don portent la date du 24 juillet 1609 ; elles furent enregistrés à Paris par la Chambre des comptes, le 12 août, et à Bordeaux par les trésoriers généraux de France en Guyenne, le 11 décembre de la même année. François de Montsalard vint requérir lui-même (1), le 8 janvier 1610, au greffe du présidial de Périgueux, l’enregistrement du brevet royal, dont le texte est ainsi conçu :

    « Henry, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à nos amez et féaux conseillers les gens de nos comptes à Paris et tresoriers generaux de France establis à Bordeaux, salut,

    Ayant pris en consideration le bon et fidelle debvoir que nre cher et bien amé François de Montsalard, sieur de Peratier, l’un de nos conseillers et medecins ordinaires, intendant et maistre des bains et fontaines minérales de nre royaume, a jusques a pnt rendus soubs nre premier medecin en exercice et fonction de lad. charge d’intendant et mre desd. bains et fontaines minérales, et que pour s’en acquitter dignement et fidellement comme il a faict et desire continuer à l’advenir, il luy convient faire de grandes despences, lesquelles il ne pourroit supporter, n’ayant esté par nous attribué aucuns gaiges à lad. charge.

    Sçavoir faisons que Nous, desirant en ceste occasion gratifier et favorablement traicter led. de Montsalard et luy donner moyen de s’acquitter soigneusement comme nous sommes asseurés qu’il en a la volonté, de ce qui est du debvoir et de la fonction de lad. charge d’iceluy, pour ces causes et autres a ce nous mouvans, Avons accordé, donné et octroyé, comme par ces pntes signées de nre maine, Nous luy accordons, donnons et octroyons la somme de six cents livres tournois, dicelle avoir et prendre doresnavant par chacun an par forme de pention, tant et si longuement qu’il sera pourveu de lad. charge, sur les deniers provenans des amandes a nous adjugees en nre seneschaussée de Perigort, les charges ordinaires sur icelles prealablement acquittées. Si vous mandons et ordonnons que par celuy de mes recepveurs qu’il appartiendra et des deniers de la nature susdicte lesd. charges préablablement acquittées, vous faictes payer et delivrer comptant aud. de Montsalard lad. somme de six cents livres que nous luy avons, comme dict est, accordé par forme de pention doresnavant par chascun an tant et si longuement qu’il sera pourveu de lad. charge, aux termes et en la manière accoustumée, à commencer du jour et datte des pntes, rapportant lesquelles ou copie dicelles deuement collationnées pour une fois, avec quittance dut. de Montsalard, nous voulons lad. somme et tout ce que pour ce payé et délivré luy aura esté, estre passé et alloué en la despence des comptes dud. receveur desduict et rabatu de la recepte diceux par vous gens de nosd. comptes, vous mandant ainsi de la faire sans difficulté, car tel est nre plaisir, nonobstant quelsconques ordonnances, reglemens, mandemens, deffences, et lettres a ce contraires.

    Donné à Paris, le XXIVj jour de juillet l’an de grace mil six cents neuf et de notre regne le vingtiesme.

    (Signé) Henry.

    Par le roy :

    (Signé) Potier »

    On ne possède presque aucun renseignement sur le personnage qui mérita cette libéralité.

    Les registres paroissiaux se bornent à révéler sa présence, en 1627, à Champagne, en constatant le parrainage de François de Montsalard, « docteur en médecine et médecin du roi, » au baptême d’un enfant (2) issu du mariage de Jean de Montsalard, aussi docteur en médecine, probablement son frère, et d’Antoinette Dumas, de la Foucaudie Haute.

    Notre docteur fut-il marié et laissa-t-il des enfants ? On serait tenté de le croire, car les registres mentionnent encore un Charles de Montsalard, écuyer, qualifié comme lui de sieur du Peyratier dans l’acte de baptême d’une fille des mêmes propriétaires de la Foucaudie, en l’année 1630. Cette qualification ainsi transmise permet de supposer que l’ancien médecin d’Henri IV était mort dans l’intervalle des deux baptêmes.

    Les Montsalard jouissaient d’une grande considération dans la contrée. Philippe de Lageard, conseiller du roi en son conseil d’Etat et privé, son sénéchal au duché d’Angoumois, seigneur de Cherval et de Saint-Martial, et Madeleine de La Châtre, marquise de Bourdeille, Archiac, Montrésor et autres places, avaient été, en 1624, parrain et marraine du premier enfant de Jean de Montsalard.

    Enfin, il est hors de doute que la charge d’intendant général des bains et fontaines minérales de France, qui avait valu une pension à François de Montsalard, ne sortit pas après lui de sa famille, qui ne tarda point à s’implanter à Nontron.

    Jean de Montsalard, docteur en médecine, sieur de Savanat, conseiller du roi, son médecin ordinaire, intendant général et maître des bains et fontaines minérales de France (3), y épousa, par contrat du 9 juin 1636, Jeanne de Saint-Angel, veuve de Françoi Robin, juge de ladite ville.

    Les archives nontronnaises relatent d’honorables services rendus par les Montsalard à leur nouvelle patrie.

    Albert Dujarric-Descombes

    Notes :

    1. Il signa sur le registre : Montsalard.

    2. Ce filleul fut François de Montsalard, sieur de la Foucaudie, marié à Françoise Sardain. Leur fils, Joseph, but baptisé en 1649. (Registres de Champagne.)

    3. Les registres paroissiaux de Champagne le montrent tenant sur les fonts baptismaux, avec Marguerite de Conan, dame de Bellussière, en 1634, un enfant de Jean de Montardy. Ils le désignent, dans un acte de baptême de 1637, sous le titre de surintendant des eaux et minéraux de France.

  • Élie de Labrousse. * Le Bourdeix, diocèse de Périgueux, 15 déc. 1713. ° Sainte-Geneviève de Paris 27 déc. 1734. † Saint-Vincent de Vieille-Brioude 30 avril 1779 (66 ans, prof. 45). Prieur de Saint-Vincent de Vieille-Brioude sept. 1751-avril 1779. ProA. ChaA. CatB. CatC. Sup66. CatD. Sup78. Nom79. NécD.

    François de Labrousse. * Teyjat, diocèse de Limoges, 7 juin 1707. ° Saint-Irenée de Lyon 16 sept. 1728. † prieuré-cure de Saint-Quentin de Chasnay, diocèse d’Angers, 17 janvier 1785 (78 ans, prof. 58). Prieur-curé de Saint-Quentin de Chanais, dépendant de La Celle-Saint-Hilaire de Poitiers, 1773-1785. ProA. CatB. CatC. CatD (confusion avec Léonard). Nom85. NécD.

    Jean de Labrousse. * Teyjat, diocèse de Limoges, 3 janvier 1695. ° sept. ou 1er octobre 1715. † prieuré-cure de Saint-Martin d’Asnières 26 avril 1754 (59 ans, prof. 39). Demeure à Notre-Dame de La Couronne 1730. Prieur-curé de Bignay 1743. Prieur-curé de Saint-Martin d’Asnières à son décès. ProA. Factum. CatB. NécD.

    Léonard de Labrousse. * Nontron, diocèse de Périgueux, 3 janvier 1716. ° Sainte-Geneviève de Paris 27 déc. 1734. † après 1762 (absent du nécrologe; absent en 1773). Quitte peut-être la congrégation. ProA. CatB. CatC. Absent de CatD, de NécC.

    Isaac de Labrousse du Bosfrand. * Nontron, diocèse de Périgueux, 24 déc. 1703. ° Saint-Irenée de Lyon 2 février 1725. † prieuré-cure de Saint-Laurent de Briou, diocèse de Poitiers, 27 juin 1766 (63 ans, prof. 42). Prieur-curé de Saint-Laurent de Briou à son décès. ProA. Nom25. CatB. CatC. NécD.

    Antoine Dupeyroux. * Nontron (Dordogne) 11 août 1709. ° Sainte-Geneviève de Paris 31 juillet 1729. † prieuré-cure de Saint-Brice, diocèse de Limoges, 23 janvier 1779 (70 ans, prof. 50). Prieur de Saint-Pierre de Lesterps après 1754 et avant 1772. Prieur-curé de Saint-Brice, dépendant et de Saint-Pierre de Lesterps, 1773-1779. ProA. Nom29. CatB. CatC. CatD. Nom79. NécD.

    Germain Grolhier. * Nontron, diocèse de Limoges, 31 juillet 1757. ° Sainte-Geneviève de Paris 27 août 1780. † après 1794. Étudiant à Saint-Volusien de Foix. Demeure à Saint-Jean-de-Côle 1781. Sous-diacre sept. 1783, diacre à la Trinité 1784, prêtre sept. 1784. Curé de Lhéry (Loiret) 17 déc. 1789. Jure le 23 janvier 1791. Remet ses lettres de prêtrise le 20 janvier 1794. Se marie. Nom80. CatD. Pisani.

    Augustin Boyer de La Borderie. * Nontron 1692. ° Saint-Irenée de Lyon 1er sept. 1715. † prieuré-cure de Saint-Sulpice de la Dapeyre, diocèse de Limoges, 23 mars 1770 (78 ans, prof. 55). Prieur-curé de Saint-Sulpice de la Dapeyre, à son décès. ProA. CatB. CatC. Nom70. NécD.

    Jean-Baptiste Mazerat. * Nontron, diocèse de Périgueux, 15 août 1701. ° Saint-Irenée de Lyon 16 janvier 1724. † prieuré-cure de Saint-Honoré de La Petite-Boissière, diocèse de La Rochelle, 17 juillet 1770 (69 ans, prof. 47). Prieur-curé de Saint-Honoré de La Petite-Boissière à son décès. ProA. Nom24. CatB. CatC. Nom70. NécD.

    Source : Prosopographie génovéfaine, répertoire biographique des chanoines réguliers de Saint-Augustin de la Congrégation de France, 1624-1789.

  • Habitans: 28,000.

    Sacs de bled consumez: 112,000.

    La récolte ne va qu’au 3 quarts, c’est-à-dire à 84,000, et il manqueroit beaucoup pour la subsistance, sans les châtaignes et les autres grains.

    Le pais produit du froment, du seigle, bled d’Espagne, bled sarrazin, de l’avoine, des légumes dans les jardins seulement, chàtaignes qui font le quart de la récolte et de la subsistance des habitans.

    Le sac froment pèze 130 livres et le septier de Paris 240 livres. Ainsi les deux sacs pèzent le septier de Paris et vingt de plus.

    Le froment se vend 8 livres c’est le septier de Paris 16 livres 10 sols.

    Le seigle 5 livres, le septier 10 livres 12 sols 6 deniers.

    Le bled d’Espagne 4 livres, le septier 8 livres 10 sols.

    Le bled sarrazin 3 livres, le septier 6 livres 7 sols 3 deniers.

    L’avoine 3 livres 10 sols, le septier 7 livres, 12 sols 6 deniers.

    Les moyens de multiplier les bleds seroient de deffendre de semer du bled d’Espagne, qui ruine absolument les terres. Depuis 40 années que l’usage de ce bled s’est introduit, la récolte du froment est diminuée.

    Le Subdélégué ne croit pas que les denrées et surtout celle-là puisse conserver un prix, si l’argent et les espèces diminuent; tandis que les espèces seront hautes, les grains auront leur juste prix. Mais on voit le contraire en l’année 1731 et 1732 où les espèces estant encore hautes, le prix du bled et du vin est tombé.

    Légumes. — On n’en sème point en plein champs, mais seulement dans des jardins pour l’usage des propriétaires.

    Chamvres. — Ils ne peuvent venir que dans les terres arrosées par les rivières et les ruisseaux. Il n’en vient point dans ce pais.

