Généalogie Charente-Périgord (GCP)

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  • M. de Lézignac, qui, en sa qualité de noble, était obligé de se cacher dans sa contrée, passait pour, avoir sur lui une forte somme en or; il fut assassiné et volé dans une grange qui lui servait de refuge, pendant la nuit, au village des Châtres, commune de Lézignac-Durand. Il n’y eut encore ni poursuites, ni répression.

    Pendant longtemps, on ignora les circonstances de ce meurtre; mais la conscience, cet œil investigateur de l’àme qui se voit tout entière et se juge elle-même sans faiblesse; la conscience, dis-je, qui trouble le criminel le plus endurci, surtout au moment du trépas, suscita le remords chez l’un des complices qui parla, et voici ce que m’a conté une personne honorable qui, dans le pays, avait recueilli les confidences et les révélations.

    M. du Rousseau de Lézignac, assassiné au commencement de 1794, était resté orphelin de bonne heure avec une sœur un peu plus jeune que lui (1).

    Il ne prit point de service militaire et resta avec sa .sœur au château de Lézignac-Durand; mais il émigra en 1791 et rentra peu de temps après. Alors il dut se cacher, car on le déclara suspect, et sa qualité d’ancien émigré l’envoyait droit à la guillotine en cas d’arrestation. En rentrant au château de ses pères, il trouva sa sœur mariée de la veille avec un citoyen qui y était installé en maître, et qui, dit-on, refusa de le recevoir et même de le reconnaître. Il s’ensuivit une altercation violente, accompagnée de voies de fait; de là une haine implacable entre les deux beaux-frères, qui autorisa dans le temps certaines rumeurs graves, quoique improbables, et dont je n’entends en rien me rendre ni l’écho, ni l’éditeur responsable.

    M. de Lézignac était un homme de haute stature, doué d’une force herculéenne et d’une agilité remarquable. On raconte que, toujours poursuivi par les agents du comité révolutionnaire, il s’était réfugié un jour dans une maison qui fut cernée. Comme il savait parfaitement où son arrestation devait le conduire, il se sauva par les greniers, fit une trouée à la toiture, sauta par terre, bouscula tout sur son passage et s’enfuit dans les bois sans qu’on pût le saisir.

    Les qualités de son cœur répondaient à la beauté de son corps; il était humain, compatissant, secourable pour le pauvre, aussi partout, dans la contrée, on lui faisait bon accueil, on le cachait, on le protégeait à raison des recherches dirigées contre sa personne. Il se réfugiait tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre de ses voisins; quelquefois il se cachait dans les bois, où on lui portait à manger, sans qu’on le trahit jamais, ni par vengeance, ni pour toucher la prime offerte au dénonciateur par la République. La famille Fougeron de Lapélusonie surtout fut pour lui une seconde Providence pendant tout ce temps de persécutions. Un soir que M. de Lézignac était excédé de fatigue, car les agents du comité révolutionnaire de Confolens étaient toujours à ses trousses et ne lui laissaient ni trêve, ni merci, il alla se réfugier au village des Chastres, dans une maison occupée par la famille G…, où il se retirait quelquefois. Il y avait là une réunion de buveurs et de joueurs. M. de Lézignac, sans méfiance et toujours généreux, leur donna quelque argent pour s’amuser entre eux, puis il passa dans une grange, déposa ses pistolets sur un coffre et se coucha tout habillé sur un mauvais grabat, où bientôt il s’endormit d’un profond sommeil. Les compagnons du crime, en l’entendant ronfler, résolurent de le tuer, parce qu’ils le savaient porteur d’une forte somme en or, ou peut-être pour d’autres motifs, qui se disent encore tout bas à l’oreille dans la contrée, mais qu’il ne nous appartient pas de répéter, parce que nous n’y croyons pas. Ils prirent une longue barre de fer ou levier servant à extraire la pierre, et deux hommes, la tenant à chaque extrémité, appuyèrent fortement le milieu sur la poitrine de la victime pour l’étouffer, pendant qu’un autre complice, dont on a conservé le nom, la frappait à coups redoublés sur la tête avec une tranche, jusqu’à ce qu’enfin l’infortuné restât sans vie.

    Après l’assassinat, on porta le cadavre dans le bois des Vergnes et on le jeta dans le fossé qui touche au clos des domaines de Chez-Raillard. Il y était depuis neuf jours, lorsque des chiens de bergères du village le firent découvrir à leurs maîtresses, qui les entendirent grogner comme pour se disputer une proie. Un rapport fut fait à l’autorité municipale qui fit enlever le cadavre, et on le porta au cimetière sans plus s’en préoccuper. Il n’y eut aucune enquête judiciaire, et, puisqu’il s’agissait d’un chien d’aristocrate, les assassins, quels qu’ils fussent, avaient bien mérité de la patrie.

    On raconte encore, dans la localité, que chacun des assassins a fait une mort cynique ou cruelle.

    Le vieux M. Fougeron de Lapélusonie fit faire l’enterrement à ses frais, tant il avait d’affection pour ce malheureux qui devait épouser sa fille aussitôt que le temps des persécutions serait passé. Si M. de Lézignac avait pu se soustraire encore quelques mois à l’abominable complot dirigé plus encore contre sa bourse que contre sa vie, il était complétement hors de danger, car la sanglante dictature de Robespierre, cause de tous les maux, touchait à sa fin.

    J’ai laissé courir le récit sans l’interrompre, tel qu’il m’a été transmis, tant il m’a paru vrai et inattaquable. Ici les faits palpitent; il semble qu’on assiste à ces scènes lugubres, si bien en rapport avec les idées et les habitudes de ces temps malheureux.

    Notes :

    1. Nous n’avons pas pu obtenir les actes de naissance et de décès de celle victime, car les registres de celle commune manquent pour celle époque. — Voici l’acte de décès de son père :

    « Le vingt-deux septembre de l’an mil sept cent cinquante-cinq, est décédé dans le bourg de Lézignac-Durand, dans la communion de l’Église, et a été inhumé, le vingt-trois du courant, messire Martial du Rousseau, écuyer, âgé de cinquante-cinq ans ou environ, veuf de Marie-Suzanne Pasquet. L’enterrement a été fait en présence de messieurs Germain Berthoumet, sieur de La Vue, habitant Orgedeuil en Angoumois, et de Jean de Plas de Fontaubière, habitant de Cherves, ses neveux, soussignés, et de plusieurs autres parents et amis. »

    (Suivent les signatures.)

    Les du Rousseau de Lézignac étaient de même souche que les du Rousseau de Ferrière, de Fayolle, de Coutgens, de Magnac, etc.

    Source : Les victimes de la terreur du département de la Charente, de Stéphane-Claude Gigon.

  • Liste des noms, surnoms et ci-devant état ou grade des émigrés du district de Nontron, département de la Dordogne.

    Saunier-Dupleissac les six frères, un ci-devant garde-du-corps, un autre ci-devant officier d’infanterie.
    Moreau-Monjulien, ci-devant gendarme.
    Hienier-Beaupoil-St-Aulaire, ci-devant noble.
    Claude Royère, idem.
    Jean Sauvo-Puifort, idem.
    Lamberterie, ci-devant garde-du-corps.
    Les deux Escravayat-Labarrière, l’aîné ci-devant gendarme, l’autre ci-devant officier d’infanterie.
    Alexandre Chareyroux, ci-devant noble.
    Marenda-Ducousset, idem.
    Lacroix-Durepaire, idem.
    Gratereau-Desgroges, idem.
    Pierre Basset-Desrivailles, ci-devant cordelier.
    Lassalle-Duvignau, ci-devant gendarme de la garde.
    Antoine Faurichon.
    D’Escars, ci-devant cordon-bleu, maître d’hôtel du ci-devant roi.
    Beaumont, ci-devant noble.
    Pierre Champagnac, ci-devant officier d’infanterie.
    Aubin Boulouneix, ci-devant noble.
    Jean Roinial-Desmoneix, ancien page.
    Brie-Delagera, ci-devant noble.
    Roux-Romain, ci-devant garde-du-corps.
    Manadeau.
    François et Alexis Conan, tous deux ci-devant officiers d’infanterie.
    Déjean-Jovelle, ci-devant noble.
    Saunier-Mondevy, idem.
    Les deux Texier frères, idem.
    Joseph Astellet, idem.
    Camain-St-Sulpice fils, idem.
    Les deux Lafaye plus jeunes, ci-devant officiers d’infanterie.
    Dussieux, ci-devant noble.
    Monbadur-Desport.
    ViIIars-Pontignac aîné, ci-devant officier de cavalerie.
    Montardi-Lapalurie père et fils, ci-devant gardes-du-corps.
    Pierre Lamberterie, ancien officier d’infanterie.
    Les deux Fayard fils, ci-devant noble.
    St-Paul, idem.
    Lagarde fils, idem.
    Moreau-Moncheuil fils aîné, idem.
    Pindray-Dambelle, idem.
    Jean Beliard-Baupré, volontaire du 2e bataillon de la Haute-Charente.
    Javerlhac, sa qualité et état inconnus.
    Teyssonnière, idem.
    Trion-Legurac, idem.
    Dordière, idem.
    Villars-Pontignac cadet, ci-devant garde-du-corps.

    (Le Chroniqueur du Périgord et du Limousin, 1856)

  • Pendant plusieurs siècles encore, ce château restait l’état de masure, protégé par son titre de propriété du roi; mais au commencement du XVIIIe siècle, sur la fin du règne du grand Louis, le gouvernement, aux abois, chercha à se procurer de l’argent en aliénant, comme il l’avait fait souvent, une partie du domaine public. Le roi vendit ou plutôt engagea, d’après Vigier de la Pile, moyennant 12,500 livres, ce terrain où il ne restait que de mauvaises masures, et quelques domaines adjacents, ainsi que tous les droits seigneuriaux, les rentes, la justice haute, basse et moyenne, la pêche sur la rivière, au sieur Guillaume Deval, président de l’Election d’Angoumois, qui dès lors possédait le domaine de la Lesche, tout près situé. En effet, à partir de cet instant, les Deval prirent le titre de seigneurs de Touvre jusqu’à la Révolution et adoptèrent même un blason. Mais ils ne gardèrent pas longtemps l’ensemble du château, car à la date du 26 avril 1738 Jean Deval, seigneur de Touvre, avocat en la cour de Parlement de Paris, fils du précédent, donnait en baillette, à la charge de trois livres de rente, à Antoine Bataille, un mas appelé les masures du petit-château, séparé par les fossés des masures de l’ancien château. Par acte du 8 octobre 1736, il avait déjà cédé, pour pareille rente, à Marie Catafort, veuve Demay, un terrain proche les fossés de l’ancien château, avec droit de pacage sur cet emplacement; il lui donnait également la permission de prendre du moellon et du sable dans l’enceinte du vieux château, pour construire deux chambres sur le terrain vendu, ce qui semble prouver qu’il existait encore des débris assez considérables.