    Foins et paccages. — Il y en a très peu dans le pais, à cause qu’il est pierreux, et on ne peut guères les multiplier.

    Vins. — Il y en a assez pour les habitans, et il se consume dans le pais, se vend 18 livres la barrique.

    Bois de haute-futaye. — On croit qu’il seroit inutile de les multiplier à cause de l’éloignement des rivières pour le transport, mais ils serviroient à la construction des maisons. Ceux qui ont esté coupez, ont esté convertis en bois taillis que l’on coupe à l’âge de 15 ou 16 ans, pour servir aux forges qui en consument beaucoup.

    Terres incultes. — On a défriché les terres qui estoient propres aux grains et à la vigne. On convient que le reste doit demurer inculte pour servir de pàturages aux bestiaux, quand les fourrages leur manquent.

    Bestiaux. — Il y en a un grand nombre, et on ne peut les multiplier qu’en laissant incultes les terres qui n’ônt point esté défrichées.

    Cette partie du Périgord qui est fort pierreuse, a besoin de ces pâturages pour les bestiaux dont la vente luy sert à payer les impositions publiques.

    Brebis et moutons. — Pour en multiplier le nombre, on employé les mêmes moyens de cy dessus, mais pour conserver ces animaux des maladies qui en diminuent le nombre, on croit qu’il leur est nuisible de leur faire des soutrages et des litières de fougère et d’agions (sic) qui gâtent toujours leurs laines et, par leur mauvaise odeur et qualité, influent dans l’air qu’ils respirent et de là dans leurs poumons. La même méthode devroit s’observer pour les bœufs et les veaux. Il n’y a que la paille qui fasse un soutrage sain ou non nuisible.

    Cochons. — Il y en a un grand nombre qu’on nourrit de glands et de châtaignes.

    Haras. — Il n’y en a aucun parce que les prairies ne sont pas suffisantes pour les bœufs de labeur, on a commencé depuis six mois à établir des haras, mais on manque de belles juments.

    Manufactures. — Il n’y en a d’aucune espèce, mais seulement des forges dont on parlera bientôt.

    Verrerie. — Aucune.

    Papeterie. — Une où se fait seulement du papier commun et d’un médiocre revenu.

    Tanerie. — Il y en a plusieurs pour les peaux de bœufs et de vaches qu’on prend dans les gros bourgs, les foires et les marchés, et se consument en partie dans les lieux. L’autre partie est portée à Périgueux, La Rochefoucault, et ne payent de droits que pour le manque des cuirs.

    Dans d’autres taneries ou peleteries, on y blanchit les peaux de mouton qu’on fait ensuite passer dans le bas Limosin.

    Charpentiers. — Ils n’emploient dans leurs ouvrages que le bois de châtaigner, à cause que celuy de chêne est trop rare.

    Forgerons, serruriers, cloutiers, armuriers. — Leurs ouvrages ne sortent point du pais. Ils prennent le fer et l’acier des forges voisines.

    Chauderonniers. — Prennent leur cuivre à Angoulème. Le charbon est de bois; on n’a point d’usage de charbon de terre.

    Mines de fer. — Il y en a un bon nombre dans les parroisses voisines du Limosin.

    Elles ont donné occasion à plusieurs forges qui font le principal commerce de cette Subdélégation.

    Des Forges.

    Il y a cinq grosses forges à fourneaux où se fondent les mines; on y fond chaque année sept cens milliers en aguse qui se transportent dans les forges voisines pour estre convertis en fer dur et mol. Cinq forges employent chaque année 400 hommes, soit à tirer la mine, soit à la laver, soit à la transporter dans les forges, soit à voiturer, et sont payez à 8 s. par jour.

    Ces forges consument par année 4,000 brasses de bois, qui se prennent dans les parroisses voisines et qui se vend trois livres la brasse.

    Les matières premières ou les mines se tirent des parroisses voisines.

    La fondue des mines se vend i oo livres, doit produire 18 milliers de fonte en aguse son prix actuel est de 40 livres le millier; cette fonte ne sort point du Périgord.

    Outre la fonte des mines, on y fabrique 2,500 quintaux de fer dur et mol qui se transportent dans le pais d’Angoulême et de Saintonge et qui payent de droit d’entrée 13 sols 4 deniers par quintal de fer mol et 25 sols par quintal de fer dur, quoique le prix de ces deux fers soit égal sur les lieux. Le quintal de fer pris sur les forges, poids de marc, se vend 20 livres.

    Il y a encore 14 forges qui prennent leurs fontes dans les cinq premières, dont nous venons de parler, et les convertissent en fer dur et mol. Le premier sert à l’usage des maréchaux, cloutiers, serruriers et taillandiers. Le second sert à tous gens de marteau. Les 14 forges font par an 12 mille quintaux de fer des deux espèces, et se vend actuellement 20 livres le quintal.

    Elles consument 6 mille brasses de bois, qui se prend dans les parroisses voisines. Elles employent 2 cens ouvriers à io sols et 12 sols par jour pendant 5 à 6 mois de l’année.

    Le fer des deux espèces est transporté dans l’Angoumois et Saintongeois et paye de droit, comme on a dit cy dessus.

    On voit cinq autres forges d’une autre espèce. Elles consument trois mille quintaux de fontes, qui sont convertis en poèles à frire. Elles se transportent dans le Limosin, la Guienne, Languedoc, Béarn, d’où elles passent en partie en Espagne.

    Ces cinq forges consument chaque année 2 mille brasses de bois, occupent 60 ouvriers pendant 5 à 6 mois de l’année. Ces poèles à frire entrant dans une de ces provinces seulement, payent de droit 18 sols par quintal.

    Ces forges fabriquent encore 2,500 quintaux de fer dur et mol, qui passent dans l’Angoumois et la Saintonge avec les droits cy dessus spécifiez et tous ces droits vont à plus de 30 mille livres pour le Roy. Ces forges au nombre de 24 sont scituées aux environs de la ville de Nontron, qui est le lieu d’entrepôt pour le commerce du fer et des poèles.

    Le commerce de cette ville qui est d’un grand objet dans la province du Périgord et dans le royaume, a esté interrompu pendant quelque temps par la difficulté des chemins mauvais et impraticables aux voituriers. Les habitans les ont réparez à leurs frais et dépens, et le commerce se rétablit. Pour conserver le commerce à cette ville et favoriser le travail des forges, il n’y a qu’à rétablir deux ponts qui sont tombés en ruine, ce qui interrompt le commerce de cette ville avec celles de Périgueux et de Bergerac. On estime que la dépense iroit à dix mille livres imposées sur l’Élection de Périgueux.

    Meuniers blancs et soye. — On n’a point d’expérience qui puisse répondre à la réussite de ces sortes de plans, et des soyes.

    Arts et métiers. — C’est dans les villes où l’on devroit exécuter les règlemens qui regardent les artisans, et cela mériteroit bien attention des officiers, mais dans les campagnes, les artisans y travaillent, comme l’on sçait, sans autre perfection ni bonté d’ouvrages. Aussi ne durent-ils pas aussi longtemps qu’il faudroit.

    (Archives historiques du département de la Gironde, 1913)

  • Pouvons-nous pour Nontron et son pays dégager ces élites sociales de 1789, que la Révolution va soit conforter soit ébranler ? C’est particulièrement ardu pour le Nontronnais, où tout bon bourgeois porte plusieurs chapeaux : propriétaire foncier, officier local et parfois même maître de forges tout en ayant prétentions nobiliaires, du moins dans l’appellation qu’il prend soin de se faire donner dans les actes notariés (écuyer, sieur de…).

    La noblesse conserve, dans notre région, une forte emprise économique et sociale : noblesse d’épée ou noblesse de robe, ce n’est parfois qu’une question de génération, ou de tradition familiale. La vieille noblesse, qui possède encore de grandes propriétés foncières et de nombreux fiefs, semble pourtant en perte de vitesse. Les nombreuses ventes de fiefs et même de domaines en faveur des « entrepreneurs de fiefs et domaines » locaux, des maîtres de forges, et de la noblesse de robe nous semblent des preuves suffisantes de cette évolution. Donnons deux exemples de ces mutations révélatrices : en 1787, monsieur le Comte de la Ramière, vend à M. Vallade maître de forges, le fief de la Sudrie (Saint Etienne le Droux), ce même Vallade, qui achetait en 1780, la propriété et le fief de Jomelières (Javerlhac) à une vieille famille locale. En 1754, la famille d’Aydie vend la terre et seigneurie de Saint Martial de Valette à Jean-Thibault Moreau, déjà seigneur de Villejalet, président de la cour des aides au Parlement de Bordeaux. Celui-ci cumule, en 1789, les seigneuries de Montcheuil, Saint Martial et Teyjat.

    Certes, il reste encore de puissantes vieilles familles nobles, il serait fastidieux de les citer, limitons-nous à deux d’entre elles, qui ont déjà été évoquées précédemment. D’abord la plus prestigieuse, elle est représentée en 1789 par César-Pierre Thibault de Labrousse, chevalier, marquis de Verteillac, comte de Saint Maine, baron de la Tour Blanche, Saint Martin-le-Peint, Saint Front de Champniers, Nontronneau… maréchal de camp des armées du roi, gouverneur et sénéchal du Périgord. Il émigrera pendant la Révolution, ses biens seront vendus comme Biens Nationaux, divisés en 14 (gros) lots et achetés par F. Laborde de Nontron, Vallade (celui de Jomelières) qui achètera deux métairies, Labrousse de Bosfrand, le subdélégué de 1789, deux notaires… Nous pouvons aussi citer le comte Louis Gabriel de la Ramière, mort en 1789, baron de Nontron, seigneur d’Augignac, Saint Etienne le Droux, … sans parler des Rouffignac (la Chapelle Saint Robert), Hélie de Pompadour (Piégut), Lambertie (Maillet), Tessier de Javerlhac (Abjat).

    Ces grands nobles sont souvent absentéistes ; ne venant que de temps en en temps sur leurs terres, passant l’essentiel de leur temps à Paris, Versailles, Bordeaux (Les Verteillac, Rouffignac à Paris). Ils laissent ainsi le champ libre à la bourgeoisie locale, qui a très souvent dans son patrimoine plusieurs offices de justice seigneuriale. Bien sûr, la petite noblesse locale est davantage encore affectée par ce mouvement de repli : combien de maisons ou de « repaires réputés nobles » qui ne lui appartiennent plus ! Combien de familles dont on perd la trace ! Extinction, certes, de la filiation mâle, mais aussi émigration. Nos entrepreneurs de fiefs et de domaines voient au contraire leur richesse et leur influence grandir dans le Nontronnais. Ayant acquis terres, fiefs, offices, voire forges, bien immergés dans une société rurale qu’ils connaissent parfaitement, ils sauront très vite ajouter à leur influence sociale une influence politique que 1789 nous fait déjà pressentir. Leur rôle dans la rédaction des cahiers, leur élection quasi constante par les paroisses, sont des signes qui ne peuvent pas tromper. Mais comment déterminer chez eux la limite entre petite noblesse d’office et bonne bourgeoisie, quand toute famille plus ou moins parvenue se rajoute une petite particule devant ou derrière son patronyme. Deux moyens indirects nous ont permis, pour Nontron, d’essayer de cerner cette fragile frontière, que l’on tente, avant 1789, de franchir dans un sens avant d’essayer quelques années plus tard de la franchir dans l’autre : les élus des paroisses ont été classés dans la bourgeoisie parce que membres du Tiers Etat, ainsi que les inscrits sur les registres des tailles. On peut, pour notre ville, citer un nombre assez important de gens qualifiés de bourgeois, preuve supplémentaire que Nontron joue bien son rôle de pôle régional : le juge Mazerat, l’avocat Fourien de Villopré (juge dans d’autres paroisses), Villedary dernier syndic et avocat, Authier, Filhoud… eux aussi avocats, les Pastoureau (du Contirand, procureur d’office, de la Besse, les Ribadeau (du Maine, du Mas ), Grolhier (notaire), tous taillables, mais très pointilleux, pas pour longtemps, sur leur appellation de « Sieur de » pour attester leur possession de fief, leur position sociale, et leur genre de vie parfois. […]

    Nous ne reviendrons pas sur les institutions administratives (subdélégué) ou paroissiales, pour nous intéresser plus particulièrement aux institutions seigneuriales ou communales nontronnaises, qui permettront de dégager, en partie, les familles influentes de la ville.