    En 1764, le sieur Caminade du Chateney, avocat du roi au siège de Cognac, était substitué au sieur Deval comme engagiste de la seigneurie de Touvre, et en 1779 il s’y trouvait encore. Mais alors lecomte d’Artois, apanagiste de la duché d’Angouléme, voulut rembourser les engagistes et rentrer dans les domaines qui avaient été cédés en 1703. On sait, en effet, que le droit féodal n’admettait aucuns biens personnels aux rois; tout ce qu’ils avaient appartenait à la France, et lors de leur avènement au trône, les biens de toute sorte qu’ils avaient pu acquérir auparavant étaient réunis au domaine de l’État. Le roi ne pouvait donc vendre; dans les moments de détresse, il engageait ses domaines, mais la clause de résolution ou de retrait y était toujours insérée ou sous-entendue; aussi ces cessions étaient faites aux engagistes, on peut le dire, à vil prix. Ainsi, la seigneurie de Touvre, qui avait été engagée pour 12,500 livres, comprenait, outre les droits féodaux, de justice, de chasse dans la Braconne et Bois-Blanc, de pêche sur la rivière, 147 boisseaux trois quarts de froment, 17 boisseaux avoine, 18 chapons, 6 gélines et 107 liv. 2 s. 4 d. en argent, au devoir envers le roi de l’hommage d’une perdrix rouge à chaque muance ou mutation de vassal. En 1779, le sieur Caminade dut donc produire ses comptes pour être remboursé, et le château, ou du moins son emplacement, déjà en culture, rentra dans le domaine royal, d’où il était sorti depuis soixante-seize ans. Mais au moment de la Révolution, ces biens furent saisis sur la tête de Charles-Philippe Capet, émigré, et vendus de nouveau.

    Source : Le château de Touvre, de Stéphane-Claude Gigon.

  • La famille Besse Desmoulières était « suspecte » . Le chef de famille était alors Gérôme. Son frère Jean-Baptiste, qui était prêtre, parlait de prendre le chemin de l’exil. Au début de 1792, de mauvaises langues ont dû jaser. Un des fils de Gérôme, Pierre Besse, est absent depuis longtemps. Où est-il ? N’aurait-il pas rejoint l’armée des Emigrés ? Pour calmer les soupçons malveillants, le « sieur Desmoulières père » demande à la municipalité de Milhac de se faire délivrer par la municipalité de Dôle, dans le Jura, où se trouve son fils, un certificat de résidence. « L’attestation certifiant que le sieur Pierre Besse Desmoulières, cavalier au 7e Régiment précédemment Royal-Etranger, en garnison » à Dôle, se trouve bien « dans cette ville où il réside en cette qualité », est datée du 3 février 1792.

    Jeanne Pourtent, du Chastenet, avait un frère, Jean, qui était chanoine et résidait à Arras. Sans doute aussi pour se défendre contre des calomnies, Jeanne demanda « verbalement » un certificat prouvant que le chanoine était toujours en France. Le 6 octobre 1792, la municipalité d’Arras signait pour celle de Milhac un papier « attestant que Jean Pourtent, ci-devant chanoine, a résidé à Arras » depuis le 29 avril 1791 jusqu’à ce jour.

    En 1793 vivait à Croze la veuve Faurichon. Elle était née Marie Guichard de Verzinas. En 1769, elle avait épousé Elie-Noël-Jean Faurichon, écuyer, seigneur de Labardonnie, qui demeurait à Croze.

    En 1793, elle pouvait donc avoir quelque 45 ans.

    Son fils aîné, prénommé Elie comme son père, selon une coutume fréquente, pouvait, lui, être âgé d’environ 23 ans.

    La veuve résidait à Croze avec «ses filles ». Mais son fils Elie avait émigré.

    Les Faurichon de Croze étaient donc « suspects » .

    A la fin de 1792, un « officier municipal » avait été envoyé tout exprès à Croze pour rappeler à « ladite Guichard et à Georges Puyrenier son homme d’affaires » que « les biens des émigrés étaient mis sous la sauvegarde de la Nation » et qu’ils ne devaient pas « être dilapidés ». La veuve avait fait au messager « des réponses irrévérentielles » et lui avait dit que le Conseil se mêlait de ce qui ne le regardait pas. Sur quoi elle avait donné l’ordre de « couper des arbres sur les limites du pré de réserve attenant la maison appartenant à son fils, émigré français ». Le 18 janvier 1793, la municipalité votait un blâme à « Marie Guichard veuve La Bardonnie », et en donnait connaissance au District « à telles fins que de droit ».

    Au printemps de 1793, un « bruit commun » avait couru jusqu’à Nontron accusant les deux « dames » des Moulières et de Croze d’avoir tenu des « propos peu républicains ». Le District en prit prétexte pour ordonner une visite domiciliaire aux deux « maisons suspectes » des Besse et des Faurichon. La visite eut lieu le 29 mars 1793 après midi. Elle était dirigée par le commissaire Ladorie, envoyé par le District, auquel faisaient escorte le maire, le procureur de la commune, deux officiers municipaux, deux notables et quatre gardes nationaux.

    Bien que Gérôme Besse Desmoulières fût alors « commandant de la Garde nationale », on commença par sa maison « environ les 2 heures de relevée ». Aussi bien était-ce à sa femme qu’on en avait. Les enquêteurs sont reçus par la fille de Besse. Elle leur dit que sa mère est absente, qu’elle est partie à Bonnefond. Elle va appeler son père. Quand Besse est là, on lui demande de donner « les clefs du cabinet de son épouse » et « les journaux ou lettres et papiers qui, dans les circonstances (présentes) , peuvent être suspects ». Besse répond que sa femme a sur elle « les clefs des deux cabinets ». Il les montre et on y appose des scellés. Puis il ouvre « un tiroir » où sont « des lettres et des papiers ». On les examine : « Rien n’est trouvé suspect ». Puis la fille Besse doit ouvrir un « cabinet » lui appartenant. On y trouve « parmi des papiers deux lettres qui ont paru suspectes » et que confisquent les commissaires.

    Après la visite des papiers, on s’occupe des armes. On inventorie : 3 fusils simples, 1 fusil à 2 coups, 2 pistolets « de fouraud », l’épée, 1 couteau de chasse et 2 pique. Toutes ces armes seront « transférées de suite en la maison commune ».

    On se rendit ensuite aux écuries. Les deux juments qui s’y trouvent sont mises « en réquisition permanente ».

    Avant de se retirer, les commissaires déclarent « au citoyen Desmoulières » que sa femme est mise « en état d’arrestation ». Desmoulières « promet » qu’elle se rendra demain à la maison commune où elle restera détenue jusqu’à la décision du District.

    Les enquêteurs se rendirent alors aussitôt à Croze « en la maison de la citoyenne Guichard » . Elle ouvre « tous ses cabinets » et « produit tous ses papiers ». Rien de suspect.

    Quant aux armes, elle donne ce qu’elle a : 2 pistolets « à foureaud », 1 épée fort rouillée, 1 mauvais fusil simple et 1 autre à 2 coups. Mais ce dernier ne lui appartient pas. Il est à Puyrenier, son homme d’affaires. Par contre, elle en possède un « assez en bon état », qui est actuellement «chez !e citoyen Laurandie ». Les armes de Croze sont emmenées. Le fusil de Laurandie sera apporté demain à Milhac.

    Ladite Guichard » est, elle aussi, mise « en état d’arrestation ». Qu’elle se rende demain en la maison commune où elle aura à se justifier des « paroles pour lesquelles elle a été dénoncée ». Elle accepte et promet.

    Le lendemain 30 mars, les deux dames sont à Milhac. Elles demandent que le commissaire du District vienne enquêter sur leur culpabilité et lever les scellés sur les deux cabinets des Moulières. Aussitôt le Conseil envoie un « exprès » à Nontron pour demander à Ladorie de revenir dès le lendemain. Le conseil général de la commune se trouvera de nouveau réuni, et lui, Ladorie, aura à procéder à un complément d’enquête.

    Le commissaire du District vient seulement le 1er avril. Aux Moulières, dans les deux cabinets de la dame Besse, il ne trouve rien de suspect, sinon une « Représentation du Clergé de France faite à Louis XVI » et une « lettre dont le citoyen Ladorie s’est emparé ».

    Après avoir examiné les accusations portées contre les deux dames au sujet des propos subversifs qu’elles auraient tenus, et après avoir pris « l’avis du Conseil » municipal, Ladorie rend son verdict. Les deux dames ne sont pas coupables, qu’elles soient remises en liberté. Il leur donne cependant le conseil d’être à l’avenir «plus circonspectes envers leurs concitoyens». Les dames « promettent d’être exactement réservées, et de ne nourrir dorénavant que de pures intentions au bien public, et de se comporter en vraies républicaines ». Elles sont simplement condamnées « à payer les frais dus aux gardes nationaux ». Ce « dont le citoyen des Moulières commandant a répondu ».

    Source : Milhac-de-Nontron, de Marc Chassaing.

  • Le 8 février 1667, messire Pierre Regnault, chevalier, seigneur de L’Âge de Chirac, se plaint au lieutenant-criminel d’Angoumois. « De son premier mariage avec défunte dame de Barbezières, dit-il, sont issus Louis Regnault, chevalier, seigneur de La Soudière, son aîné, et deux filles. Auquel aîné il s’est principalement attaché, le considérant comme l’appui et la colonne de sa maison, n’ayant rien oublié de tout ce qui pouvait contribuer à l’éducation d’une personne de sa qualité, et le destinant pour être son héritier principal et recueillir tous les avantages à lui déférés par les coutumes des lieux sur lesquels sont situées les terres et seigneuries lui appartenant », ainsi qu’à sa défunte femme. De tout cela, son fils ne pouvait « espérer moins de dix à douze mille livres de rente, libre de toutes dettes et charges ».

    Or, il est arrivé que « ledit Louis Regnault a été attiré dans la maison de Gabriel de La Chétardie, écuyer, sieur du Bureau, et dans la fréquentation de sa jeune fille, laquelle a usé envers lui de tant d’artifices et cajoleries qu’elle lui a donné de l’amour.

    En ayant été averti, voyant l’inégalité du parti, attendu que c’est une fille qui ne peut espérer de légitime de ses père et mère que sept ou huit mille livres tout au plus », Pierre Regnault, le père, s’était aussitôt « pourvu en justice et avait obtenu des défenses contre le père, la mère, la fille et sondit fils, contre tous notaires de recevoir aucunes promesses, ni célébration de mariage entre ledit Louis Regnault et ladite de La Chétardie »…

    En réponse à toutes ces interdictions, les parents de cette dernière, « les sieur et dame du Bureau, voyant que Louis Regnault est un jeune gentilhomme âgé de 22 ans seulement au mois de mars prochain, qu’il est hors d’état de se pouvoir marier et que son père n’y prêtera jamais son consentement, se sont vantés en tous lieux que, quelque résistance qui y fût par lui apportée, le mariage ne laisserait pas de se faire et qu’ils feraient indirectement ce qui directement ne se pouvait faire… En conséquence de quoi, et de la résolution concertée et arrêtée entre eux de faire ledit mariage contre le consentement paternel, se prévalant de la jeunesse dudit Louis Regnault et de l’amour que ladite de La Chétardie lui avait donné, ils la lui ont mise entre les mains. Etant maîtresse de son esprit, elle l’a conduit dans la maison noble de La Soudière, dans laquelle ils sont tous deux, du samedi dernier, cinquième du présent mois de février, ce qui est un rapt public, d’impression, persuasion, su et connu de tout le monde ».

    Et Pierre Regnault, l’infortuné père, termine sa requête en disant qu’il est important pour la justice et pour l’intérêt public de pourvoir à cette affaire, attendu que si ce mariage se faisait, « toutes les dispositions de l’Ordonnance et du Concile demeureraient inutiles et que les enfants de famille auraient pouvoir de se marier sans la permission de leurs pères où bon leur semblerait ». Il n’avait pourtant rien négligé pour empêcher le mariage de son fils avec Françoise de La Chétardie. Il l’avait « fait admonester par des gentilshommes de qualité, ses proches parents», qui témoignèrent au cours de l’information qui suivit la plainte.

    Izaac Perry, sieur de La Roche de Genouillac, étant allé à L’Âge de Chirac, Pierre Regnault lui apprit « que le sieur de La Soudière, son fils aîné, avait dessein de se marier avec la fille du sieur du Bureau, que ce n’était pas son avantage, et il le pria de parler à sondit fils pour lui dire de sa part que s’il faisait ledit mariage, il ne le verrait jamais ». Izaac Perry s’étant acquitté de cette tâche, le jeune Louis Regnault lui répondit « que c’était sa volonté d’épouser ladite fille quelque résistance que son père y pût apporter ». On crut pourtant qu’il avait cédé à son père puisqu’en présence de témoins, il finit par lui dire « que puisqu’il ne voulait approuver son mariage avec la fille dudit sieur du Bureau, il ne la verrait jamais et ne voulait point lui désobéir, mais qu’ayant reçu une bague et quelques lettres de ladite demoiselle, il voulait les lui renvoyer ». Izaac Perry fut encore mis à contribution et chargé d’aller « dans la maison dudit sieur du Bureau et de lui faire entendre, et à sa fille, la résolution dudit sieur de La Soudière ». Mais la fille lui répondit « qu’elle ne désespérait pas d’être nore (bru) » de Pierre Regnault. François de Rocquard, sieur de Saint-Laurent, demeurant à St-Maurice-des-Lions, oncle de Louis Regnault l’amoureux, fut aussi prié de lui parler pour le détourner de ce mariage. Mais le jeune homme ne voulut rien « lui accorder ».

    De leur côté, la dame du Bureau et Françoise de La Chétardie sa fille ne demeuraient pas inactives. En visite chez François de Rocquard, elles se plaignirent à lui « dudit sieur de L’Âge en ce qu’il résistait au mariage de son fils et qu’il les traitait comme les dernières personnes du monde », ajoutant « qu’elles étaient bien fâchées de n’avoir pas passsé un contrat de mariage d’entre lui et ladite demoiselle de La Chétardie dès la première fois qu’il leur en avait parlé, mais que s’il retournait dans leur maison, il serait le très bien venu et qu’ils passeraient ledit contrat de mariage ». Louis Green de Saint-Marsaud, sieur de Nieuil, fut aussi prié par le sieur de L’Âge d’empêcher le mariage. Ce fut en vain. Françoise de La Chétardie lui répondit « qu’il ne la tînt jamais pour fille d’honneur s’il ne la voyait en peu de temps femme dudit sieur de La Soudière ». Ce témoin, comme tous les autres, ajouta qu’il avait appris depuis que Louis Regnault, sieur de La Soudière, et Françoise de La Chétardie s’étaient mariés clandestinement (Bl-995.2).

    Le mariage se fit en effet, et de cette union naquirent des enfants… Le père et le fils, Pierre et Louis Regnault, se réconcilièrent-ils ? Une quinzaine d’années plus tard, le père demeurait toujours dans son château de L’Âge, et le fils était au lieu de La Soudière, paroisse de St- Mary. Le 26 décembre 1681, pour terminer leurs différends, ils choisirent ensemble trois arbitres qui décidèrent que le seigneur de L’Âge devait donner à son fils un « état de la consistance des effets de la communauté contractée entre lui et Louise de Barbezières, sa première femme, au temps de son décès ».

    Source : Enlèvements rapts et séductions en Angoumois, de Gabriel Delâge.

  • Voici l’acte de naissance et de baptême du général François Garnier de La Boissière, extrait des registres de la paroisse de Champagne-Mouton :

    Le 26 septembre 1781, né et baptisé François, fils légitime de Messire André Garnier, écuyer, seigneur de La Boissière et de Fougère, et de dame Marie Rochette. Parrain François Garnier, écuyer, seigneur de Ballon, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien capitaine de grenadiers (régiment de Navarre), oncle paternel ; marraine Catherine Rochette ; Jean Brie, Geneviève Touché, domestiques représentants.

    Si l’on rapproche du fait que la Boissière était à ce moment inhabitée l’absence des parrain et marraine, on peut admettre que la mère fut surprise par ses couches hors de la ville où elle était domiciliée, Ruffec. Ses deux frères ainés étaient nés, le premier Jacques à Nanteuil-en-Vallée ; le second Antoine à Champagne-Mouton ; mais sa sœur Augustine naquit en 1783 à Ruffec, où elle épousa en 1802 le capitaine d’artillerie Brumauld de Villeneuve.

    Nous dirons ici quelques mots du baron Pierre Brumauld de Villeneuve, né à Villeneuve, commune de Poursac, canton de Ruffec, le 28 janvier 1766, mort général en 1835 à Ruffec et inhumé à Villegats. Son père était capitaine aux grenadiers royaux. Colonel, officier de la Légion d’honneur et baron de l’Empire avec dotation, la Restauration le nomme Mestre de camp honoraire et chevalier de Saint Louis ; son cousin, Brumauld de Beauregard, était évèque d’Orléans où son souvenir n’est pas effacé.

    Le général Pinoteau, qui avait failli avoir à Surgères, en 1815, le sort de Brune à Avignon, réintégré en 1830, prononça le discours funèbre sur la tombe de son camarade.

    Pierre de Villeneuve a pris part à toutes les campagnes de la Révolution et de l’Empire, ainsi que l’atteste la notice officielle de ses services.

    Le retard apporté à son avancement, bien moins brillant que celui des La Boissière, ses alliés, s’explique, d’abord par une raison de santé qui l’obligeait à quitter le service actif dès qu’il eût obtenu le grade de capitaine ; et aussi par une circonstance particulière dont le souvenir s’est conservé : En 1808, de nombreux officiers séjournant à Ruffec recevaient l’hospitalité à la table des La Boissière ; Mme de Villeneuve qui était, paraît-il, frondeuse, s’abandonna à une critique acerbe sur l’Empereur et sur sa politique vis-à-vis des souverains d’Espagne. Ces propos imprudents parvinrent à la connaissance de la police impériale, aussi active que soupçonneuse. Le mari fut nenacé de retrait d’emploi, et il fallut recourir à l’intervention du maréchal Ney. Il en résulta une disgrâce, qui éloigna le colonel de la grande armée où il ne fut rappelé qu’en 1812.

    A ce moment, il est chargé du commandement de l’artillerie de la 2e division d’infanterie de la garde impériale ; chevalier de l’Empire depuis 1810, il reçoit des lettres de baron le 25 mars 1813. Néanmoins, l’Empire le laisse officier de la Légion d’honneur et colonel, grades qui lui appartenaient dès 1807 et 1808.

    Dans la bibliothèque du colonel figurait, parait-il, une édition complète de Voltaire : aussi, le voit-on mis en non-activité, d’abord, puis en retraite par la Restauration, qui ne lui accorde qu’en 1824, à titre honoraire, la dignité de maréchal de camp.

    Nous sommes heureux de rendre quelque justice à Brumauld de Villeneuve, dont la carrière a été entravée par des causes d’ordre politique, mais qui n’en est peut-être que plus représentative du temps où il servit son pays.

    Chapitre I
    La campagne de Russie

    Nous n’avons pas de renseignements détaillés sur le premières armes du général François. Nous savons seulement, d’après la notice officielle de ses services, que François de La Boissière a été enrolé dans l’an cien régiment de son oncle, 2e régiment de chas seurs à cheval ; qu’il a fait partie de la Grande-Armée de 1804 à 1807 ; qu’il a pris part, de 1808 à 1811, aux campagnes d’Espagne et de Portugal.

    Nous savons encore par les souvenirs de sa famille, qu’il fut de bonne heure l’aide-de-camp préféré du Maréchal Ney.

    Nous le trouvons en cette qualité dans l’armée qui marche vers Moscou. Les renseignements dont nous disposons résultent de lettres écrites à sa sœur Augustine, à laquelle il portait l’affection la plus tendre. Ces lettres qui toutes sont revêtues du cachet rouge de la « Grande Armée », laissent apercevoir chez leur auteur une nature à la fois vive et affectueuse. Les sentiments qu’il exprime pour les siens, pour « sa chère Augustine », pour « sa bonne mère », le rendent lui-même très sympathique.

    La première lettre, datée du 23 avril 1812 à Francfort (sur Oder), le donne faisant partie du 3e corps d’armée, qui était en effet celui de Ney. « Ton mari, dit-il à sa sœur…, je sais qu’il doit commander deux batteries de la garde Imperiale ».

    Le 24 juin, bien tard, la Grande Armée entre en Russie.

    C’est au mois d’août seulement qu’elle arrive devant l’antique cité de Smolensk, place frontière de la Moscovie. Le 8, les Russes surprennent Sébastiani ; mạis ils sont arrêtés par le corps de Ney, et des lors renoncent à l’offensive.

    Le 11, c’est Napoléon qui se met en marche à la tète de ce qui reste de son armée, soit 175,000 hommes.

    A partir du 14, les combats ne cessent guère pendant sept jours : ce jour-là, c’est l’affaire de Krasnoé : l’ennemi perd 8 bouches à feu et 1,000 prisonniers.

    Le lendemain, 15 août, lorsqu’on célébre la fête de l’Empereur par des salves d’artillerie, celui-ci se plaint qu’on use des munitions précieuses à une telle distance : mais les maréchaux provoquent un sou rire sur son visage inquiet, en répondant qu’ils brûlent la poudre prise à Krasnoe.

    Le 16, Ney essaye d’enlever les murs de Smolensk ; le 17, l’assaut est général, et les Russes sont rejetés dans les faubourgs par Davout et par Ney : après six heures de lutte acharnée, c’est la nuit qui sépare les combattants. Les Russes évacuent la ville, après l’avoir incendiée : la cité si chère est semblable, dit Napoléon dans son Bulletin, à une éruption du Vésuve dans une belle nuit d’été. Nous comptons 6 ou 7,000 hommes tués ou blessés, les Russes 12 ou 13,000.

    On voit quelle part les troupes du maréchal Ney prirent aux combats devant Smolensk : La Boissière y conquit le grade de colonel.

    Ce qui précède est résumé avec une grande sim plicité par notre jeune héros dans une lettre où il fait suivre son nom de cette adresse : Colonel aide de camp de S. E. Mgr le maréchal duc d’Elchingen, commandant le 3e corps en Russie :

    Ghjas, le 2 septembre 1812, á 38 lieues de Moscou.

    J’accepte de grand cœur d’être parrain de ton enfant et le choix de ma commère (sa propre mère) en double ma satisfaction.

    J’ai passé toute la journée d’hier avec ton mari ; nous avons voyagé ensemble quelques heures ; puis il m’a donné la moitié de son déjeuner.

    Je t’apprendrai que, après les combats des 14, 15, 16, 17, 18 et 19 août, l’Empereur m’a nommé colonel. M. le Maréchal me garde toujours avec lui ; il continue de me combler de bontés. Je lui ai présenté ton mari, qu’il a parfaitement reçu.

    Je n’ai pas le temps de t’en écrire davantage : nous marchons toujours, et probablement sous peu nous serons dans Moskou, si l’on ne nous propose la pair.

    Dis à ma mère combien je suis fâché de ne pas être près d’elle pour remplir mes fonctions de compère, et que je lui donnerai beaucoup de bonbons. Je prie mon frère de me remplacer.

    C’est cinq jours plus tard, le 7 septembre, que le Maréchal Ney écrasait les Russes à la bataille de la Moskowa.

    On sait que c’est aussi le corps de Ney qui, placé à l’arrière-garde, fut chargé de protéger la périlleuse retraite de la Grande-Armée.

    Chapitre II
    A l’armée d’Allemagne

    François de La Boissière fut nommé général de brigade le 8 janvier 1813 ; le 22 mars suivant il était désigné pour commander la cavalerie légère au 3e corps de la Grande-Armée, sous les ordres du maréchal Ney.

    A ce titre il assista, le 1er mai, au combat de Weissenfels, qui préparait les victoires de Lutzen et de Bautzen. C’est à ce combat que fut frappé à mort le maréchal Bessières.

    Le 20, nous retrouvons le général à la terrible bataille de Bautzen.