    En 1751, la baronnie-Châtellenie de Nontron (qui se limite à la paroisse) est achetée par M. de Lavie, Président au Parlement de Bordeaux, aux héritiers de la famille Hélie de Pompadour (qui la possédaient depuis 1610) pour la somme de 25.000 livres (somme faible, qui atteste que cette baronnie avait été particulièrement aliénée). En 1788, M. de Lavie fils, la revendra à M. de la Ramière, qui sera le dernier seigneur-châtelain et baron de Nontron. Le comte de la Ramière la paye 42.000 livres (car les Lavie avaient augmenté sa valeur par des acquisitions locales : fiefs, terres comme au Puy de Fleury, moulin, maison noble de Tuzat…). Mais de nombreux fiefs étaient indépendants de la baronnie, les Peytavis, la Chapoulie, la Francherie, la Mothe, les Granges, Gaumondières, Barouffières, Puyrigard, Tuzat…

    Il est intéressant de voir à qui ils appartiennent en 1789.

    La veuve de François de Lapouge, le maître de forges, possédait le fief de la Mothe, le juge de Mazerat possédait les Peytavis et la Francherie, le subdélégué Labrousse du Bosfrand possédait Gaumondières, Puyrigard, le Puy et avait possédé Tuzat, un autre Labrousse possédait Barouffières. Si on se souvient que le Sénéchal, marquis de Verteillac seigneur de Saint Martin-le-Peint, Saint Front de Champniers, Nontronneau… s’appelait aussi Labrousse, que de Labrousse dans le Nontronnais ! D’ailleurs tous parents entre eux, et « alliés » aux de Mazerat.

    Ce système seigneurial complexe, dont nous avons déjà étudié le fonctionnement, avait ses propres officiers. En 1789, le juge est M. J.B Michel de Mazerat, avocat, avec pour lieutenant, maître Grolhier, notaire royal. Le Procureur d’office est maître Authier de Chatillon, avocat. Il y a aussi un greffier, 8 sergents, 4 notaires royaux ou châtelains, avant qu’en 1790 ce système fût aboli et remplacé par un tribunal de district, puis d’arrondissement.

    Source : Cahiers de doléances du Nontronnais, de Dominique Beaudry.

  • Une étude de mœurs nontronnaises au XVIIe siècle. — L’assassinat d’un aumônier du Roi.

    Auteur : Aymar de Saint-Saud

    Grâce à notre collègue, mon cousin, le marquis de La Garde Saint-Angel, dont j’ai pu consulter à loisir les importantes archives de son château de La Pouyade, d’autant plus intéressantes qu’à l’encontre de la plupart des chartriers existants elles contiennent des lettres de famille et quelques documents presqu’intimes, j’ai pu faire l’historique d’une famille de Nontron, historique qu’on pourrait aussi bien intituler Grandeur et Décadence. On verra dans les pages suivantes où pouvaient bien conduire l’amour-propre de certains enrichis, leur manie de procès d’une part et, d’autre part, l’inimitié de nobles d’extraction jaloux des nouveaux anoblis.

    I. — Les La Roussie de Nontron, XVIe siècle.

    I. — Pierre de La Roussie, dit Le Vieux (1496-1537). — Dans une des rues hautes de Nontron, au fond d’une maison, dont une large baie en plein cintre s’ouvrait sur la chaussée étroite aux acheteurs au détail que servaient des commis, se tenait un homme qui, au commerce de la boutique, joignait celui du gros et celui plus lucratif des monnaies d’or et d’argent, qu’il pesait avec soin sur son trébuchet, gagnant — ou même perdant, mais ce plus rarement — au change, tout comme les agioteurs véreux actuels de l’Europe centrale. Pierre de La Roussie — c’était son nom — maniait les écus sonores et savait fort bien les faire sortir de sa bourse pour entrer dans celle de ceux, artisans ou gentilshommes, que la Renaissance naissante amenait à commercer ou à emprunter pour compléter des achats d’offices lucratifs ou honorables, de terres roturières ou nobles, ou simplement pour faire figure aux, armées soit par eux seuls soit par les troupes qu’ils tenaient à honneur de lever et d’entretenir. Si des prêtres eux-mêmes sont couchés sur ses registres, c’est que la chasse aux bénéfices ecclésiastiques commença dès le concordat signé entre Léon X et François Ier.

    Pierre était majeur dès 1496. Il est cité dans une reconnaissance en faveur du seigneur de Puycheny, au 15 février, concernant le village de Masfourens, dont les rentes furent vendues, en 1583, à Bertrand de Fayard, seigneur des Combes, par P. de La Roussie (1). Il mourut peu avant juin 1537.

    Dans plusieurs pièces de cette époque sont nommés Jean de La Roussie, dit Le Jeune, notaire à Nontron, une Anne de La Roussie, mariée à Jean Drouin. Je les crois frère et sœur de Pierre Le Vieux. Du reste, à cette époque-là, une autre branche des La Roussie faisait fortune par les forges — on sait leur importance dans le Nontronnais — et se faisait anoblir en 1639 en la personne de Méric de La Roussie, dont les fils n’en durent pas moins payer 1747 livres pour confirmation de noblesse, lors de la Recherche de la Noblesse de 1666-1671 (2).

    Un de leurs descendants Pierre, du château de Bonrecueil, fut conseiller en l’Election de Périgueux ; quand, en 1716, il épousa Marie de Maillard, il se qualifiait de seigneur justicier des paroisses de Ladosse, Beaussac et Saint-Sulpice-de-Mareuil. Le fer se changeait alors en or. Que n’en est-il de même de nos jours, où les jetons dorés prennent rapidement une teinte ferreuse ?

    Si nous ignorons le nom de la femme de Pierre de La Roussie, nous connaissons celui de ses enfants : Etienne, qui « tenoit bouticque » à Nontron et fut héritier universel de son frère Jean, marchand à Nontron. Celui-ci testa le 15 décembre 1553, demandant que cent prêtres assistent à ses obsèques, nommant sa femme, Anne Rasson, léguant à sa sœur Marguerite, veuve de Pierre Pailhet, la propriété (sic) qu’il avait acquise à la Bussière, paroisse d’Agonac. Il fait des legs à ses neveux Arbouneau. En effet ses sœurs, Anne et Agnès, épousèrent deux frères, Jean et Jacques Arbouneau. Le contrat de Jacques fut signé le 18 juin 1536, en présence de « honorable mestre Pierre de La Roussie… le Vieulx », père d’Agnès.

    II. — Etienne de La Roussie (1510 ?-1578 ?) — S’il nous avait été possible de consulter les anciennes minutes des notaires de Nontron, que de renseignements nous y aurions trouvés, complétant d’autant plus les nôtres que, même au XVIIe siècle, les La Roussie d’alors, quoiqu’ayant fermé boutique, résidaient fréquemment dans cette ville et y passaient tous leurs actes ! Ainsi sur Etienne nous ne connaissons que peu de chose. La date approximative de sa naissance est connue et nous savons seulement qu’il dut mourir vers 1578, parce que, le 28 mai de cette année-là, ses enfants adressaient une supplique au sénéchal du Périgord pour procéder au partage des biens paternels.

    J’ai parcouru quelques-uns de leurs livres de comptes et, pour prouver que lui comme son père, sans cesser de tenir boutique, faisait la banque, je relève, rien que pour avril 1554 par exemple, que 60 obligations lui sont consenties par sousseings notariés.

    Etienne chercha à faire un mariage avantageux et il y réussit assez bien. Par articles du 13 juin 1541, passés au château de Montcheuil paroisse de Saint-Martial-de-Valette, portant règlement et partage de famille, « maistre Estienne de La Roussye, fils de mestre Pierre… marchant » épousa Françoise de Puyzilhon, à qui il était fiancé depuis un an et demi, fille de feu « honnorable maistre Helies de Puyzhillon », juge de Nontron, seigneur de Villejalet, sœur de « honneste homme Iacques de Puyzilhon, marchant de Nontron, tuteur de Estienne, Jehan et François de Puyzilhon ».

    Jean de Puyzilhon susdit, d’abord prieur de Nontron, devint prévôt et doyen des chanoines des églises cathédrales (sic) de Limoges et de Saint-Martial. On parlera de lui plus loin. Est-ce par cette alliance que l’esprit des La Roussie devint processif ? C’est possible. La mère de Françoise était une Audier de Montcheuil, prénommée aussi Françoise, d’une famille de riches maîtres de forges, si je ne fais erreur. Or, voilà que quelques années après ce mariage, en 1559, Martial Audier, seigneur de Montcheuil, s’empare du village et du moulin noble de Villejalet, en Nontronneau, bien que vendus pour 750 livres à feu Hélie de Puyzilhon, juge de Nontron, par feu Pierre Audier, prieur de Nontron, et par Jean et Martial Audier, seigneurs de Montcheuil, frères, et par Jean Rey, curateur de Marie et de Marguerite Audier. Est-ce cette affaire, là qui se termina par la mort de M. de Montcheuil, 12 jours après avoir été attaqué et blessé par un nommé Deschamps ?

    Etienne de La Roussie n’eut à ma connaissance comme enfants que : Jean, dont il sera parlé plus loin ; Guillaume, vivant encore en 1559 ; Etienne, mort sans hoirs après son père ; Marguerite, mariée par contrat du 28 octobre 1568 à Jean de Labrousse, fils de Dauphin, alliance qui détermina de sanglantes contestations ; et autre Jean, peut-être aîné. Celui-ci naquit en 1533. Qualifié de « Me Jehan de Laroussie, me ez harts » il reçut, par bulle du Saint-Siège, en janvier 1597, sa nomination de prieur commendataire de l’abbaye de Saint-Sauveur de Nontron, à la suite de la résignation de Justin de Barghac (3). Il en prit possession en mars suivant. Nul doute que ce ne soit lui qui détermina la vocation ecclésiastique de son neveu.

    J’inscris, mais aussi avec doute un autre Jean (serait-ce ce Jean, le cadet ?) marié avant 1581, avec Jeanne du Barry, née vers 1558 (4). Il sera parlé d’elle plus loin.

    III. — Jean de La Roussie (1560 ?-1606 ?). — Tout marchand à Nontron qu’il soit, il n’en possède pas moins des fiefs nobles, moyen assez sûr de conserver la fortune léguée par ses aïeux du XVIe siècle, de nouvelles mœurs ont pris racine et ont créé « une atmosphère d’appétits sans frein. Elles étaient nées de la guerre, engendrées par l’oisiveté, des camps, la vie facile chez l’habitant, l’habitude des aventures. Celui qui, de près ou de loin était mêlé au trafic, en avait subi l’influence (5) ».

    Jean de La Roussie est qualifié de seigneur du Breuilh, repaire noble dans Saint-Martial-de-Valette ; des Verrières, maison noble dans la ville de Nontron, sise sur la grande rue du cimetière ; du repaire des Courrières, qu’il échangera, en 1587, avec M. de Saint-Mathieu « qui m’a laissé, dit-il dans son livre de raison, en retour la rante qu’il avait sur Lapouyade. Il s’en est réservé la iustice et l’hommaige ». Ceci indique bien que, dès 1587, Jean avait acquis la terre de La Pouyade, dans Saint-Angel.

    Nommons de suite sa femme, Marguerite Drouin, fille de Jean Drouin ou Drouyn, négociant en fer, sinon maître de forges, en relation avec les Bertin, les Bascharetie, les du Theil, seigneurs de Pommiers, tous maîtres ferrons, comme on dirait en Normandie. Disons aussi, avant de parler des procès de ce ménage, car ils n’avaient pas un caractère facile — les biens hérités ou acquis furent l’objet de terribles compétitions — que, veuve dès 1607, Marguerite vivait encore en 1630.

    En 1599, Jean de La Roussie était en procès avec Jean de Seguin, seigneur de Saint-Front-de-Champniers, décédé peu avant septembre 1630, laissant comme héritier Nicolas de Châteauneuf, seigneur du Breuilh et dudit Saint-Front. Celui-ci dut céder à Bertrand de La Roussie, fils de Jean, coseigneur déjà de la tenance de la Brousse, dans Saint-Angel, l’autre partie de cette tenance que Jean de Seguin tenait de feu Hélie de Labrousse, sieur des Chapoulies. J’insiste sur ce point parce qu’il est possible que le nom patronymique des Labrousse, marquis de Verteillac, vienne de cette terre. Il ressort en effet, de plusieurs actes des archives de La Pouyade, que ceux-ci descendent de la famille nontronnaise, alliée aux La Roussie et avec laquelle ils eurent plusieurs difficultés.

    Le seigneur de la Pouyade fut accusé d’assassinat (à ces époques-là ce mot ne signifiait pas toujours homicide), conjointement avec Jean Faure, seigneur de la Roche-Pontissac (6), par une certaine Jeanne Pouyade, veuve de Mathias Bouthet, laquelle récusa nombre de parlementaires bordelais comme proches parents des Faure. En 1603, il eut ses biens et fruits saisis par Thibaud de Camain, conseiller au Parlement de Bordeaux, et par son frère, Pierre, ce fut le début de la haine mortelle qui dura près d’un siècle. D’autre part, Alain Faure (7) obtint contre lui ni plus ni moins qu’une condamnation à mort, par défaut ou contumace il est vrai.

    Une fois Jean de La Roussie mort (vers 1606), sa veuve continue les procès. Elle envoie à Bordeaux son neveu de Labrousse, fils de sa belle-sœur, Françoise de La Roussie, soutenir une cause contre MM. de Marquessac et Faurichon. Mais elle néglige, semble-t-il, de garnir son escarcelle. En lui accusant réception de 12 livres, réduites à « onze livres moins un sou six deniers » parce qu’on lui a fait perdre sur « une grande pistole de Gênes 18 sous » qui ne fut prise que pour six livres et un tesson de Gênes, le jeune Labrousse écrit qu’il en coûtera 4 écus pour le 1er acte, un écu pour l’avocat, un écu pour le greffier criminel, un demi écu pour faire chercher le procès, et « pour faire porter chez messieurs les gens du roy c’est deux cents esculz », puis pour plaider à l’audience, 4 écus.

    Plus tard, Marguerite Drouin plaide contre François de Veyrières, seigneur, de Fontpatour et de la Renaudie par sa mère, Marie du Barry (8), et Jean de Saint-Aulaire, seigneur de Quinsac, époux de Jeanne du Barry. Dans cette affaire, est relaté que « un contract faict entre le sieur de Sainct-Aulaire à Jehanne du Barry, espouze de Jehan de La Roussye fust faict le 2 may 1581 ».

    Le chanoine de Puyzilhon, oncle de Jean de La Roussie, ayant été habiter chez Marguerite Rougier, veuve d’Etienne de Labrousse, conseiller au présidial de Limoges, celle-ci le circonvint et mit le grappin sur une partie des biens des La Roussie. Marguerite Drouin, devenue veuve, ne voulut pas que ses enfants fussent frustrés de toute ou partie des biens de leur grand oncle, le chanoine. Alors, trouvant sans doute trop lentes les formalités procédurières pour leur rendre ces terres, résolut-elle de se faire justice elle-même, ainsi que l’apprend une requête au Parlement de 1609, de Philippe de Labrousse, seigneur de Teyssonnière. Il raconte qu’au moment où il allait vendanger la vigne de la Costaire, près de Milhac, arrivent en furie Marguerite Drouin et deux de ses filles, accompagnées de sept ou huit soldats « armés d’espées et de poignards » qui le forcent de déguerpir sous menace de mort, bien que ce tènement lui appartienne comme dernier enchérisseur des biens du feu chanoine. Ah ! elles n’y allaient pas de main morte, ces dames !

    La susdite dame de La Pouyade devait posséder des forges, d’où procès d’un autre genre, d’après une lettre qu’elle écrivait à l’un de ses fils, Bertrand probablement, alors à Paris :

    « (Votre lettre) m’a balhée beaucoup de joye et a toute nostre companye du bon arrest qu’avez obtenu, dont nous en louhons Dieu. A Perigueux il a esté ordonné qu’ung commissaire de la Cour prevottable se transporteroyt sur les lieux pour la vizitte des fourneaux. » En mère pratique, elle ajoute : « Je vous prie de n’oublier les chappeaux de vos frères, que vous promettez que si travaillent fort à l’étude. »

    Quels étaient donc les enfants de la dite dame ? Nous parlerons d’abord des cadets car Bertrand l’aîné et ses enfants feront le sujet d’un chapitre spécial.

    D’abord deux Jean, dont l’un fut avocat et un Etienne morts sans alliance. Dans son livre de raison leur père s’étend longuement sur leur naissance et leur baptème. Un Etienne-Jean, sieur du Breuil, officier, décédé avant 1636, puis Françoise, morte de la peste avec son mari, Hélie Rousseau, et un de ses enfants, à la Pouyade, où leur mère s’était réfugiée, fuyant Nontron, où sévissait l’épidémie. Marguerite, unie le 20 février à Hélie du Faure, sieur de la Loubière. Anne, dont le contrat de mariage avec le notaire, Joseph Fonreau, fut signé à Nontron en 1610. Elle n’eut en dot que 2000 livres, deux robes en serge de Florence et en camelot de soie, un cotillon de soie et un d’écarlate. Marie alliée en 1614 à Hélie Eyriaud, fils de Dauphin, marchand. Ils eurent une fille recueillie par sa grand’mère après la mort de sa mère ; elle fut enlevée à 16 ans. Ces rapts étaient bien dans les mœurs de cette époque. Autre Marguerite, religieuse à Boubon, avec promesse de 500 livres de dot ou 46 livres de pension annuelle (le salaire d’une semaine pour bien des servantes de nos jours).

    Sa vocation était-elle bien sérieuse ? On peut en douter : d’après ses vers, dont voici un échantillon :

    Nous estions en l’automne et ia l’oiseau cresté
    Qui annonce le iour deux foys avoit chanté,
    Les trois pars de la nuit estoient desia passées
    Quand, lasse de travaille d’amoureuses pensées,
    Je reçus le sommeil qui, coulant gratieux,
    Fit cesser les ennuis de mon cœur soucieux.

    Sur ce Jean, assez de choses à dire. Il est bon de connaître les mœurs et coutumes ecclésiastiques de cette époque, à peine remise des secousses de la Réforme, Jean, qualifié de sieur de Bénechet et appelé aussi de Puyzilhon, à cause de son parrain le « provost de Verneuil », doyen du Chapitre de Limoges, « nasquit le jour de la Magdeleine 1594, sa marryne madamoiselle de Montcheuil. » Il entra dans les Ordres et son désir d’être prieur à côté de chez lui, lui causa un long procès que nous allons détailler pour faire comprendre combien les bénéfices ecclésiastiques étaient recherchés.

    La cure de Saint-Angel et son annexe de Quinsac étaient un prieuré commendataire de l’Ordre de Saint-Benoit, dépendant de l’abbaye de Saint-Pierre d’Uzerche (9). Quand Pierre de Chabans, titulaire du prieuré à la fin du XVIe siècle, décéda, son neveu et héritier, Louis de Chabans, seigneur de Lavignac, s’empara des droits utiles du prieuré qu’il aliéna même plus tard à Guy d’Aydie, seigneur des Bernardière, lequel afferma les dîmes à des gens de Saint-Angel et à Hélie Pourtenc, notaire. Comme il fallait qu’un prêtre fut titulaire (spirituel) du prieuré, L. de Chabans en fit pourvoir, le 8 juin 1601, Pierre Boueyron, alias Boeyron, par Mgr Martin, évêque de Périgueux (10).

    Jean de la Roussie, dont la famille habitait à un quart de lieue de l’église Saint-Angel, se fit pourvoir par le Saint-Siège et confirmer par l’évêque de Périgueux le 18 juin 1616, du prieuré en question. N’avait-il pas en effet appris sur Boueyron nommé « par confidance et simonnie » les choses les plus graves, qui semblent confirmées dans une comparution du dit « confidancier du sieur de la vignac » devant son évêque, où « interrogé en plusieurs articles de la charge d’un curé il n’auroit sceu en façon quelconque repondre ni mesmement lire » (!) Si vraiment il n’y a pas d’exagération cela dépasse les bornes. Naturellement, ni le dit Boueyron, qui demeurait à Lisle (11), ni MM. de Chabans et d’Aydie ne voulurent accepter la suppression d’une possession qu’ils prétendaient légitime ; et procès de s’ensuivre.

    Ces messieurs, semble-t-il, ne devaient point avoir raison ; les enquêtes démontrèrent que Boueyron non seulement était un incapable mais qu’il ne put même pas exhiber ses lettres de tonsure. (Oh ?). Bien plus, il n’aurait jamais pris possesssion officielle de son prieuré et, partant, n’y aurait jamais célébré d’offices. Le vicaire perpétuel de la paroisse, François de Puyhardy, déclara ne l’y avoir jamais vu depuis sa nomination, en 1612 ; des marguillliers ajoutèrent qu’ils ignoraient jusqu’au nom de Boueyron.

    Il est vraisemblable que les seigneurs de Lavignac et des Bernardières furent convaincus de la médiocrité de leur cause, en cassant aux gages ce minus habens de Boueyron. Mais ne voulant pas se tenir pour battus, après avoir fait enlever les dîmes en nature par M. de La Barde (Pourtenc), grand-père de Madame des Bernardières (12), ils firent instituer canoniquement, comme prieur de Saint-Angel, par le Pape, puis confirmer par l’évêque le 1er janvier 1618, l’Abbé de Saint Astier, Jacques-Louis d’Aydie.

    Quel désarroi profond régnait alors en matières ecclésiastiques ! Comment ! voilà trois prieurs pourvus camoniquement du même siège et vivant en même temps !…

    Sommé, le 18 janvier 1618, par F. de Fayard, curé de Léguilhac, d’agréer comme prieur le nouveau titulaire, le vicaire perpétuel installa l’abbé d’Aydie (13). Colère de l’abbé de la Roussie, ne pouvant accepter qu’on se jouât ainsi de lui. Aussi, en mai suivant, en exécution de sentences ou d’arrêts en sa faveur, fit-il procéder à un supplément d’enquêtes par André Favard, juge de la prévôté de Thiviers. Jean dut obtenir gain de cause, car, à partir de cette date, il semble en possession paisible de son prieuré, tout jeune qu’il fut — il n’avait pas 25 ans et avait été pourvu à 23 ans.