    L’armée française, comprenait au total 202.500 hommes et 550 bouches à feu ; cette masse de troupes était elle-même répartie en deux armées : celle de l’Empereur et celle du Maréchal Prince de la Moskowa. La dernière comptait 87,500 hommes : Ney commandait en personne le 3e corps sort de 52,000 hommes.

    Le général de La Boissière commandait les neuf escadrons de cavalerie légère attachés à cette armée.

    L’ennemi retranché derrière la Sprée, occupait de fortes positions que Blücher appelait les Thermopyles de l’Allemagne. La première journée de la bataille, qui en compta deux, fut employée à pré parer un mouvement tournant destiné à faire tomber les positions de l’ennemi. A cette fin, tandis qu’à l’extrême droite Macdonald, Oudinot et Marmont enlevaient la première ligne de défense des alliés Prussiens et Russes, le maréchal Ney, à l’extrême gauche, par un brillant combat contre Barklay de Tolly préparait autour du village de Klix, le mouvement qui, le lendemain déborda les troupes enne mies et les obligea à la retraite. Ney, dans cette action décisive, était secondé par le général Lauriston et soutenu par Kellermann : le comte de Valmy avait sous ses ordres l’avant-garde, composée de la cavalerie du général de La Boissière, six bataillons et une compagnie d’artillerie légère.

    Le soir de ce premier jour de bataille, à 10 heures, le prince de la Moskowa écrivait à l’Empereur :

    La position de Klix a été emportée avec la plus grande vigueur par les troupes du général Kellermann. L’ennemi a été fort maltraité. De notre côté, la perte n’a été que de 200 tués et 1,000 à 1.200 blessés.

    Malheureusement, le Maréchal devait ajouter :

    Au nombre des derniers (les blessés) se trouvent le général Kellermann et le général Laboissière qui a un coup de biscayen à travers la jambe gauche.

    Le général François de La Boissière ne devait pas jouir de la victoire qu’il avait vaillamment con tribué à préparer : même il devait mourir de sa blessure à Dresde, où il fut transporté.

    Dans les lettres écrites à « sa chère sœur » et où il expose son état, il fait preuve d’une confiance peut-être simulée, se préoccupant surtout de la peine qu’en éprouvera sa mère. Nous lui laissons la parole :

    Dresde, le 16 juin 1813.

    (D’une écriture autre que la sienne.)

    Ma chère Augustine, je n’ai pu te prévenir plustot de la blessure que j’ai reçue le 20 mai, premier jour de la bataille de Bautzen. Un biscayen m’a traversé la jambe gauche, sans heureusement me briser aucune partie précieuse.

    Immédiatement après ma blessure, il m’est survenu une fièvre de nerfs qui m’a duré jusqu’au 10 de ce mois et qui m’ôtait absolument toute faculté d’écrire. Mais depuis ces cinq jours, la fièvre m’ayant quitté, je me trouve très bien et chaque nouveau jour me donne de nouvelles forces.

    Je suis pansé par les meilleurs chirurgiens de l’armée ; l’Empereur même m’a envoyé M. Lharrey qui m’a trouvé si bien depuis trois jours qu’il n’est plus revenu… Fais moi le plaisir de communiquer cette lettre à mon frère ainsi qu’à ton mari. Si on avait pu le cacher à ma mère, j’en eusse été satisfait, car pourquoi l’inquiéter puisqu’il n’y a plus de danger.

    (De sa main, mais d’une écriture pénible, trois lignes de tendresses.)

    Enfin, sa dernière lettre :

    Dresde le 30 juin 1813. (De sa main : d’une écriture de vieillard).

    … Depuis quinze jours je vais constamment mieux : je n’écris pas bien comme tu vois, mais enfin c’est moi qui écris… Plus je vais et plus j’ai d’appétit, que je ne cherche qu’à modérer : j’en suis réduit à la moitié d’un poulet par jour ; je pense que demain cela augmentera. Les plaies vont très-bien et je n’ai plus de fièvre.

    G. Delaboissière
    Gal de brigade blessé à Dresden.

    P. S. Voilà plus de deux mois que je n’ai reçu de vos nouvelles.

    Le général François de Laboissière mourait le 15 septembre 1813.

    Un procès-verbal d’inventaire était dressé le len demain par le commandant de la place de Dresde.

    On y trouve mentionnés les titres et faits suivants :

    … Le titre de général délivré à Paris le 1er février 1813…

    Le dit François Levet, valet de chambre du général, nous a déclaré, sur la demande que nous lui fîmes des croix de la Légion d’Honneur pouvant appartenir au général, que ce dernier ayant été nommé récemment Baron de l’Empire, il avait fait cadeau de ses croix d’argent à un de ses parents.

    François de La Boissière mourait des suites de sa blessure, général de brigade et baron de l’Empire, à trente et un ans.

    Source : Les deux généraux Garnier de la Boissière, de Daniel Touzaud.

  • En ce 8 septembre 1872, Pierre Christave se tenait courbé devant le cheminée de la grande salle du Château de la Guisardie. Tout ce qu’un être aurait pu désirer, il l’avait possédé mais il vivait aujourd’hui seul auprès de sa fille Claire qui ne s’était pas mariée, entouré de ses vignes dont il ne s’occupait plus, et passait le temps dans la lecture assidue de l’Évangile.

    Il avait un visage de page vieilli, des traits fins, des yeux bleus délavés et un sourire timide. Et puis il était toujours tiré à quatre épingles. Veste et gilet en drap gris perle ou jaune pâle, nœud de soie rayé bleu et blanc. Sa voix était égale et chaleureuse, son regard attentif, un peu mélancolique, comme s’il apercevait un horizon plus éloigné que le nôtre.

    Son dernier ami, Alain de Moneys, était mort en 70 et quand il songeait à son martyre, il ne pouvait s’empêcher de verser des larmes amères, comme si celles-ci avaient eu le pouvoir d’éteindre le brasier où l’on avait jeté le jeune homme après l’avoir humilié et torturé des heures durant sur le foirail d’Hautefaye.

    Pierre se souvenait de l’incroyable énergie de son ami. Alain parcourait chaque jour le pays dans sa calèche vert foncé attelée à un Orlov blanc, avec près de lui, M. Bouteillé, l’ingénieur des Ponts et Chaussées, pour mettre au point son projet d’assainissement des terres. Pierre sourit au souvenir du cocher Pascal répondant invariablement : « Bien, monsieur le vicomte » même quand celui-ci déraisonnait, s’obstinant à sillonner de mauvaises routes avec crépuscule. Il leur arrivait de croiser le facteur Léon qui terminait bravement sa tournée. Trente-huit kilomètres par jour, toujours d’attaque, avec sa blouse de lin bleu, sa casquette verte à passepoil rouge, ses chaussures à clous et son lourd bâton de marche. Et toujours le même salut :

    — J’en fais bien autant avec mes pieds que vous autres à cheval, allez !

    — Quand changes-tu ton itinéraire ? plaisantait Pascal.

    — Jamais tant que je serai vivant : Hautefaye, La Civale, Le lac noir, Le chemin de La Farge, Le Maine-Rousset. Le petit château de Connezac, Beaussac et Bretanges pour vous, les De Moneys. Puis Macony, La Garde, Pontignac, Plambeau, et pour finir Fayemarteau, c’est cet ordre-là et pas un autre !

    Alain voulait curer la Nizonne mais il se désespérait. Son rojet était déposé depuis deux ans à la préfecture et toujours pas d’autorisation légale ni la moindre subvention. Aucun accord de Paris. Rien n’y faisait malgré l’intervention du préfet Lavalette, du père et du fils Magne, de l’oncle d’Alain et du sénateur Hector de Galard. Le projet passait de bureau en bureau. Un moment, la signature avait été proche mais il avait fallu recommencer les démarches. La décision ne dépendait plus à présent du ministère de l’Agriculture mais de celui des Travaux Publics. Dernière complication, il fallait l’accord du ministre de l’intérieur. Pourtant Labatut, le sous-préfet de Nontron, le soutenait. Mille hectares de terres incultes pouvaient être transformés, de Saint-Sulpice à Beaussac en passant par Rudeau. Huit francs les cents kilos de foin, quatre tonnes à l’hectare. On en arrivait à trois cent ving mille francs de revenu.

    Pour mieux défendre ses rêves, Alain s’était fait élire adjoint au maire de Beaussac. Pierre le revoyait, la tête inclinée, l’œil brillant, brandissant le Candide de Voltaire et lui affirmant :

    — Pierre, il faut cultiver son jardin.

    Il n’était pas si fier de ses origines. Il croyait que seul le présent nous juge et que nos actions nous accompagnent. Pierre avait retenu en entier ce qu’il avait écrit dans les Annales de la Société d’agriculture de la Dordogne : « D’un marais fangeux, d’une vallée sans vie couverte de joncs et de flaques d’eau où barbotent les canards sauvages, où grouille ce peuple tapageur qui demande à grands cris un roi, l’homme peut composer un paysage riant, harmonieux, aussi propre à ravir le poète qu’à satisfaire l’homme pratique. »

    Après sa communication à la Société d’agriculture, Alain avait reçu une lettre de la préfecture lui annonçant le versement de trois mille francs de fonds de l’État plus mille francs de la région. Pierre n’oublierait jamais l’expression de son visage quand il lui annonça la nouvelle. Il était si heureux qu’il se lança aussitôt dans de nouveaux projets. Il s’était toqué d’un arbre, le Chamaerops Excelsa, sorte de palmier à chanvre, venu de Tchou-San, au large de Shanghai. Une véritable obsession. À l’entendre, l’espèce supportait largement moins douze à moins treize degrés. Là-dessus, Alain était intarissable. D’après lui avec les fibres du troncs, on pourrait fabriquer de la ficelle, de la bourre à matelas, que sais-je encore. Pareil avec les pins qu’il faisait venir par dizaines des Landes et planter autour de La Pouyade.

    Tant qu’il s’agissait des arbres, Pierre l’écoutait sans rien dire. Mais là où ils s’étaient presque fâchés, c’est quand Alain s’était mis en tête de prêter sans intérêt aux paysans. Il ne sort jamais rien de bon de ces affaires et à trop vouloir faire le bien, on finit par attiser l’envie, la jalousie et la haine. Quand il se contentait d’organiser la plantation de ses palmiers de Chine, tout allait bien, mais se mettre en questions financières avec les gens d’ici, c’était une folie.

    Alain allait avoir trente-deux ans le 9 juillet 1870. Son mariage avec Marie-Gabrielle de Vassoignes, la fille de leurs voisins, les châtelains de la Brechinie, était décidé depuis déjà six mois.

    Pascal servit du sirop d’orgeat dont la saveur évoquait les blés mûrs. Alain demanda à Pierre de le suivre dans sa chambre pour y trouver un peu de calme. C’était un lieu à l’image de son ami, d’une austérité élégante et pieuse : juste un lit Henri II, un coffre à bois, une table, trois tabourets et un bouquet buis bénit.

    Alain s’assit à califourchon sur un des tabourets, aussi dur qu’une pierre des champs.

    — Que deviendra Adhémar, si je ne suis plus là pour veiller sur lui ? Mes sœurs ont leurs maris, bientôt leurs enfants et Gaston va terminer son séminaire. Mais mon malheureux frère n’a pas eu la fortune de pouvoir s’assumer seul. Son handicap le contrait à rester au foyer. Pourtant mes parents vieillissent, père s’est épuisé dans ses achats de terres, dans ses rénovations incessantes. Il a acquis des parcelles un peu partout, installé des métairies, réparé une tuilerie. Il a désormais soixante-quatre ans, il est à bout et c’est à moi de prendre la relève. Mais il m’arrivait quelque chose, qu’adviendra-t-il d’Adhémar ? Tu connais son attachement pour moi. Parfois, quand il me regarde, j’ai envie de pleurer.

    — Il ne t’arrivera rien !

    — Tu sais que père a fait campagne pour Napoléon. Il était maire de Beaussac puis il est redevenu simple conseiller municipal. J’été nommé premier adjoint de la commune et je reprends toutes ses entreprises. J’en ai d’autres dont je t’ai parlé mais je n’accepte pas que de pauvres gens souffrent et meurent à ma place. C’est déjà assez dur pour eux sans que je me défile en plus. J’ai décidé de partir moi aussi. J’ai fait lever mon exemption et je m’engage. Crois-moi, j’ai longtemps réfléchi à mon choix. Il est définitif.

    Pierre ne trouva rien à répondre. Depuis longtemps, sa tête avait filé dans une autre direction. Et s’il cultivait ses vignes, il pensait davantage au vin invisible qu’à celui qui vieillissait dans ses chais.

    Ils redescendirent en silence. Alain alla chercher à la cave une bouteille de vin doux. Et il tint à servir à boire lui-même avec une solennité, une lenteur, qui n’étonnaient plus Pierre. Maintenant qu’il était admis dans ses confidences.

    Les verres se levèrent. Le vin avait la couleur du miel de printemps et la saveur des jeunes prunes rousses à la fin de l’été.

    — Merci, mes très chers parents, de m’avoir appris que la noblesse n’est rien si elle n’est pas d’abord noblesse de cœur, amour des autres, don de soi.

    Sa voix limpide se voila. Alain poursuivit plus bas, comme s’il redoutait une indiscrétion :

    — À l’exemple de nos frères, vous nous avez enseigné que l’amour du prochain n’a de sens que si nous sommes capables d’offrir notre vie en sacrifice. Oui, notre vie, qui nous appartient si peu, qui nous est prêtée tel un vêtement dont on peut se départir d’un cœur léger, notre vie déjà ancienne et fuyante, pareille entre nos doigts à des grains de sable, à de l’eau, aux rêves qui traversent nos nuits…

    Il se tut brusquement comme un essieu se rompt.

    Les parents d’Alain pleuraient. À qui pensaient-t-ils tandis que les larmes brouillaient leur regard ? À l’innocence d’Adhémar, à Tristan de Moneys, l’ancêtre martyrisé, lieutenant-gouverneur de Guyenne ? Celui-là croyait à la vérité des mots, à la justice tapie au cœur des hommes que seule la bonté peut faire surgir. Le 21 août 1548, il avait été écorché vif dans les rues de Bordeaux par des paysans exaspérés contre les gabelous. Seul, sans armes, sans escorte, il s’était avancé vers eux pour leur parler. C’est en vain qu’il avait tenté de retrouver sur leurs visages convulsés par la peur la figure du Christ qu’il invoquait dans son agonie. En vain qu’il avait cherché dans leur bouche les mots de miséricorde et de pardon dont il était, ce jour-là, l’unique porte-parole. Son corps, sanglant comme celui d’un lapin qu’on a écorché, était resté couché dans la poussière. PUis on avait traîné son cadavre sur les pavés où il avait rebondi longuement sans faire plus de bruit qu’un sac bourré de paille, de tabac ou de maïs.

    Peu à peu, Pierre avait fait sienne cette famille. Et maintenant que son ami n’était plus là, il se sentait, malgré la présence lumineuse de sa fille Claire, plus solitaire que le loup traqué et mis à mort par l’arrogant Camille de Maillard dont la présence sur le foirail d’Hautefaye avait suffi à déclencher le drame.

    Source : Les mangeurs de cendres, de Violaine Massenet.

  • France 3 « Illustres en Périgord » : Alain de Monéys, l’horreur à Hautefaye

  • Dans les premiers jours de 1808. le bruit se répandit que Napoléon traverserait le département de la Dordogne en allant à Bayonne. Une Garde d’honneur s’organisa alors à Périgueux comme par enchantement nobles, bourgeois, riches marchands s’inscrivirent avec empressemcnt pour en faire partie. Un arrêté préfectoral du 11 janvier stipula qu’il y aurait une seule Garde d’honneur pour tout le département (1).

    On donnait, à cette époque, le nom de Gardes d’honneur aux compagnies sédentaires locales, uniquement d’apparat, formées dans les déparlements ou les villes pour le passage des grands personnages de l’Etat.

    La Garde d’honneur à cheval s’exerçait pour les manoeuvres et commençait à prendre tournure lorsqu’on apprit les modifications de l’itinéraire impérial Napoléon se rendait à Bordeaux par Angoulême et Barbezieux. Cette Garde ne se réunit plus après le mois d’avril; date du voyage officiel, que pour les cérémonies anniversaires de la naissance et du couronnement de l’Empereur.

    Commandée par M. André de Fayolle, ancien pagé du Roi, elle eut pour lieutenants l’ex-capitaine d’infanterie Langlade et M. Jean Borie. Elle comporta un maréchal des logis, deux brigadiers et dix-neuf gardes, parmi lesquels deux jeunës d’Abzac. La tenue consistait dàns un habit vert avec boutons, collet, revers et parements blancs, ayant les poches en long la culotte et la veste blanches, des aiguillettes d’argent, le chapeau français à trois cornes, les bottes à l’écuyère avec éperons d’argent. Elle était armée du sabre. La selle rase ou demi-écuyère était en veau ou daim blanc, housse et chaperon vert dragon galonné d’argent. Les brides avaient une garniture d’argent (2). Une lettre du 2 septembre 1808, écrite au commandant de Fayolle par le brigadier Mazerat-Delor, indique le désir de quelques gardes de voir adopter l’habit sans revers, le pantalon vert et l’épée (3).

    Un contemporain (4) a noté comme une circonstance très remarquable et une preuve de la fusion des partis, l’empressement des Périgourdins à se faire inscrire dans la Garde d’honneur : on peut dire, observe-t-il, qu’alors toutes les opinions étaient réunies, tout le monde voulait l’Empereur.

    Ce nom de Gardes d’honneur fut ensuite donné par le sénatus-consulte du 3 avril 1813 à quatre régiments de cavalerie, à l’effectif total de 10.000 hommes, dont un décret du 5 avril réglementa l’organisation. Etaient admis à faire partie de ces régiments, sous la condition d’être Français et âgés de dix-neuf à trente ans inclusivement, les membres de la Légion d’honneur ou de l’Ordre de la Réunion el leurs fils, les chevaliers, barons, comtes et ducs de l’Empire et leurs fils, les membres des collèges électoraux et des conseils généraux de département et d’arrondissement, des conseils municipaux des bonnes villes et leurs fils et neveux, les cinq cents, plus imposés de chaque département et, dans chacun des départernents, les cent plus imposés des villes, leurs fils et neveux; les employés des diverses régies et leurs fils. On y admit jusqu’à l’âge de 45 ans, les militaires ayant servi dans les armées françaises, les anciens officiers des armées étrangères et leurs fils. La désignation d’office n’eut lieu par les préfets que si le contingent départemental requis n’était pas rempli par les engagements volontaires.

    Les Gardes d’honneur durent s’habiller, s’équiper et se ,monter à leurs frais. Les engagés volontaires versèrent une somme de 1156 francs. Toutefois, les membres de la Légion d’honneur ou leurs fils qui n’avaient pas les facultés nécessaires pour cela pouvaient, sur un rapport du préfet au grand chancelier, être habillés, équipés et montés aux frais de la Légion.

    L’uniforme fut identique pour les quatre régiments. La pelisse était vert foncé, doublée de flanelle blanche, bordure, boudin et tour de manches en peau noire, gants olive et tresses blanches; le fond du dolman également vert foncé, doublé de toile à la partie supérieure et de peau rouge à la partie inférieure, avec collet et parements écarlate, tresses du collet, des fausses poches et des parements de la même couleur que celles de la pelisse. La culotte hongroise était en drap rouge avec tresses blanches. Les boutons étaient blancs. La ceinture était fond cramoisi avec garnitures blanches, et le schako rouge surmonté d’un plumet vert, qui, pour le 3e régiment, avait l’extrémité jaune.

    En ces temps « avides de soldats », surtout après la désastreuse expédition de Russie, c’était une grande habileté de constituer un corps important de cavalerie, aux frais des hommes. Le pouvoir coercitif des préfets contribua peut-être à leur formation; mais il y eut surtout la séduction de l’uniforme et de l’équipement à la hussarde, l’annonce du grade de sous-lieutenant au bout d’un an de service, l’assimilation pour la solde aux chasseurs de la Garde.

    Le 3e régiment, formé à dix escadrons, fut composé des Gardes d’honneur fournis par les départements des 10e, 11e, 12e, 13e, 20e, 22e, 29e et 31e divisions militaires. Avec les Périgourdins, il comprit des Gascons, des Agenais, des Cadurciens, des Corréziens, des Charentais, des Pyrénéens, des Tourangeaux, même des Hollandais, des Suisses et des Toscaus.

    D’après l’état annexé au décret impérial, le département de la Dordogne devait fournir de 50 à 100 hommes pour la formation de ce régiment, le plus nombreux des quatre. Un rapport du préfet Maurice au Ministre de l’Intérieur fait connaître, à la date du 10 juin, que le contingent montera à 106 hommes, dont 74 inscrits volontaires. Parmi les 32 désignés, 25 rivalisaient d’empressement avec ceux qui avaient offert d’eux-mêmes leurs services; 2 ou 3 autres pourraient être dispensés pour cause de maladie. Le maximum sera sùrement atteint, si même il n’est pas dépassé. Le préfet ne peut qu’applaudir.au bon esprit que montrent ses administrés. Il note que les mesures prises pour « la formation du fonds commun » n’ont pas aussi généralement déplu qu’il ne le craignait d’abord. Seules, quelques personnalités égoïstes ou disposées à se ficher de tout, n’ont pas fait preuve d’une bonne volonté bien louable dans une situation aussi fâcheuse que celle du plus grand nombre des propriétaires de ce département

    « En général, on a bien voulu remarquer que j’avais rempli les intentions de S. M. de la manière la plus douce pour les familles. On a su gré à l’administration d’avoir écarté des désignations les fils uniques et les chefs de famille, et d’avoir observé dans les demandes de fonds les ménagements que commandait l’état de gêne du plus grand nombre des individus atteints » (5).

    Dans la Dordogne, en définitive, ce recrutement spécial des fils de familles distinguées s’opéra avec une grande facilité, ainsi que partout ailleurs ou presque. Si le mouvement n’avait pas été spontané pour la France entière, il avait du moins suffi, comme l’a bien dit M. Frédéric Masson, que les portes fussent ouvertes et qu’on poussât un peu cette jeunesse pour qu’elle s’empressât de passer (6). On ne sollicita pas en vain cette jeunesse elle entendit bien vite l’appel et y répondit.

    Une portion du contingent départemental, la première, comprit cinquante-quatre gardes. A Périgueux, le 2 mai, le préfet en dressa la liste en y joignaut de curieuses indications sur leurs familles. Voici ce contrôle nominatif auquel nous ajoutons les lieux et dates de naissance des inscrits, leur filiation, leur affectation par escadron et compagnie au régiment des Gardes d’honneur, avec diverses indications sur leur carrière :

    Aumassip Jean, né à Périgueux le 11 novembre 1795, d’Etienne et Thérèse Murat. « L’inscrit appartient à une famille de commerçants qui jouit de l’estime et de la considération publiques il se destinait à la médecine ».

    Beaupoil de Saint Aulaire Alexis-Armand, de Condat, né à Saint-Genès (Gironde) le 31 octobre 1794 de François et Marguerite de Bellot. « Famille jouissant d’une grande considération et parénte du Comte de Saint-Aulaire, chambellan de l’Empereur et préfet de la Meuse ». — 2e escadron, 12e compagnie.