    Il est vrai que le vicaire perpétuel (vulgo curé) de Saint-Angel révéla le très grave fait suivant. Un certain dimanche, l’abbé de La Roussie s’était fait installer en présence de trois prêtres, dont un religieux augustin de Limoges, délégué de son oncle et parrain, le chanoine Puyzilhon. Après la célébration officielle de la messe dans la petite église de Saint-Angel, ces messieurs, une fois la cérémonie religieuse terminée s’en allaient tranquillement dîner à la Pouyade, quand surviennent tout à coup des gens armés, qui à pied, qui à cheval, conduits par M. de Lavignac qui, la semaine précédente, avait commis des dépradations sur cette terre. « Prieur, clament-ils, parais donc si tu n’es pas un lâche ! » Celui-ci prend bravement la fuite d’un côté, le vicaire, craignant « d’estre offencé » d’un autre. L’Augustin s’agenouille dans un fossé, criant « Miséricorde ! »

    La semaine suivante, les mêmes hommes armés envahirent l’église, mais n’en trouvèrent pas le prieur qui s’était méfié. Ah ! On aimait alors à se faire justice soi-même. La main de fer de Richelieu eut mal à mettre borne à ces us fâcheux.

    L’abbé de La Roussie a laissé plusieurs livres de raison dont l’un est la continuation de celui de son père. A côté de sentences et de recettes empiriques, il y a des notes de famille. Je ne puis résister à en donner quelques extraits ; c’est entrer dans le détail de nos mœurs provinciales.

    En juin 1621 Jean est à Saint-Jean d’Angély, en juillet à Saint-Julien chez « l’apoticaire » (Louis Eyraud). « Le mardy ie dis la messe au maistre autel et je reviens coucher à Boubon (14), non j’avais dit la messe le lundy et viens coucher à Balevau chez ma cousine du Souchet… Je donna l’argent de 4 douzaines de chappeletz, de 3 livres des statuts, de 4 practiques de Bonal à Couturon… J’ay faict couvrir l’église de Quinsac et mettre une croix sur le clocher et ay payé le tont 15 livres. J’ay achepté une cloche pezant unze nus (sic) à six livres à petit poids, qui monte à escutz… à Quinssac. La Nouaille, filz ayné d’Estienne de La Brousse mena sa femme fille de M. de Cougnassac (un Conan) le 15 aoust. » On était donc alors en paix avec ces parents. Ces cortèges de mariées quittant la demeure paternelle pour aller prendre possession de celle maritale sont bien dans les mœurs de cette époque. L’abbé énumère une partie des cavaliers, car ils formaient, selon l’usage, une chevauchée nombreuse. On y voit un Roffignac de Belleville, le président Nesmond de Chézac, des Conan d’Aucor, des Villars de Minzac. « On courust la bague (15) qui fut donnée à Mr. de Grospuy (Brun), qui la gaigna pour la nouvelle espouze. La Barde gaigna l’autre que sa femme donna et regaigna, puis l’autre madame de Grospuy. Et y estoit aussi la fille de la Roderie (16). et les filles des Combes (17)… Je benitz la cloche de Minzac, le premier dimanche de septembre 1622 et suis esté parrin. » « Le 21 d’aoust 1623 Msr le cardinal de Sourdis feut à Saint-Pardoux et M. l’évesque, et firent deffance d’entrer et de sortir. »

    L’abbé décida de se faire « bastir une maison joignant l’esglize de Saint-Angel, moyennant 15 livres, une barrique de vin et deux charges de bled. » Même pour l’époque c’était bon marché. Il donne sur les Loménie, famille de sa belle-sœur, de nombreuses notes. « L’an 1626, le 30 janvier… Sont venus en cette ville (Nontron) les religieuses de Sainte Claire… Ce jour de dimanche, le 12 iour du moys de janvier 1620 (sic) (18) une heure avant le jour est venu un tremblement de terre en cette ville de Nontron. » A ces époques là, les prêtres ne disaient pas la messe tous les jours ; ainsi du 26 décembre 1619 au 28 janvier 1620, c’est-à-dire en 33 jours, l’abbé ne célébra que 14 fois.

    Parmi les recettes empiriques, qu’on trouve sur les carnets de Jean La Roussie, en voici une assez curieuse : « Pour faire paroistre la mousse aux joues d’un homme à cheval. Il faut prendre du sçavon de poisson et le mestre entre l’arson et la couverture de la selle qu’aura le cheval, pourvu qu’elle ne soit guère épaisse et qu’il fasse fort chaud. La chaleur fera fondre le dit sçavon, qui se glissera le long des habits du cavalier et lui viendra sortir en escume au collet du pourpoint. »

    L’abbé de La Roussie devait mourir jeune, à 33 ans, le 27 octobre 1627. A sa mort les difficultés du prieuré de Saint-angel de recommencer, car l’avait-il résigné ou non ? Voici ce que dit, à ce sujet, une consultation d’avocat. « Néanmoingts par alliance, qui estoit entre Bertrand de La Roussie, frère dud. sieur prieur, et Yzabeau de Romanet sa femme, niepce de Jean Loudeys baron de Veyrac (19), beau-père de mestre Jehan de Grandssaigne, lequel avoit un fils nommé Jehan. » Ceux-ci engagèrent le sieur de la Pouyade à faire une fausse résignation du prieuré qu’il fit accepter pour 200 livres par un notaire de Nontron. Les témoins de cet acte faux auraient reçu un habit complet, une charge de blé, une barrique de vin, on aurait falsifié le sceau du prieur. Mais après son décès, feu François du Barry, curé de Milhac, et Jean Guimbelot, prêtre, impétrèrent le prieuré, supposant bien que Jean de La Roussie était décédé sans avoir fait de résignation et que Jean de Grandsaigne n’était qu’un prieur fictif. L’avocat ajoute que dans le mémoire à présenter en Cour de Rome, il ne faudra pas manquer de dire que le prieur de Saint-Angel n’y réside pas car il possède deux autres cures.

    Jean de Grandsaigne mort, son frère Jacques lui succède et prend possession du prieuré. Mais les d’Aydie battus par les La Roussie reparaissent et voilà qu’en 1641 le jeune Charles d’Aydie, seigneur de la Barde et futur commendataire de Boschaud, se prétendant pourvu des biens prioraux de Saint-Angel, en saisit les fruits, à main armée naturellement. Un arrêt du parlement de Bordeaux, du 30 mai 1644, rend non recevable sa poursuite. Alors apparaît François d’Aydie, clerc tonsuré, futur prieur commendataire de la chapelle Saint-Robert (20), au lieu et place du curé de Saint-Paul-Lizonne, Jean Guimbelot, quand, le 10 mars 1645, intervient un nouvel arrêt du Parlement maintenant les Grandsaigne en possession.

    Est-ce enfin terminé ? Non ! Le 22 juillet 1651 surgit un certain Jacques Andrieu, qui se prétend à son tour prieur de Saint-Angel. Il exhibe devant Pierre Martin, curé de Milhac, des provisions reçues de Rome et impétrées à la chancellerie épiscopale de Périgueux, quatre jours plus tôt ; il le requiert de le mettre en possession, ce qui fut exécuté et à Saint-Angel et à Quinsac. Grandsaigne l’attaque. Que s’ensuivit-il ? Je l’ignore ; je sais seulement qu’en 1659 l’affaire n’était pas terminée. Elle durait depuis vingt-cinq ans. O tempora ! O mores !

    En août 1659, Jacques de Grandsaigne, prêtre, « prieur de Saint-Angel », et son frère François, seigneur de la Borderie et du Teil d’Essenat, demandent au parlement d’obliger Bertrand de La Roussie de leur payer la dîme paroissiale et d’en terminer avec le procès Andrieu. Pour en finir : en 1683, Jean de Grandsaigne se disait prieur commendataire de St-Angel, et en 1686 David Estève prenait possession de ce prieuré, qui venait d’être le sujet de compétitions déplorables.

    II. — Elévation de la famille.

    La fortune acquise lentement et honorablement par ses aïeux dut tourner un peu la tête de Bertrand de La Roussie, fils aîné de Jean et de Marguerite Drouin. Rien d’étonnant non plus à ce que celle-ci ne lui ait mis en l’esprit des idées de grandeur qui lui furent plutôt nuisibles qu’utiles. Où Bertrand fit-il son éducation ? A Paris peut-être. Quand, pourquoi et comment fut-il anobli ? Je n’ai pu en trouver trace, mais il se qualifiait d’écuyer dès 1633 (son contrat de mariage), puis, alors et dans la suite, de seigneur de la Pouyade, du Breuil, du Cluzeau, de la Brousse, de Teyssonnière, de la Jartre. Lorsqu’il décéda en juillet 1666, l’inventaire de ses biens indique des métairies dans Saint-Angel, dont Tourbanié ; dans Saint-Martial-de-Valette, dont le Bourdeilhou ; des maisons dans Nontron, dont celle dite de Mr le Doyen. Peu après son mariage il se qualifie de chevalier, de conseiller du Roi en ses Conseils (les mots d’Etat et Privé ne figurent pas), de chevalier de l’Ordre de Saint-Michel et de gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi.

    De tels honneurs ne vont pas sans dépenses, aussi Bertrand dut-il aliéner de ses biens ; il vendit jusqu’à de son argenterie. On verra plus loin qu’il laissa ses enfants dans une situation assez précaire. Il est regrettable de ne pouvoir connaître ce qu’il fit pendant sa jeunesse. Sa position le tint certainement éloigné du Périgord, et, chose anormale, il se maria non seulement longtemps après la mort de son père, mais à l’âge de 37 ans, car il fut tenu sur les fonts baptismaux le 16 août 1589 par M. de Montcheuil et Anne du Reclus.

    C’est le 28 octobre 1626 que ledit seigneur de la Pouyade épousa Isabeau de Romanet, fille de Léonard, avocat, prévôt de la juridiction de Limoges, et de Marie des Cordes. De cette union naquit une fille unique, Marguerite, dont la dot, 1200 livres, quand elle épousa en 1654 un des meilleurs gentilshommes du pays, François du Barry, seigneur de la Beytour, ne semble guère avoir été payée, car leur fils réclamait en 1696 à son oncle, l’abbé de La Roussie, du blé ou de l’argent, disant que « l’on ne peut demeurer sans manger pain ». En 1659 son père du reste s’était uni avec son beau-père, Bertrand, pour assigner en justice les nommés Gassion et Merlanion, qui à la tête de 10 ou 12 hommes « armés de pistollets et mousqueton » s’étaient emparés de bœufs de métairies, sous prétexte de non paiement des droits de francs-fiefs.

    Mlle de Romanet vécut peu d’années et Bertrand convola en secondes noces. Cette nouvelle union était faite pour augmenter son amour-propre. S’allier aux Loménie, même au XVIe siècle, était des plus flatteurs. Cela ressort de plusieurs documents que j’ai eus sous les yeux ; le prieur La Roussie ne manquait aucune occasion d’en faire parade. C’est à Faye, paroisse de Flavigny, que, le 9 août 1633, fut signé le contrat de mariage du seigneur de la Pouyade et autres lieux, avec Marie de Loménie, fille de Guillaume et de Simone de Loménie, dont le père, Pierre, était conseiller à Limoges. Un frère de Marie fut évêque de Marseille, conseiller d’Etat et prédicateur du Roi ; il laissa une meilleure réputation que son arrière neveu, le cardinal Loménie de Brienne. Cette famille était alors plus riche en enfants (ils étaient quatorze) qu’en écus.