    Beaupoil de Saint-Aulaire Hippolyte, né à Cornille le 19 avril 1795 de Jean-Baptiste-Front-Yrieix et Céleste Boistillé. Cousin germain du président. — 2e escadron, 12e compagnie.

    Plus tard lieutenant-colonel du 28 Hussards et officier de la Légion d’honneur.

    Biran de Lagrèze Jean-Philippe-Guillaume, né à Bergerac le 30 avril 1793 d’Elie-Joseph et Madeleine Pilet. « Famille possédant depuis longtemps une juste considération acquise par des services distingués dans la robe et dans l’épée ». — 10e escadron, 10e compagnie.

    Bonvillet Etienne, né à Saint-Privat-des-Prés le le 1er janvier 1795 de Louis et Marie-Anne Tilhard. « Famille ayant toujours donné des preuves d’un bon esprit public. Le frère ainé s’est enrôlé volontairement depuis 1810 ». — 3e escadron, 13e compagnie.

    Bourdelle Pierre, né à Brantôme le 22 mars 1795 de Jean et Marie-Lucrèce Bourdinot. « Le père avocat, membre, du conseil municipal de Thiviers, possède. l’estime publique et est très considéré ». — 4e escadron, 4e compagnie.

    Burguet Pierre, né à Ribérac le 4 janvier 1795 de Sieaire et Madeleine Noël. « D’une famille jouissant d’une grande considération. Est neveu de deux officiers qui faisaient partie de l’armée de Russie. Cousin issu de germain du général Morand, ancien gouverneur de la Corse tué du côté de Hambourg ». — 2e escadron, 12e compagnie.

    Sous-lieutenant au 59e d’infanterie. Chevalier de la Légion d’honneur en 1832.

    Carvès Jean-Baptiste, né à La Roque-Gageac le 22 novembre 1795 de Raymond et Catherine Ampoulange. « Fils d’un riche négociant très considéré ». — 2e escadron, 2e compagnie.

    Chabannes de Saint-Georges Guillaume, né à Saint-Rabier le 11 mai 1786 de Jean et Catherine-Thérèse Guibert « D’une bonne famille d’anciens bourgeois jouissant de la considération et de l’estime publiques ». — 3e escadron, 13e compagnie.

    Chassagnie François, né à Bergerac le 29 juin 1795 de Pierre et Marthe Minard. « D’une bonne famille d’anciens bourgeois. Le père a été receveur du district. Deux oncles maternels ont été gardes du corps du Roi ». — 2e escadron, 12e compagnie.

    Chevalier de la Galage Elie, né à Prigonrieux le 25 septembre 1787 d’Elie-Simon et Catherine Rose. « D’une bonne famille d’anciensbourgeois privilégiés jouissant de l’estime et de la considération générales ». — 9e escadron, 9e compagnie.

    Corron Bertrand-Frédéric, né à La Boissière-d’Ans le 31 octobre 1795 de François-Frédéric-Maurice et Marie Penot. « Le père, excellent homme estimé et considéré, est actuellement en activité à Mayence; il a rempli pendant plusieurs années les fonctions d’inspecteur de la forge et fonderie d’Ans ». 38 escadron, 138 compagnie.

    Courtois Desgranges Pierre, né à Grignols le 7 mars 1788 de Raymond et Suzanne Lespinas. « D’une famille jouissant de l’estime générale et de la plus grande considération dans son canton. Un oncle, ancien juge seigneurial, est juge de paix depuis bien des années un autre oncle, ancien administrateur du département, est maire de sa commune ». — 4e escadron, 4e compagnie.

    Courtois de Maine André, né à Grignols, le 5 mars 1793 d’André et Marie Lavigne. Cousin germain du précédent. — 10e escadron, 10e compagnie.

    Couil de Cluzeau Julien, né à Périgueux le 31 juillet 1790 de Pierre et Marguerite Ducheyron. « Sa famille jouit de beaucoup de considération. Le père, avocat distingué, a été pendant plusieurs années 1er adjoint au maire de Périgueux et est décédé en fonctions. Deux. oncles maternels étaient officiers d’infanterie avant 1789 ». — 4e escadron, 4e compagnie. Nommé brigadier le 17 juillet 1813.

    Dalmas Jules, de Nontron, originaire de l’Ardèche, né le 31 avril 1794 de François et Sophie Roger. « Son père, qui occupe un emploi supérieur dans l’administration des droits réunis, est estimé et très considéré; deux de ses fils, officiers, ont péri aux armées ». — 3e escadrons, 13e compagnie.

    Darène de Lacroze Joseph-Frédéric, né à Ribérac le 1er avril de Bernard-Joseph. et Jeanne-Sophie Constantin. « Appartient à une famille marquante par le rang qu’elle a toujours occupé dans la société, Deux oncles, dont l’un président du tribunal civil de Ribérac, sont membres de collège. Deux autres oncles sont officiers dans la ligne. Est cousin issu de germain du général Morand ». — 3e escadron, 13e compagnie.

    Dauriac Justin, né à Périgueux le 14 juillet 1794 de Jean-Baptiste et Marie Saulnier, « fils d’un négociant estimable et considéré. La branche aînée de cette famille a fourni plusieurs conseillers au ci-devant présidial de Périgueux ». — 2e escadron, 12e compagnie.

    Debord Jean, né à Rouffignac le 26 juin 1793 d’Antoine et Louise Blondel. « Le père est mort juge de paix. Ses oncles maternels étaient gardes du corps du roi Louis XVI ». — 7e escadron, 7e compagnie.

    Delage de Lombrière Jean, « d’une famille ancienne, estimée et très considérée dans le canton de Montpon ».

    Demagne Pierre, né à Nailhac le 7 octobre 1789 de Pierre et Françoise Doneuve. Famille considérée par d’anciens services militaires et par une excellente et constante moralité. — 2e escadron; 12e compagnie.

    Desbrousse ou Rey-Desbrousse François, né à Nailhac le 30 novembre 1789 de Martin et Anne Dubin. Bonne famille d’anciens bourgeois privilégiés, considérée. — 2e escadron, 12e compagnie.

    Deschamps François-Louis, d’une bonne famille d’anciens bourgeois privilégiés. Le père est maire de sa commune.

    Devianne-Dufraisse Joseph, né à Périgueux le 26 avril 1795 de Joseph et Marguerite Desbordes. « Son grand-père était conseiller au présidial de Tulle. Deux de ses oncles servaiènt l’un aux. Gendarmes et l’autre aux Gardes du corps du Roi. Famille toujours très considérée ». — 3e escadron, 13e compagnie.

    Dubut François, né à Chatelerie, commune de St-Pierre-de-Côle le 12 janvier 1796 de Jean et de Paule Menesplier. Taille 1 m. 72. « Très apte. Famille jouissant d’une grande considération dans le canton ». 10e escadron, 10e compagnie.

    Successivement garde du corps du Roi, capitaine au 32e de ligne et major du 74e, chevalier de la Légion d’honneur.

    Dumas ou Ribadeau-Dumas Pierre, né à Nontron le 1er mai 1795 de Léonard et Anne Verneuil. « Famille d’anciens bourgeois privilégiés jouissant de l’estime publique et d’unegrande considération dans le canton de GrignoIs (7) ». — 8e escadron, 18e compagnie.

    Dumourier de Jammes Jean-Félix-Edouard, né à Beaussac-et-Ladosse, le 19 décembre 1791 de Marc et Marguerite Fayard. Demeurant à Echourgnac. « Famille d’ancienne noblesse, peu riche, mais bien. alliée et très considérée. Le père officier d’infanterie avant 1789, émigré rentré, exerce avec zèle et dévouement les fonctions de maire de sa commune ». — 4e escadron, 4e compagnie..

    Ecuyer Guillaume, né à Celles, le 13 février 1796 de Jean et Elisabeth Labonne. « Bonne famille d’anciens bourgeois privilégiés, jouissant de l’estime et de la considération publiques ». — 2e escadron, 2e compagnie.

    Fargeot Michel-Philippe, né à Ribérac. le 14 février 1791 de Jacques et Thérèse Limousin. « Famille jouissant de beaucoup de considération. Le père est membre du collège électoral du département, le frère aîné est receveur particulier de l’arrondissement de Ribérac. L’oncle maternel, M. Limousin, a été honoré de deux législatures (8) ». — 7e escadron, 7e compagnie. Mort de fièvre à l’hôpital de Metz le 29 janvier 1814.

    Froidefond de La Borde aîné Jean, né à Yélines le 13 septembre 1793 de Jean-François et Jeanne Verger. » — 3e escadron, 130 compagnie.

    Froide fond de La Borde cadet Pierre, né à Vélines le 22 septembre 1795. 30 escadron, 130 compagnie. Sous-lieutenant au 90 chasseurs jusqu’en 1819.

    « Très ancienne famille de noblesse militaire, qui, quoiqne pauvre, a conservé toute sa considération. Tous deux. ont les meilleures dispositions pour l’état où leurs ancêtres se sont illustrés ».

    Cablanc Dureclus de Gageac Emile, né à Bordeaux en 1791, demeurant à Périgueux. « Famille d’ancienne noblesse distinguée dans les armes, justement estimée et considérée ». — 4e escadron, 4e compagnie.

    Gerbeaud Jean-Paulin, né à Ribérac le 13 août 1796 de Guillaume et Anne Darene-Lacroze. « Famille distinguée et très considérée. Fils du président du tribunal civil de Ribérac ». — 5e escadron, 150 compagnie. Capitaine au 3e Léger.

    Giory Jean, né à Celles le 4 février 1796 de Pierre et Marie Lusseaud. « Famille considérée. Compte parmi ses aieux plusieurs militaires distingués ». — 3e escadron, 13e compagnie. Mort à l’hôpital de Lunéville le 28 décembre 1813.

    Gorsse Guillaume, né à Bézenac le 18 février 1796 de François et Marie. Raynal. « D’une famille considérée, qui compte plusieurs militaires distingués ». — 6e escadron, 16e compagnie.

    Grenier François-Marc, né à Rochefort (Charente-Inférieure) le 1er mars 1785, demeurant à Périgueux (9). « Son père, ancien officier du régiment de La-Couronne, major de gendarmerie et chevalier de la Légion d’honneur, jouit d’une considération justement acquise par de longs et glorieux services militaires ». — 3e escadron, 13e compagnie.

    Labrousse de Fontenilles Antoine, né à Cadouin le 13 septembre 1788 de Louis et Madeleine Giraud, domicilié à Paunat. « Famille pauvre mais estimée et considérée par d’anciens services militaires, descendant d’un homme d’armes anobli par Philippe-Auguste après la bataille de Bouvines (10) ». — 8e escadron, 8e compagnie.

    Mort à l’hôpital de Tours le 23 mars 1814.

    Laussinotte Mathieu, né à Saint-Pantaly d’Ans le 7 août 1785 de François et Madeleine Donève, « Bonne famille d’anciens bourgeois privilégiés. Le père a rempli constamment des places administratives ou judiciaires, estimé et considéré dans son canton ». — 2e escadron, 12e compagnie.

    Lavergnee du Rocq Joachim, né à Trémolat le 30 octobre 1791 d’Antoine et Louise Girault. « D’une famille noble très estimée et considérée. Le père a exercé avec distinction des fonctions publiques ».

    Bornet de Léger François-Hector, né à Neuvie le 10 janvier 1796, « Famille des. plus distinguées par un vrai mérite et par une suite d’aïeux marquant par leurs vertus et par les places qu’ils ont occupées ».

    Lieutenant au 4e de Ligne, réformé pour blessures en 1825.