    Bertrand, ayant contracté des dettes, fut dur par force pour ses enfants, qui ne cessaient de crier misère. Il eut aussi procès sur procès ; sa faconde, peu en harmonie avec sa modeste naissance, contribua à le faire malvenir de ses voisins, gentilshommes de meilleur crû, les Lamberterie du moins, car les Camain… On lui pardonnait difficilement l’origine de ses ducats provenant en partie des gros intérêts de prêts consentis à des ancêtres.

    Tout conseiller aux Conseils du Roi qu’était Bertrand de La Roussie, il n’en fut pas moins mis en prison… Son beau-frère, Romanet, lui écrivait en effet de Limoges, le 2 août 1655, « vostre prizon m’ayant donné beaucoup de desplaysir, j’ay reçu les nouvelles de votre liberté avec grande satisfaction. Je n’ay peu voir M. de Labeytour vostre gendre ni madamoizelle sa femme ma niepce ». Qu’avait donc pu faire l’orgueilleux seigneur de la Pouyade pour passer la geole ? Fut-il compromis dans une sédition qui éclata à Nontron ? Le 22 juin 1663 — bien postérieurement à 1654, il est vrai — M. de Saint Luc enjoignit au vice-sénéchal de Périgueux d’ordonner au garde, qui était à la Valade, de faire rendre les bestiaux saisis sur M. de La Pouyade, parce qu’il n’avait pas pris part à la sédition de Nontron (21).

    Il s’allia naturellement avec ses frères, pour les revendications de la fortune de l’oncle de Puyzilhon, le chanoine.

    Comme je l’ai dit on aimait que trop encore, à ces époques, à se faire justice soi-même. En mars 1640, il fut procédé à une enquête judiciaire à la demande de Bertrand, demandeur en excès contre « le sieur de la Mothe, filz du seigneur comte d’Escars (22), Louis Dubreuil musnier, le sieur des Eyssartz, troisième fil du sieur des Méolles », etc. Les témoins déposent que sur les 4 heures de relevée le dit des Cars se présenta, à la tête de 40 à 50 hommes armés, devant le portail de la basse cour de la Pouyade, le brisa, escalada la muraille intérieure, brisa les vitraux de la chapelle, pilla le château. Il aurait commis des excès pires, au dire des « damoizelles de la Pouyade » sans l’intervention de MM. de Mirabel et de Langlade, père et fils (23), qui devaient plus tard tourner le dos à leurs voisins la Roussie.

    Ce n’était pas une raison suffisante pour diffamer l’illustre famille des Pérusse des Cars, comme on le voit dans un papier de la Pouyade, où, pour mieux corser la plainte, il est dit qu’ils descendent de « Jacques qui vint en France avec la Reyne Catherine de Médicis, lui servant de valet de piet… son cognom estait de Pérouch, ce qui est le nom d’une ville d’Italie, dont il étoit natif ». La raison de cette calomnie absurde provient de dires qui couraient à cette époque sur les Pérusse comme étant venus au moyen âge de Pérouse.

    Après une vie agitée et non sans déboires — il ne devait s’en prendre qu’à lui-même, — Bertrand de La Roussie mourut en juillet 1666.

    Il est utile, avant d’aborder le récit tragique de l’assassinat de son fils, Guillaume, de parler succinctement de ses enfants, sauf de l’aîné, Pierre, dont l’article commencera le chapitre suivant, à cause de détails originaux et typiques les concernant.

    D’abord les fils : Jean, baptisé à Nontron en 1635, décédé jeune ; Guillaume, sieur de Faumeaux, mort avant 1677 ; puis Etienne, sieur de la Jartre, qui suit, et François, le Jésuite, dont il sera ensuite question.

    Etienne, docteur en théologie, eut son celebret en 1684. Son frère, le Jésuite grondeur, lui rappelant que des prêtres, jaloux de ce qu’il disait la messe à la Pouyade les jours de fête, veulent l’ « inquieter auprès de l’évêque » ajoute dans une lettre « Vous omettez beaucoup de mots, surtout à l’introit, au crédo, à la préface… vous faites de tems en temps des grimaces. »

    Tuteur de son neveu, Pierre, Etienne eut comme tel bien des difficultés, car les dettes paternelles n’étaient pas payées ; il fallut emprunter. Quand aux échéances capital et intérêts n’étaient pas réglés, on devait trouver des moyens de procédure. C’est ainsi que nous le voyons en 1700 poursuivi tout personnellement comme tuteur par des parents auxquels il avait cru bon de s’adresser, tels que Pierre de La Roussie, sieur de Fontenelle, maître des forges du Rudeau et des Bernardières, et autres fils de Léon, juge des Combes (24).

    Il fut l’objet d’une tentative d’assassinat, comme on le verra à l’article de son neveu. Cela prouve — car il n’y a pas de fumée sans feu — que lui aussi avait excité l’ire de ses voisins.

    Quant à François, appelé d’abord le sieur du Cluzeau, entré dans la Compagnie de Jésus, ce fut la forte tête de la famille. Mme de Loménie, religieuse à Saint-Léonard, dans une lettre adressée, en 1656, à sa nièce, Marie de La Roussie, religieuse à Boubon, se plaint de la famille de celle-ci et dit que le père de François, qui alors faisait ses études, laissait son fils manquer de tout. Elevé ainsi à rude école, François comprit, jeune encore, quels devoirs lui incombaient ; aussi morigène-t-il souvent. N’écrit-il pas : « Il est étonnant que vous autres (ses frères), estant si avares à mon esgard, vous fassiez un plaisir de me chagriner par vos ports de lettres… ? A chaque fantaisie, qui vous monte par la teste, vous m’écrivez par la poste surtout pour des bagatelles. » Suivent forcé conseils à son frère, l’abbé, sur leurs procès.

    Aux procès provenant de la mauvaise gestion paternelle; n’en ajoutaient-ils pas eux-mêmes ? Dans une lettre à son frère, Pierre, le chevau-léger, le Jésuite récrimine au sujet du testament de leur oncle, le prieur du Verdois (un Loménie), et il l’incite, avant de partir pour l’armée, de bien expliquer, dans ses dispositions testamentaires, tout ce qui leur est dû par la maison de Faye (25). Il ajoute « vous sçavez que Nexon, l’aisné qui est mort, par son testament substitue à son frère les enfants de La Judie sans rien-vous donner (26). Nexon, qui fut tué à l’armée, ne fit nullé mention de vous dans son testament. Vous devez lui rendre la pareille. »

    Une autre fois, à propos d’un précepteur que M. de La Pouyade venait de prendre pour son fils, le bon Père écrit : « Je vous conseille de faire appliquer tout de bon le petit libertin à l’estude ; c’est un petit coureur. Je ne voudrois point que son précepteur lui permit de parler la mais que françois, il sait déjà assez de jargon périgourdin. » Il ajoute, le coquet ! tout religieux qu’il est : « Nostre tante de Saint-Léonard m’a mis entre les mains un très beau bonnet, piqué et enrichi de beaux ouvrages avec la coeffe garnie de dentelle, pour nous servir la nuict. » Puis en esprit pratique : — son frère devait être veuf — « Je voudrois bien que nous puissions maintenant vous trouver un party, où il y eust de l’argent, pour vous ayder à sortir d’affaire… Les partys de Limoges sont très peu de choses. » — Les coureurs de dot sont donc de toutes époques !

    Passons aux filles du second mariage de Bertrand. Je n’en connais que deux : Marie, baptisée en 1639, et Marguerite. Sur cette dernière, il est utile de s’arrêter un peu.

    L’aînée, dite Mademoiselle du Breuil, entra dans l’Ordre de Fontevrault, à Boubon, en Limousin, où une de ses tantes avait été religieuse. Elle dut faire sa profession vers 1656, car sa tante de Loménie, religieuse à Saint-Léonard, lui écrivait cette année-là à Boubon pour lui demander si elle avait fait sa profession. Quant à Marguerite, elle fut mise en pension à Saint-Léonard, dans l’espoir que sa tante la religieuse l’accepterait pour rien. « Envoyez à vostre fille, écrivait la même religieuse en 1666 à Madame de La Pouyade, des brasières divers pour s’abiller les matins et des souliers et des bas, les siens ne valle rien. » La pauvre enfant, trois ans après, crie misère et dit combien les religieuses sont mécontentes de ce que sa pension ne soit pas payée. Elle réclame un cotillon de dessous, des coeffes, des souliers… Je suis reduitte dans une sy grande messecité que ie n’é pas un denier pour avoir un laset » L’abbé avait promis de l’argent, mais la supérieure ne reçut rien. » Il cause à cette communauté la perte de plus de mille escus ; il ne vous sauroit dire la colère où toutes sont. » Le 4 août 1670, la Sœur de Loménie de Faye envoie un valet de la communauté chercher à la Pouyade de l’argent et de la toile. A sa lettre est jointe une lettre de la pensionnaire où elle dit combien elle « ressent le peut de soing que vous avez de moy, car je suis reduite dans une grande messe cité… avoir compation et m’envoyer de l’argent pour avoir un habit car le mien est tout en pièces… des soulliers et de la toille pour faire des chemises… » Elle ajoute ce cri du Cœur, qui ne fut pas plus entendu que le reste : « faites vostre possible pour venir me retirer, car il é bien temps. » Rien ! En 1672 elle supplie sa sœur religieuse à Boubon. Rien ! On espère sans doute que la vocation lui viendra.

    En 1677, la Sœur de Loménie écrit à son neveu de La Roussie que sa sœur « désire… étrangement la sortie » du couvent. « Vous aurez de la peine à vous en défaire surtout si la laissez dans le cloistre ; qu’en plus elle paroit tout à fait âgée. » Et on demande des vêtements, de la chaussure. On finit par la lâcher et elle se maria le 18 février 1685 avec Jacques de Monfanges de Boisroulet ou Bosrolet.

    Néanmoins sa pension resta impayée. Voici ce que la prieure de Boubon écrivait, en juillet 1691, à M. de La Pouyade : « Cet nés pas sans subiet que nous avons lieu de nous plaindre car enfin, après avoir atendu le dot de madame votre sœur quinze années… vous pourriées bien faire un effort pour trouver les mille livres… Vous nous remettez pour nous amuser de belles parolles… » Les religieuses avaient essayé, quelques années auparavant d’avoir des à-comptes en nature. « J’anvois chercher, écrivait l’une d’elles à la Pouyade, le reste du vin et l’uille… en déduction de la pension de vostre sœur. Je vous supplie de nous envoier de meilleur vin que celuy… C’est le moindre que ce soyt iamais bu ; quand il demeure une heure tiré il vient épais comme de la moutarde… vous nous avez très mal abreuvées et fort cher. » Bonum vinum non tœdificat cor mulieris : texte de l’Ecriture supprimé, prétendent les mauvaises langues.

    III. — Assassinat d’un aumônier du Roi.

    L’aîné des enfants de Bertrand de La Roussie se prénommait Guillaume ; il était docteur en théologie et il fut pourvu de l’abbaye Bonlieu (27). Ce qui prouve qu’il avait de la valeur, c’est qu’il eut le titre d’aumônier et de prédicateur ordinaire de Louis XIV, et celui de chapelain du Palais et de la Sainte Chapelle.