    Maillard de Lafaye Philippe-Paul, né à Saint-Sulpice de Mareuil le 15 juillet 1794 de François et Julie-Rose Chamet. « Ancienne famille noble réunissant tous les genres de considération, surtout celle acquise par les services d’un grand nombre d’officiers ». — 3e escadron, 13e compagnie.

    Mayaudon François, né à Terrasson le 7 novembre 1790 de Jacques et Marguerite Lacoste. « Famille distinguée et considérée par d’excellents services militaires, jouissant à juste titre de l’estime publique ». — 8e escadron, 8e compagnie.

    Mérilhou de Verneuil Pierre; né à Cherveix le 7 octobre 1795, de Jean-Baptiste et de Marguerite Debès. « Le père et deux oncles étaient gardes du corps du Roi. » — 3e escadron, 13e compagnie.

    Nebout de La Pixolie François-Louis, né à Limeyrat le 24 mars 1795 de Jean et Marguerite Cellerier. « D’une famille de bourgeois privilégiés. Le père, ancien officier au régiment Maréchal-de-Turenne, très estimé et considéré, exerce avec zèle les fonctions de maire ». — 3e escadron, 13e compagnie.

    Passemard Jacques, né à Saint-Rabier le 24 février 1795 de Jacques et Marguerite Larivière. « Famille estimée et considérée. Le père a toujours exercé des fonctions publiques depuis 1790». — 7e escadron, 17e compagnie.

    Pontou Jean, né à Domme le 20 décembre 1788 d’Antoine et Anne Folialeau. « Famille de négociants très riches et considérée ». — 5e escadron, 5e compagnie.

    Pouchard Jean-Marc, né à Coulaures le 11 mars 1795 de Jean et Marie Deschamps. « Bonne famille bourgeoise estimée et.considérée dans son canton ». — 4e escadron, 4e compagnie..

    Reynal Joseph, né à Cénac le 22 juin 1793 de Guillaume et Marie Laville. « Famille bourgeoise estimée et considérée». — 10e escadron, 20e compagnie.

    De Ribeyreix ou Ribeyreys de Farges Jean-Francois-Isaac, né a Vanxains le 18 août 1788 d’Elie et Marie-Madeleine de Bonnefond. « Famille très pauvre, mais ayant conservé beaucoup de considération alliée aux meilleures familles du dévartement; a produit beaucoup de personnes qui se sont distinguée, dans la carrière des armes ». — 2e escadron, 12e compagnie.

    De Salleton Julien-Joseph, né à Saint-Michel, commune de Cantillac le 29 novembre 1795, de François-Paul et Jeanne-Julie de Châtillon, « Très ancienne famille de noblesse militaire justement considérée. Depuis 1650 les aïeux, paternels et maternels de l’inscrit offrent une série d’officiers distingués dont plusieurs sont morts au champ d’honneur ». — 7e escadron, 17e compagnie. Brigadier le 2 août 1813, chevalier de la Légion d’honneur à dix-huit ans. Officier aux cuirassiers de la Garde royale.

    De Saulnier du Plessac André-François-Benoit, de St-Félix de Mareuil. « Famille de noblesse militaire et considérée. Il y avait ‘six frères officiers avant 1789 ».

    Orfaure de Tantaloup Pierre, né à Ribérac le 10 juin 1793 de Raymond et Anne-Elisabeth Lamy. « Bonne famille de bourgeois privilégiés, bien alliée et considérée. Le père a été gendarme de la Garde du Roi un oncle chef d’escadron a été tué, il y a neuf ans, devant Gaëte ». — 3e escadron, 13e compagnie. Officier de dragons, retraité vers 1845.

    De Tarde Joseph, né à La Roque-Gageac en 1795. Le père a été syndic de la marine pendant plus de 20 ans. « Famille ancienne justement considérée par ses vertus et les places qu’elle a occupées ». — 3e escadron, 138 compagnie.

    Texier Louis, né à Sainte-Marie-de-Frugie en 1795. « Bonne famille estimée et considérée ».

    En récapitulant les noms de la première liste, on trouve une trentaine de Gardes d’honneur qui descendaient de bourgeois anciens ou privilégiés et une quinzaine qui étaient issus de maisons nobles; les neuf autres jeunes gens étaient fils de commerçants, de. fonctionnaires ou de militaires. Tous appartenaient à des familles estimées et considérées du pays. Seuls, les noms de Delage de Lombrière, de Deschamps et de Saulnier du Pessac, inscrits par le préfet, n’ont pas été retrouvés sur les matricules du régiment.

    Sur ces mêmes contrôles nous avons noté, à la date du 15 juillet 1813, dix autres incorporations qui concernent des Périgourdins :

    Burgairolles Guillaume, de Thiviers, né à Narbonne le 29 septembre 1795 de Guillaume et Marie Peyrat. — 3e escadron, 13e compagnie.

    Dupin Antoine, de Sainte-Croix, né à Saint-Saud le 29 avril 1794 de Charles et Marguerite Raymond. — 7e escadron, 7e compagnie.

    Duverrier de Monfort Jean-Maurice, né à Pomport le 14 septembre 1795 de Jean et Eléonore Baubal.

    Formel Jean, de La Roche-Chalais, né à Saint-Aigulin (Charente-Inférieure), le 19 décembre 1790 de Michel et Françoise Ruisselet. — 9e escadron, 9e compagnie.

    Luguet-Desgranges Jean-Joseph, né à Douchapt le 22 août 1795 de Jean-Baptiste et Marie Labonne. — 4e escadron, 4e compagnie.

    Mouru-Lacombe Jean, né au Fleix le 11 avril 1795 de Jean et Marie Colignan. — 3e escadron, 13e compagnie.

    Pastoureau Louis-François-Alexandre, né à Javerlhac le 21 novembre 1795 de François et Marguerite Janaillac. — 4e escadron, 4e compagnie.

    Rey-Lagarde Pierre, né au Bugue le 4 novembre 1782 de Jean et Marie Minard. — 10e escadron, 10e compagnie. Promu brigadier le 21 août.

    Saint-Ours Georges, né au Verdon le 12 janvier 1795 de Pierre et Marthe Galina. 10e escadron, 10e compagnie.

    Pichel Guillaume, né à Brantôme le 31 janvier 1793 de Guillaume et Jeanne Paris. — 3e escadron, 13e compagnie.

    Le 23 juillet eurent lieu vingt-et-une nouvelles incorporarations de jeunes gens de la Dordogne :

    Arlot de Saint-Saud Julien, né à Périgueux le 14 février 1788 de Louis et Marguerite de Fayolle. — 5e escadron, 5e compagnie.

    Agard Jean, né à Savignac de Nontron le 7 mars 1788 de Pierre et Pétronille Martinot. — 10e escadron, 20e compagnie.

    Alix-Dubousquet Etienne, né à Saint-André de Sarlat le 23 mai 1793 de Guillaume et Catherine Ampoulange. — 5e escadron, 5e compagnie.

    Antignac-Boissière Jean, né au Bugue le 21 novembre 1790 d’Antoine et Jeanne Albucher.

    Bourdet Louis, né à Sarlat le 23 mai 1794 de Jean et Pétronille Labrousse. — 5e escadron, 5e compagnie.

    Champagnac-Leyraud Paul-Victor, né à Villars, canton de Bussière-Badil le 10 février 1795 de Louis et Valérie Roussy. — 5e escadron, 50 compagnie.

    Deborde-Lalande Antoine, né à Saint-Cernin de Reilhac le 6 mars 1787 de Gabriel et Marie Fournier. 4.0 escadron, 4e compagnie.

    Eyriaud-Béchemore Jacques, né à Javerlhac le 4 avril 1788 de François et Marie Jalanihac. — 5e escadron, 15e compagnie.

    Gaussen Paul, né à Bergerac le 17 avril 1788 de Mathias et Julie Burette. — 10e escadron, 20e compagnie.

    Grézel Jean-François-Xavier-Maurice, né à Sarlat le 18 août 1790 du capitaine Barthélemy-Joseph et Marie Debarry. — 5e escadron, 5e compagnie.

    Labrousse Mandegou Pierre, né à Cazoulès le 30 mai 1793 de Pierre-Jacques et Madeleine Tarde. — 7e escadron, 17e compagnie.

    Lajarte Jeoffre Raymond, né à Naillac le 20 novembre 1798 de François et Antoinette Pochet. — 7e escadron. 17e compagnie.

    Humeau de la Martinie Charles, né à Bergerac le 5 juillet 1792 de Philippe et Jeanne Chanceaulme. — 5e escadron, 5e compagnie.

    Laroche Babiard Pierre, né à Saint-Germain de Bf,,rgerac le 10 mai 1794 de Pierre et lllarguerite Charraux.

    Lescure Jean-Etienne, né à Saint-Germain de Belvès le 30 mai 1790 de Xavier et Marie Lasure. — 10e escadron, 10e compagnie.

    Macary Lagrelière Jean, né à Etouars le 8 juillet 1786 de Jean et Marie Boussarie. — 5e escadron, 15e compagnie.

    Dubernad de Monmère Côme, né à Terrasson le 24 février 1795 de Dubernad et Marie Chalard. — 8e escadron, 8e compagnie.

    Pohl Henry, de Saint-Georges de Monclar, né à Bordeaux le 1 er juin 1794 de Pierre et Marie-Aimée Tessa. — 5e escadron, 5e compagnie.

    Record Jean, né à Sarlat le 24 décembre 1791 de François et Jeanne Pichmajou. — 5e escadron, 5e compagnie.

    Teissière Bellecise Louis, né à Sarlande le 19 janvier 1789 de Gabriel et Marie-Rose Decoux. — 10e escadron, 2e compagnie.

    Valeton Duroc Antoine, né à Saint-Georges de Monclar le 23 décembre 1795 de Hélie et Marguerite Chanaud. — 7e escadron, 20e compagnie.

    Une vingtaine de Gardes d’honneur périgourdins furent encore immatriculés le 29 juillet. En voici les noms :

    Villac de Beauroyre Charles, né à Segonzac (Corrèze) le 22 juillet 1791 de Jean-Marc et Suzanne de Calvimont, de Tayac. Promu brigadier le 20 août 1813.

    Béchaud François, né à Saint-Martial d’Artenset le 9 août 1794 de François et Anne Teyssandier.

    Bertrand de Faugerolas Jean, né à Génis le 13 avril 1794 d’Antoine et Catherine Lacoste.

    Bordas Pierre, né à Champagne-Fontaines le 21 février 1795 de Pierre et liarguerite Rousseau.

    Cavailler Antoine-Paul, de Bourdellière, né à Paris le 22 avril 1796.

    Chadourne dit Beysselance Jean, né à Saint-Martin des Combes le 6 juin 1794 d’Antoine et Marie Cailloux. — 5e escadron, 15e compagnie.

    Delarte de Beauchamps Jean, né à Molières le 18 avril 1?94 de Jean et Julienne Dorlit, demeurant à Pontours. — 5e escadron, 15e compagnie.

    Dufaure de Montmirail Pierre, né à Beaumont le 30 mai 1796 de Pierre et Catherine Franc, petit-fils et neveu de Gardes du corps du Roi. — 4e escadron, 4e compagnie.

    Plus tard maréchal des logis au 3e cuirassiers de la Garde royale (1821) et sous-lieutenant au 12e dragons (1830 à 1837).

    Dutard Jean, né au Bugue le 1er septembre 1795 de Mathieu et Madeleine Rey. — 7e escadron, 7e compagnie.

    Feriol Giraud, né à Saint-Amand de Belvès le 15 juin 1796 de Jean et Thérèse d’Epignol. 58 escadron, 156 compagnie.

    Fompeyre Chevalier Eymeric-Jean, né à Douzillac le 4 avril 1794 d’Antoine et Marie Garrau.