    Vaincus (on l’a vu plus haut à propos du prieuré de Saint-Angel) mais non désarmés, les voisins soulèvent des difficultés à propos d’autres sujets. Aujourd’hui c’est Raphaël de Lamberterie, sieur de la Tour et seigneur de la Chapelle-Montmoreau, qui, au mépris d’une sentence des Requêtes de l’Hôtel du Palais, adjugeant en 1659 la tenance de la Brousse à l’abbé Guillaume, y place un paysan de sa propre autorité. Demain ce sera Louis de Camain, seigneur de la paroisse voisine de Saint-Front-de-Champniers et sieur du Repaire, qui fera de nouveau saisir les fruits et les revenus de ce tènement. Plus tard c’est Pierre de La Garde, seigneur engagiste de Saint-Angel, qui se joint à eux, traquant partout les La Roussie, chassant sur leurs terres nobles, obligeant leurs métayers à faire charrois et corvées.

    Le clergé s’interpose (il s’agissait de deux des siens). Mgr Le Boux, évêque de Périgueux, intervient et obtient qu’on accepte sa médiation : M. de La Garde, décide-t-il, ne chassera plus dans la garemme de la Pouyade et… genou terre, tête nue, fera amende honorable à l’abbé de la Pouyade, dans le cimetière de Saint-Angel, à l’issue de la messe. Oh ! cela, c’était beaucoup exiger d’un gentilhomme fier et irascible.

    On ne tient aucun compte de la décision épiscopale. Tout continue avec plus de violence. Cette fois on luttera autrement qu’avec la plume d’oie ; le fer et la poudre vont entrer en jeu. « Nous aurons bien raison, s’écrient les Camain et consorts, de ces pseudo nobles qui nous font condamner devant toutes les juridictions. Donner 4000# à cet abbé de Beaulieu, comme l’a ordonné un arrêt du Grand Conseil à MM. de Labrousse et de Langlade ! Nous agenouiller devant lui ! Jamais de la vie ! Plutôt mourir, et c’est lui et les siens qui périront. »

    Certain dimanche MM. de La Garde et de Labrousse, même Mme de La Garde, née Labrousse, attendent Etienne de La Roussie à la sortie de la messe et le rouent de coups. Le 3 février 1672, pareil fait se renouvelle, toujours à Saint-Angel. Cette fois c’est Pierre de La Roussie qui est attaqué ; on sonne le tocsin pour ameuter le peuple ; des coups de fusil et de pistolet sont tirés, mais Pierre n’est pas blessé. Il ne perdra rien pour attendre, car, au mois de décembre suivant, des journaliers de M. de La Garde, l’attaquent dans un chemin, le frappent à la tête avec une hache et le laissent pour mort. Or, savez-vous à quoi sont condamnés, par sentence arbitrale, les fauteurs de ces désordres ? A rendre visite à MM. de La Roussie et à leur faire des excuses. C’est peu, du moins à mon avis, pour une tentative d’assassinat, et cependant ce fut trop.

    Le seigneur de Saint-Angel se dérobe, prétextant une maladie, dont le remède était… de se promener tous les jours, comme par le passé. Guillaume de La Roussie réclame 10.000 livres pour non exécution de la sentence. Fureur de ses voisins, qu’un arrêt du Parlement avait déjà condamnés à lui verser 8.000# (ce qui n’empêche pas l’abbé de laisser sa sœur, comme on l’a vu, dans le dénûment le plus complet ; — mais vivre à la Cour, même pour un prêtre, cela coûte). N’ose-t-il pas réclamer en outre l’exécution d’une promesse verbale, faite par Lamberterie, d’ériger en justice seigneuriale un petit hôtel noble dans le modeste bourg de Saint-Angel où il voulait habiter ?

    L’orgueil devait perdre ce pauvre Abbé de Beaulieu. Il le perdit. Les La Roussie étaient trop exigeants, de l’avis du moins des gentilhommes leurs voisins. Ceux-ci ne font pas mystère de leurs projets. Le bruit du complot, qui s’ourdissait, arrive jusqu’à Limoges, où se trouvait François de La Roussie, le Jésuite. Justement ému, celui-ci les engage à prendre de minutieuses précautions. « Le Repaire et Champniers sont des espions, écrit-il ; je vous ay assez souvent recommandé de tenir vos portes fermées, d’engager vos métayers de venir tous ensemble puiser de l’eau, à fermer en entrant, mais vous ne tenez compte des bons avis qu’on vous donne. Quelque brisement de porte qu’on puisse avoir, il est très difficile d’entrer dans notre maison, où les portes sont merveileuses et les fenestres bien grillées. Mais il est inutile, estant de l’humeur que vous estes, de vous donner aucun avis. »

    On ne pouvait pourtant pas constamment rester enfermé, Ou en promenade se faire accompagner par des gens armés, Puis, le gouverneur de Guyenne avisé n’avait-il pas mis MM. de la Pouyade « sous la sauvegarde du Roy ? » Protection platonique s’il en fut.

    Le 2 janvier 1677, MM. de Lamberterie (28) et de Camain (29) dînent chez le juge de Quinsac et dînent bien, comme on dînait à cette époque, surtout en jours de fête. Ils ne venaient pas de loin : Saint-Front-de-Champniers et La Chapelle sont à une petite lieue de la Pouyade et guère plus loin de Quinsac. Peut-être avaient-ils été souper, le jour de l’An, à Vaugoubert, chez leurs amis et cousins, les d’Aydie, ennemis eux aussi des La Roussie. Durant ce repas, ils parlent du complot ourdi contre les La Roussie à mots couverts, mais pas si couverts que cela — in vino veritas — car le juge de Quinsac comprend ce dont il s’agit ; toutefois, en homme prudent, il ne dit rien, il se contentera de suivre de loin ces nobles seigneurs qui ont honoré sa table, pour instrumenter… après coup, si c’est nécessaire.

    Les dits gentilshommes quittent Quinsac et se dirigent à cheval vers la Pouyade, non sans réunir en route quelques hommes armés, dissimulés dans le bois et prévenus sans nul doute. Le bonheur pour eux — le malheur pour les autres — veut que l’abbé de La Roussie et son frère, Pierre, se promenaient tranquillement sur le chemin de Mars, à une demi-lieue de la Pouyade. Les charger à fond est l’affaire d’un instant. « Tue ! Tue ! » crient-ils, et arrivés sur l’abbé, MM. de Lamberterie lui tirent deux coups de pistolet à bout portant et l’étendent raide mort ; un prélat ! un aumônier du Roi !… Puis, se retournant contre son frère, Pierre, ils déchargent leur pistolet sur lui et lui font envoyer un coup de fusil qui l’atteint aux reins. Pierre tombe grièvement blessé ; il reçoit quelques coups d’épée ; on le croit mort. Les assassins — car comment les appeler autrement ? — s’arrêtent comme atterrés de leur forfait.

    La Roussie n’était qu’étourdi, il fait alors un mouvement, saisit un fusil, chargé de plomb, qui était à ses côtés, le coup part et frappe le cadet des Lamberterie, qui mourut peu après sa blessure. Le frère, furieux de cette défense inattendue, se retourne et va achever Pierre, quand l’un des paysans, accourus au bruit de la fusillade, se place entre le sieur de La Chapelle et le blessé et, bravement, prend sa défense. Craignant qu’on ne leur fasse un mauvais parti, les agresseurs, dont l’un était blessé, jugent plus prudent de se retirer. Marie de Loménie, mère des victimes, accourt ; elle les fait transporter à la Pouyade et, en pleurant l’aîné, elle soigne le cadet, dont les jours furent en danger. Le médecin ou son apothicaire le vinrent voir souvent (3 livres par visite).

    Vous vous attendez à une condamnation sévère, car, bien que je n’aie eu que le son d’une cloche (les papiers de la Pouyade), je trouve des jugements et des arrêts en faveur des La Roussie — il s’agit du meurtre, je le répète, d’un abbé mitré, d’un prédicateur du Roi. — De condamnation sévère, point ! Quels protecteurs devaient donc avoir ces Camain et consorts !

    D’abord, c’est M. Dalesme (30), lieutenant-général criminel au siège de Périgueux, qui, prévenu au lendemain du crime, se rend sur les lieux, interroge, enquête, que sais-je, et… refuse de verbaliser sous prétexte de parenté ! Dix jours après, le Parlement charge bien le juge royal de Thiviers d’instruire l’affaire, mais je n’ai pu savoir quelle suite exacte lui fut donnée.

    Ce que je sais, c’est que Pierre de La Roussie, qui a obtenu des lettres de rémission, pour avoir blessé à mort le Lamberterie qui avait voulu le tuer, a toutes les peines du monde à obtenir leur entérinement. Ce que je sais, c’est qu’en 1689, Etienne de La Roussie demande qu’il soit décrété de prise de de corps contre les Camain et Lamberterie (douze ans après le meurtre !). Ce que je sais encore, c’est que la bonne vieille dame de La Pouyade qui, frappée par cette mort affreuse, en mourut peu après, supplie de son côté Mme la Grande Chancelière de lui accorder sa protection pour qu’elle puisse arriver auprès de « messieurs du Grand Conseil, députtés par Sa Majesté » pour instruire le procès, car on n’a pu aboutir à cause des protections qui couvrent les accusés. Bien plus, en 1690, le seigneur de Saint-Angel trouve le moyen de faire saisir féodalement le fief de la Pouyade qui, pourtant, relevait directement de l’évêché d’Angoulème ou de la Couronne. Il s’entendait avec les autres pour ruiner les La Roussie et, chose triste à constater, ils y parvenaient.

    Puisqu’il s’agit des Camain et de mœurs montronnaises, voici, d’après une enquête au chartrier de la Pouyade, une histoire peu édifiante. Le 6 juin 1596, devant Joseph de Labrousse, juge ordinaire de Javerlhac « au parti du sieur de La Chassaigne », Etienne de Camain vint déclarer que la veille au soir son frère, maître François de Camain, fut tué par des gens de Javerlhac. Le juge s’y transporta et interrogea Marguerite, fille de « l’homicidé ». Il apprit que les meurtriers, après avoir forcé les portes de sa maison, lui avaient déchargé un coup d’arquebuse dans la tête et fait une blessure au côté, puis avaient traîné son corps sur la place publique. Les témoins déclarèrent que le seigneur de Javerlhac (31) venu à cheval, guidant les meurtriers, avait commençé par interpeller F. de Camain pour savoir s’il voulait ou non payer la dîme et, qu’à la suite de propos échangés, il tira sa dague et l’en perça.

    Un témoin, il est vrai, dit que Camain (qui était procureur d’office de la juridiction) ayant blessé M. de Javerlhac, un serviteur de celui-ci tira le coup d’arquebuse mortel.

    IV. — Déclin.

    Pierre de La Roussie avait 26 ans quand son père Bertrand décéda, puisqu’il fut baptisé en 1640 à Nontron ; il devint seigneur de la Pouyade, parce que son frère aîné était entré dans les Ordres. Bien qu’il fut alors en âge de se marier, il ne fut pas pressé de prendre femme, comme on dit, car ce n’est que dix-huit ans plus tard qu’il épousa, vers 1684, Jeanne Gay de Nexon, fille de François, brigadier des chevau-légers de la garde. Il avait 44 ans. Deux ou trois ans auparavant, son frère le Jésuite, se tourmentait de la solitude de la Pouyade. « Est-il possible que nostre bonne mère, lụi écrivait-il de Périgueux où il était à la Résidence, ne soit plus vivante… Vous voyez que maintenant vous estes en necessité de vous establir afin d’avoir femme… Vous avez plus de quarante ans. »

    La raison des hésitations de Pierre provient certainement de son état militaire. Il était chevau-léger de la Garde. Depuis quelle époque ? Je n’ai pu le trouver ; certainement dès avant 1666, bien que dans sa maintenue de noblesse du 28 septembre 1667 (32), il n’en prenne pas la qualification. Dans son testament, janvier 1694, ouvert en janvier 1696 (ce qui donne la date approximative de sa mort), il se qualifie de brigadier des chevau-légers. On peut donc conclure qu’il servit toute sa vie. Lui, comme ses sœurs, criait misère ; il demandait, en 1666, de l’argent provenant de la fonte d’argenterie de famille pour payer une culotte de chamois qui avait coûté 6 écus.