    De Grailly François, né à Saint-Remy le 23 décembre 1793 de Pierre et Marie Gregnier.

    Guillemot François, né à. Festalemps le 5 décembre 1784 de Léonard et Marguerite Courcelle. — 5e escadron, 15e compagnie.

    Labat de Bira dit Lombrière Jean-Hippolyte, né à Manzac le ler février 1796 de Jérôme et Marguerite-Thérèse Massoubié. — 5e escadron, 15e compagnie.

    Labonne-Laroche Pierre, né à Tocane le 8 février 1796 d’Antoine et GabrielÏe Desgentils. — 6e escadron, 16e compagnie.

    Poumeau Jean, né à Bergerac le 30 janvier 1794 d’Isaac et Marie Mestre. — 5e escadron, 15e compagnie.

    Simon Guillaume, né à Saint-Germain du Salembre le 7 juin 1790 de Pierre et Pétronille Lavignac. — 5e escadron, 15e compagnie.

    De Royère Jean-Marc, né à Saint-Antoine-de-Chignac le 2 juillet 1795 de Jean et Elisabetb Marquessac. — 10e escadron, 10e compagnie.

    Verneuil d’Artensec Claude-Raphaël, né à Creyssensac le 14 octobre 1789 de Léonàrd-François et Françoise de Montolon. — 5e escadron, 15e compagnie.

    Durieux ou Du Rieu de Marsaguet Josepb-Charles, né à Coursac le 1er janvier 1785 de François et Claude-Claire Doeneract. — 10e escadron, 20e compagnie.

    D’avril à juillet, les Gardes d’honneur du département reçurent à Périgueux les premiers éléments d’instruction militaire. Le préfet avait choisi pour instructeur un sous -lieutenant de cavalerie en retraite, M. Fargeot, de Saint-Apre (11).

    Les Périgourdins firent bientôt comme leurs collègues des autres départements une fois enrégimentés, tous ces jeunes hommes prirent l’esprit militaire au plus haut degré de perfection (12).

    Rassemblés à Tours, les Gardes du 3e régiment, venus d’un peu partout, furent les uns casernés, d’autres logés chez l’habitant, d’autres enfin cantonnés, de l’autre côté de la Loire, à l’abbaye de Marmoutiers, sous le haut commandement de leur colonel, qui était le général Philippe de Ségur (13). Bien instruits et entraînés durant plusieurs mois, ils étonnèrent à maintes reprises, par la précision et la rapidité de leurs manœuvres et exercices, les vieux régiments qui passaient à Tours, rappelés de la péninsule espagnole par la guerre d’Allemagne. A la fin de 1813, le 3e Gardes d’honneur partit, à son tour, pour le Rhin, aux avant-postes de Fort-Vauban à Germersheim, où il débuta par un hiver rigoureux, et avec le typhus. Les Périgourdins se distinguèrent dans de nombreuses affaires. Rapportons simplement quelques-unes de leurs prouesses.

    Lors du blocus de Landau, pendant une sortie, le garde Orfaure charge sur quatre cosaques et, en compagnie d’un sousofficier de cuirassiers, fait face à une douzaine d’ennemis pour défendre un camarade qui s’est cassé la cuisse dans une chute. A la bataille de Hanau, Hippolyte de Saint-Aulaire est blessé avec Froidefond cadet– il est démonté et fait prison= nier, mais s’échappe et rejoint son corps. A Brienne, BornetLéger reçoit une blessure qui lui vaut à dix-huit ans la croix d’honneur.

    A Reims surtout, le 13 mars 1814, les Gardes d’honneur firent une charge superbe et folle sur les dragons russes et rien ne résista à leur valeur héroïque huit canons furent enlevés les Gardes acharnés à la poursuite dépassèrent les fuyards dans le faubourg de Vesle et se trouvèrent pris entre deux feux (14). Ils. subirent de grosses pertes. Le colonel-major de Belmont Briançon. fut mortellement frappé Ségur fut blessé ainsi que Saint-Aulaire, Salleton, Rey-Desbrousse qui, ayant eu son cheval tué sous lui et atteint lui-même, de dix coups de baïonnette, ne pouvait plus se défendre (15). De même Aumassip, cité parmi les chargeurs héroïques, blessé comme il l’avait été à Wassy et devait l’être encore à Arcis. Aussi Napoléon se plut à citer dans le bulletin de la journée les Gardes du 8e régiment qui, dit-il, s’étaient couverts de gloire.

    Les Gardes d’honneur de 1813-14 ont mérité les hommages, les éloges et l’admiration que le Gouvernement de la défense nationale devait donner à nos petits Mobiles de 1870-71, cités à l’Ordre pour leur conduite à Coulmiers. La Dordogne a le devoir de se rappeler ses Gardes d’honneur d’il y a un siècle, le patriotique effort de ces jeunes gens, leurs vertus militaires, leur abnégation, leur vaillance et leur dévouement.

    Elle a le droit aussi de s’en montrer fière.

    Notes :

    1. Une Garde d’honneur existait déjà dans la Dordogne. Elle comptait au mois de novembre 1805 sept inscrits de 16 à 20 ans, auxquels d’autres noms furent ajoutés par la suite. Cf. d’Hauterive, La Police sous le Premier Empire, Il, nrs 512, 582, 577, 716.

    2. Lt Bucquoy, Les Gardes d’honneur, p. 210.

    3. Bull. de la Soc. hist. du Périgord, 1912, p. 55.

    4. Dr Poumiès de la Siboutie : Souvenirs d’un médecin de Paris, p. 69-70.

    5. Arch. nat., F1(c) III, 11. Rapport publié par M. Robert Villepelet dans le Bull. de la Soc. hist. du Périgord, 1911, p. 206. — Les Archives départmentales ne possèdent sur la formation des Gardes d’honneur aucun document dans la série militaire ni dans la série M. On trouve seulement dans le Recueil des actes de la préfecture les instructions du préfet baron Maurice, du 15 avril 1813, données aux maires des communes à la suite du décret mais aucun nom n’y figurer.

    6. Cavaliers de Napoléon, p. 126.

    7. Actuellement canton de Saint-Astier.

    8. Jean Limousin, avocat, député et sous-préfet, né à Ribérac en 1751.

    9. Il fut habillé, équipé et monté aux frais de la Légion d’honneur (1200 fr. le 10 mai et supplément de 200 fr. le 26 aoùt).

    10. Les milices de Périgord se distinguèrent à Bouvines où le sire de Mareuil fit prisonnier Ferrand comte de Flandre le 12 mars 1214.

    11. Jean Fargeot aîné (177-1846), hussard au 1er régiment en 1794, brigadier en 1800, maréchal des logis en 1802, sous-lioutenant en 1806 et chevalier de la Légion d’honneur en 1807, fut retraité en 1810, pour blessures reçues en PortugaI. Dans toutes les circonstances il avait été un exemple de bonne conduite, de bravoure audacieuse et de subordination parfaite. Il avait emporté les regrets et l’estime de tout son régiment.

    12. Mémoires du duc de Rovigo, VI, 76.

    13. Philippe-Paul de Ségur, né et mort à Paris (1780-1873), aide de camp de l’Empereur, membre de l’Académie française en 1830, fils du grand maître des cérémonies de Napoléon et pelit-fils du maréchal ministre de Louis XVI, appartenait à une branche de cette maison établie depuis longtemps en Périgord.

    14. A Dry : Reims en 1814, p. 212

    15. Général comte de Ségur : Du Rhin à Fontainebleau, p. 366, 370.

    Source : La Dordogne militaire, de Joseph Durieux.

  • Devars a laissé dans ses papiers une longue déclaration qui se présente comme un discours fait à ses collègues de l’assemblée, dans lequel il répond aux quatre questions posées, développant chaque fois un raisonnement argumenté.

    A la première question (la culpabilité) : «je ne suis point convaincu de tous les faits imputés à Louis, je suis convaincu qu’il y a eu une conspiration contre la sureté intérieure et extérieure de l’État… qu’enfin Louis est un des principaux chefs de cet horrible complot et le plus coupable de tous… en conséquence je le déclare coupable…».

    A la seconde question (l’appel au peuple) : «… quelque soit la prépondérance de vos suffrages, jamais ils ne sauraient dominer ma propre conviction, ni me faire adopter, pour mon vœu, une mesure que je penserai effectivement contraire aux intérêts précieux qui me sont confiés… Je suis bien convaincu que l’opinion du renvoi au peuple pour faire sanctionner le décret… contre Louis ne prévaudra pas et qu’elle sera rejetée…».

    Devars parle ensuite très longuement des pressions, des dangers et des menaces auxquels ils sont soumis: «au sortir de cette salle… encore hier au soir 100 ou 150 personnes… sur notre passage et nous poursuivirent par pelotons en nous apostrophant et en nous accablant… mais j’entends ma patrie alarmée qui me dit : si tu prononces sur le sort de Louis sans me consulter, tu me livres aux plus cruelles factions…»

    Suit un long passage où l’on retrouve presque mot pour mot la déclaration de Maulde pour justifier l’appel au peuple. Nos deux conventionnels auraient-ils agi de concert ? ou l’un se serait-il inspiré de l’autre ?

    A la troisième question (la peine): «…dans mon âme une conviction à laquelle je ne puis résister et qui me dit impérativement que la mort de Louis, bien plus que son existence, peut infiniment compromettre le salut et la gloire de ma patrie, que sa détention pendant la guerre et son bannissement à la paix sont deux mesures salutaires qui concilient parfaitement la sureté générale avec la grandeur, la dignité et la générosité de la Nation française… On ne m’accusera pas sans doute de faiblesse ni de pusillanimité puisque ceux qui ne votent point pour la mort de Louis sont horriblement menacés, que même leur vœu excite des murmures dans un certain côté de cette salle…».

    Pour appuyer son choix Devars se réfère à une lettre de la Société patriotique d’Angoulême, à leurs députés Bellegarde et Guimberteau, se prononçant dans le même sens, à savoir l’emprisonnement et le bannissement.

    A la quatrième question (le sursis) : «j’ai voté pour le renvoi au peuple, j’ai voté pour la réclusion… invariable dans mes principes, je ne puis que voter pour l’affirmation… en disant oui: et en cela je rends au peuple, mon souverain, le dernier et seul hommage qui me reste dans cette importante affaire. Car si mon vœu est rejeté, tout est fini ; si au contraire il est adopté, il (le peuple) pourra réclamer contre une mesure qui l’intéresse si essentiellement ou l’approuver par son silence.»

    Finalement cette déclaration se présente comme un plaidoyer que le conventionnel charentais se forge lui-même, pour se guider dans les réponses aux questions posées. Sa déclaration publique, face à la question n° 3 n’est que le résultat logique de débats intérieurs, qui l’ont conduit à rejeter la peine de mort. Toute l’argumentation tourne autour d’un pivot central auquel le raisonnement le ramène chaque fois, à savoir le principe du peuple souverain qui doit s’exprimer ou celui de l’intérêt supérieur de la Nation qu’il s’agit de sauvegarder.

    Comme ses collègues de la Convention Devars à aucun moment ne fait appel à des arguments traditionalistes, tel l’inviolabilité de la personne royale… ou d’autres d’ordre sentimental. Il reste dans le contexte légal du moment, en janvier 1793, où il n’y a plus de Roi et la France est une République.

    Est-ce à dire que dans le fond de sa personne ne subsiste aucun attachement à la personne du Roi ou à la monarchie déchue ? Il n’est pas possible de répondre à cette question.

    Au total un document humain, resté inédit jusqu’à présent et qui est à l’honneur du Conventionnel charentais. Il nous a été aimablement communiqué par des descendants directs de la famille. Nous n’en publions que des extraits essentiels et significatifs.

    Source : La Charente révolutionnaire, de Jean Jézéquel.