    On n’avait pas qu’à s’équiper, il fallait aussi reprendre les quartiers (on sait qu’on servait à tour de rôle) avec des chevaux de race ou de types fixés d’avance. Ainsi, un jour, il reçut ordre de rejoindre à Château-Thierry avec un cheval « à longue queue ». En 1712, en convoquant son fils, aussi chevau-léger, le duc de Chaulnes ne lui écrivait-il pas : « de se rendre avec un cheval d’escadron digne d’être agréé à la paix… le présenter bien gras, ce me donnera le moyen de vous procurer les grâces de Sa Majesté ? » Dans les lettres de Pierre et dans ses notes de campagne, il y a d’intéressants détails. Il devint veuf assez promptement et n’écouta pas les conseils de son frère, en vue d’un second mariage, qui aurait relevé sa situation de fortune, bien compromise par son père et que ses séjours à l’armée, dans ce milieu élégant de la Garde royale, ne pouvaient améliorer, au contraire.

    On a vu qu’il fut blessé dans les rixes avec ses voisins. Et 1684 et en 1689, il adresse des placets au Grand Chancelier. Conséquence de ces demandes de poursuites, justifiées capendant, contre les assassins de son oncle : animosité redoublée de la part des irascibles voisins ; en 1690, le baron de Saint-Angel « fit saisir le fief de la Pouyade et establir comme commissaires… deux coquins ». L’abbé, en prévenant son frère alors à l’armée, ajoute, il est vrai, qu’il espère faire casser la saisie. L’évêque d’Angoulême ne lui créa-t-il pas du reste des ennuis parce que Pierre avait rendu hommage en 1679 à la Couronne pour Lapouyade en Saint-Angel (qui était du Domaine engagé) ? Le prélat s’en disait suzerain comme seigneur de Mouton (sic) (33). — Mon Dieu ! que ces pauvres de La Roussie étaient donc peu aimés !

    Pierre de La Roussie n’eut qu’un fils, prénommé comme lui, né ou baptisé le 29 novembre 1685, et dont la première éducation laissa à désirer ; son oncle le disait petit coureur, ne parlant que patois, jurant, buvant trop de vin pur. Cela se comprend : plus de mère, un père à l’armée. Il avait à peine onze ans, quand celui-ci mourut ; alors le jeune Pierre, sous la tutelle de son oncle, l’abbé de la Jartre, dut changer et travailler. « Nexon, écrivait l’abbé, dit que nostre neveu sera reçu dans les chevaulegers, comme fils d’un officier, qu’on le relaschera pour l’age et Neixon se chargera de l’équipper. » Et le bon prêtre, se souvenant que père et grand-père s’étaient mariés sur le tard, ajoute : « Je voudrois bien que nostre neveu se mariast avant de s’engager dans le service. » Ah ! comme tout ce qui touchait de près ou de loin à la Cour, effrayait, à bon droit, les âmes candides et sans ambition des Périgourdins !

    Pierre fut officier de la Garde (chevau-léger) avant vingt ans, nous l’y retrouvons encore en 1729, âgé de plus de quarante. De Gabrielle de Nesmond, il n’eut qu’un garçon, Charles. La situation de la famille avait dû être réglée ; elle était devenue modeste et ses revenus les plus clairs permettaient bien juste à l’officier de la Garde de tenir son rang.

    Charles de La Roussie entra lui aussi dans les Chevau-légers de la Garde ; il servait encore en 1763 avec la croix de Saint-Louis, modeste ambition de bien des gentilshommes caumpagnards. Il mourut à 62 ans en 1789, ne laissant que des filles de Suzanne de Chasteigner de La Rocheposay, sa cousine au quatrième degré. Or, qui épousa, en 1780, l’une d’elles, Gabrielle ? Pierre de Lamberterie, seigneur de la Chapelle-Montmoreau, qui n’était ni plus ni moins que l’arrière petit-fils du Raphaël de Lamberterie, qui avait assassiné son grand-oncle, l’aumônier du Roi. Que le temps fait donc oublier les choses ! Puis, aux coutumes de violences en Nontronnais avaient succédé l’apaisement dans les mœurs et, partant, le pardon des injures.

    Comte de Saint-Saud.

    Notes :

    1. Arrêt du Parlement de Bordeaux du 6 juin 1714, entre P. de La Roussie de La Pouyade et Alexis de Fayard des Combes.

    2. Sur ces La Roussie et sur ceux de La Pouyade voir la notice généalogique que je viens de publier dans mon livre Généalogies Périgourdines, seconde série.

    3. Dans l’étude sur Nontron, par M. de Laugardière, parue dans notre Bulletin, il y a lacune des prieurs de Saint-Sauveur pour tout le XVIe siècle.

    4. Elle était fille de Jean, décédé en 1560, fils aîné de Bertrand, fils lui-même de Jean qui testa en 1518. Sa mère se nommait Jeanne Louvain.

    5. Les Richelieu, par M. Deloche, p. 82.

    6. Je laisse ce prénom de Jean, bien qu’à cette époque le seigneur de la Roche-Pontissac fut François Faure baron de la Roderie, marié vers 1595 à Judith Filhot de La Curée. François avait un frère, Alain, qualifié aussi de seigneur de La Roche-Pontissac, décédé sans hoirs vers 1621.

    7. Cet Alain semble être le coseigneur de la Roche-Pontissac, le frère de François, dont il a été parlé dans la note précédente.

    8. Branche des du Barry, dont était le célèbre conspirateur La Renaudie et qui n’a jamais été étudiée. Elle semble s’être éteinte lors des mariages ci-dessus ; en tout cas, le fief de la Renau lie fut vendu en 1613 par les maria de Jeanne et de Marie.

    9. Pierre d’Aytz en était prieur en 1509.

    10. En 1604 et 1605 devant ce prélat, assisté de l’Abbé de Chancelade, du chanoine Aymeric de Mèredieu et de Baptiste de Chancel, commissaires désignés par le roi pour l’aliénation du domaine des églises du diocèse, Pierre Boueyron déclara que son prieuré avait été taxé à 104 livres 1 sol, 6 deniers.

    En 1624, le prieur de Saint-Angel paya au receveur héréditaire des décimes du diocèse 42 livres se décomposant ainsi (je néglige les deniers) :

    Pour l’ordinaire. 24 liv. 10 s.
    Pour l’autre. 3 liv. 12 s.
    Gages du receveur ancien. 2 liν. 9 s.
    Gages de l’alternatif. 2 liv. 3 s.
    Affaires du clergé. 3 liv. 6 s.
    Ministres convertis. 3 s.
    Assemblée de Paris. 7 s.
    Séminaire. 48 s.
    Commission de décembre. 43 s.
    Six deniers pour livre. 3 s.

    11. En 1617, ce Boueyron ne voulut-il pas disputer la cure de Lisle à Arnaud Mézard, qui s’en était fait pourvoir par l’Abbé de Chancelade à la résignation de Pierre Gaignerie et en avait légitimement pris possession en novembre 1611 ?

    12. Etienne Pourtenc, seigneur de la Barde et de Vaugoubert. Observer que : les dîmes avaient été inféodées à un de ses parents, que sa fille Antoinette, mère de la femme de Guy d’Aydie, avait épousé Bertrand Audier de Montcheuil, que ces Audier avaient eu des difficultés avec les La Roussie. On voit ainsi sous quelles formes variées se perpétuaient ces ressentiments de famille.

    J’ajoute que Vaugoubert avait été acheté par Etienne, qui semble avoir oublié que son père et son grand-père avaient tenu boutique à Saint-Pardoux.

    13. Cet Abbé ne devait avoir que des Ordres bien mineurs. La Gallia ne le mentivnne pas comme Abbé de Saint-Astier, dont il ne dut avoir la commende qu’en… sollicitation. En tout cas, il prit du service sous le nom de comte de Ribérac et fut blessé mortellement, en 1630, en défendant Casal, à la tête d’un régiment de cavalerie.

    14. Dans ce monastère de la paroisse de Cussac, dont il ne reste plus que des ruines, sa sœur était religieuse.

    15. Ce jeu, devenu un simple divertissement de foire ou de fête publique, consistait alors à enfiler et à enlever, au galop d’un cheval, avec une lance ou une épée, une ou plusieurs bagues suspendues à un poteau.

    16. Marie-Madeleine du Faure, demoiselle de la Roderie, qui devait épouser, en 1626, Henri Texier de Javerlhac, puis Henri de Beynac.

    17. Les filles de Pierre de Fayard des Combes, dont l’une, Claude, fut religieuse aux Alloix ; une Marguerite de Fayard, Bénédictine en ce monastère, fut pourvue en 1614 du prieuré de Courpière, mais elle résigna. Voir mon volume Généalogies Périgourdines, seconde série, p. 261.

    18. Il est exact que le 12 janvier 1620 tomba un dimanche. Cette mention prouve que l’abbé avait oublié de relater le fait en temps voulu.

    19. Jean de Londeix venait d’acheter Veyrac à Olivier de Saint-Georges. Le nom s’écrit aussi Londays et Loudeys.

    20. Il n’avait que 18 ans ! Il jeta le froc aux orties pour épouser, en juin 1659, Catherine de Morilhères, mariage dont l’ignorance semble voulue par les généalogistes. Voir mes Généalogies Périgourdines, seconde série, p. 489 et 488.

    21. Malgré leur importance, les archives de la Pouyade présentent bien des lacunes. A tous points de vue il eût été intéressant de connaître cette affaire. Je n’ai pu savoir ce que fut cette sédition de Nontron.

    22. Annet de Pérusse des Cars, comte de Lamothe, appelé ensuite le marquis des Cars, d’abord chevalier de Malte, décédé en 1692.

    23. René de La Garde, seigneur de Mirabel et de Langlade, et son fils Pierre, fils et petit-fils de François, baron de Saint-Angel.

    24. En vraiment dignes Nontronnais de ces temps malheureux, ces La Roussie laissaient eux aussi bien à désirer. Deux des fils de feu Simon, juge des Combes, les sieurs de Fontenelle et du Maine, furent condamnés vers 1680, par contumace il est vrai, à être pendus pour avoir occis plus ou moins légalement en duel François de Vassoigne de Sillac.

    25. Mme de La Roussie, leur mère, était fille d’une Loménie de Faye.

    26. Il s’agit des Gay de Nexon et de la Judie. Pierre devait plus tard entrer dans cette famille.

    27. Les Cisterciens avaient trois abbayes de ce nom ; je ne sais laquelle Guillaume avait en commende.

    28. Raphaël, seigneur de la Chapelle-Montmoreau et de la Tour, et un de ses frères cadets. Par leur grand’mère, Marie Pourtenc de La Barde, ils étaient proches parents des Camain.

    29. Hélie, seigneur du Repaire et de Champniers, et son frère cadet, Louis dit le chevalier du Repaire. Leur grand’mère était aussi une Pourtenc.

    30. Louis-François de-Paule d’Alesme, dont l’oncle, Annet, venait d’être assassiné par le chanoine Mèredieu.

    31. François Texier, coseigneur de Javerlhac.

    32. Bibliot Nat. Mss, Carrés 555.

    33. Archives municipales de Bordeaux, JJ 153. — Saint-Angel payait 1206 livres pour la taille.